Pendant ce temps en… Tchéquie

Disons Tchéquie, pour faire plus court…

République tchèque ou Tchéquie ? Cette question, qui plane depuis la disparition de la Tchécoslovaquie (1993), est en voie d’être résolue. Le gouvernement tchèque vient d’entamer un processus à l’issue duquel l’Organisation des Nations unies officialisera bientôt un nouveau nom, simplifié, pour l’usage international. Cette nouvelle réjouit Vaclav Sulista, 53 ans, qui militait passionnément pour cette cause.

Alors comme ça, laRépublique tchèque devient la Tchéquie en français, Czechia en anglais, Chequia en espagnol et Tschechien en allemand. Ça vous fait quoi ?

Je suis très content. C’est une belle victoire pour mon organisation, Czechia – The Civic Initiative, qui visait à convaincre nos concitoyens qu’il nous fallait un nom plus court. Tous les pays d’Europe utilisent des noms abrégés. On dit Allemagne, et non République fédérale d’Allemagne, France, et non République française. Alors que nous, c’est tellement long ! Je vais en République. J’habite en République. Que devrais-je te rapporter de République ? Chaque fois, vous imaginez ? Tchéquie, c’est plus court. Et c’est logique.

Donc le pays change de nom ?

On ne change pas de nom. On enregistre un nouveau nom, plus court, pour l’étranger. République tchèque demeure. Cesko demeure, c’est le nom abrégé que nous avions déjà en tchèque. Maintenant, on ajoute la traduction anglaise – Czechia – et ses variantes en d’autres langues. C’est tout. Changer officiellement de nom serait un processus plus complexe. Il faudrait modifier la Constitution, et personne ne veut faire ça. Imaginez… Les passeports, toute la documentation, les coûts… Alors que là, la seule chose qui va changer, c’est ce qu’on va écrire sur les cartes géographiques. 

Adopter le nom Tchéquie, ou Czechia, c’est une idée qui circule depuis longtemps ?

Absolument. Dès 1993, lorsque la République tchèque a été créée, des experts et deux ministres ont proposé d’adopter ce nom. Mais les politiciens ont bloqué la recommandation parce que ça ne correspondait pas à leur goût esthétique. Pourquoi ? Parce qu’ils aimaient le mot République. Ça donnait une image positive du pays. Notre première république, de 1918 à 1938, était très démocratique et a eu beaucoup de succès sur le plan économique. Je pense aussi que Tchéquie leur paraissait trop court, comparativement à Tchécoslovaquie. Alors ils ont choisi République tchèque pour avoir un beau nom, long et bien noble, qui sonne bien. 

Pourquoi l’adopter maintenant, alors ?

L’idée a fait son chemin. Notre groupe pousse pour cette cause depuis 1997. On a senti une ouverture en 2013, quand notre président Milos Zeman a visité Israël. Shimon Perez a parlé de la Tchéquie, et M. Zeman l’a publiquement remercié. Maintenant, le processus est enclenché. Le gouvernement tchèque devrait envoyer sous peu les informations pour que l’ONU modifie sa base de données. Une fois que la demande aura été traitée par les bureaucrates, ce sera officiel. Et nous allons boire une bière pour célébrer ça !

À vous entendre, tout cela s’est passé rondement. Est-ce qu’il y a eu de la résistance en République tchèque ?

Oui. Beaucoup de gens ont demandé qu’on tienne un référendum sur la question. Certains ont dit que Czechia était historiquement incorrect. C’est faux. Czechia est un vieux nom qui existe depuis le XVIIe siècle, et qui était utilisé en anglais, avant la Seconde Guerre mondiale, pour parler de l’ouest de la Tchécoslovaquie.

D’autres ont déclaré que Czechia ressemblait trop à Chechnya (Tchétchénie). Certains ont déjà fait l’erreur de confondre les deux. Mais l’ignorance géographique ne peut pas être la raison pour laquelle on nomme – ou non – son pays de la bonne façon. À ce compte-là, il y en a d’autres : Austria et Australia [en anglais], Zambie et Zimbabwe, Lettonie et Lituanie, Niger et Nigeria, Malawi et Mali. La liste est longue…

Certains se plaignent aussi que le nouveau nom n’incorpore pas la Moravie, qui est une région importante de la République tchèque. Ils disent que le nouveau nom aurait dû être Tchécomoravie. Votre avis ?

Cette critique a été soulevée par un très petit parti autonomiste (Les Moraves), qui essaie de mousser sa cause autour de cette histoire. Ses membres parlent fort, mais ils n’ont pas beaucoup d’appuis. 

Bon. Et avec tout ça, qu’est-ce qui sera maintenant écrit sur les chandails de l’équipe de hockey tchèque ?

Rien, je crois. Depuis 2004, le nom du pays ne figure plus sur les maillots de notre équipe de hockey. Nous n’avons que les armoiries de la République tchèque. Alors dans ce cas précis, la question ne se pose pas…

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.