NOUVELLES RÈGLES HYPOTHÉCAIRES

Quel impact au Québec ?

Cette semaine, Ottawa a enfin redressé la barre dans le secteur immobilier. Si elles s’attaquent à certains problèmes liés aux investisseurs étrangers à Vancouver et à Toronto, les nouvelles mesures édictées par le ministre des Finances, Bill Morneau, risquent d’avoir un impact assez marqué au Québec.

DE QUOI PARLE-T-ON ?

La mesure qui sera ressentie le plus vivement au Québec touche le calcul utilisé par les banquiers au moment de contracter un prêt hypothécaire assuré. Dès le 17 octobre, tous les acheteurs qui font l’acquisition d’une maison avec une mise de fonds inférieure à 20 % seront soumis à la même « simulation de crise des taux hypothécaires ». Cet exercice vise à s’assurer de la capacité de rembourser des acheteurs, dans l’éventualité d’une hausse des taux d’intérêt. Jusqu’à maintenant, les termes de 5 ans – très populaires – étaient épargnés par cette simulation. La valeur maximale de tous les prêts hypothécaires devra désormais être calculée selon le taux affiché plutôt que le taux promotionnel.

CAPACITÉ D’EMPRUNT RÉDUITE

L’exercice imposé par Ottawa est loin d’être théorique. L’impact sera majeur pour de nombreux jeunes ménages aux finances serrées. C’est que l’écart entre les taux affichés et les taux promotionnels offerts par les banques est souvent marqué. Multi-Prêts donnait cette semaine l’exemple d’un acheteur qui veut s’offrir une maison de 350 000 $ avec une mise de fonds de 5 %. Avec un taux promotionnel de 2,39 % (en vigueur en ce moment), l’hypothèque amortie sur 25 ans lui coûterait 1471 $ par mois. En vertu des nouvelles règles, le banquier devra calculer la mensualité maximale avec un taux de 4,64 % pour respecter les ratios d’endettement. Résultat : l’acheteur en question devra se contenter d’une maison de 262 000 $… ou trouver le moyen d’allonger une mise de fonds de 88 000 $ !

40 % DES ACHETEURS

Le marché des premiers acheteurs est important au Québec. Selon les estimations de la Fédération des chambres immobilières du Québec (FCIQ), ceux-ci ont généré de 30 000 à 33 000 transactions annuellement au cours des cinq dernières années. Cela représente plus de 40 % des ventes. Une étude de l’Institut de la statistique du Québec publiée plus tôt cette année indique par ailleurs que 49 % des acheteurs québécois mettent moins que 20 % de mise de fonds. Cela signifie que presque un acheteur sur deux doit souscrire une assurance de son prêt hypothécaire, notamment auprès de la SCHL. Autant de Québécois qui devront se soumettre aux nouvelles simulations à partir du 17 octobre prochain.

LA FCIQ S’INQUIÈTE

Dans un billet publié cette semaine, la FCIQ souligne que la nouvelle mesure fera diminuer le nombre de ménages qui se qualifieront pour un prêt assuré. L’accès à la propriété s’en trouvera donc réduit au Québec, tout comme la valeur moyenne des emprunts. « Nous sommes préoccupés par cet enjeu, surtout dans la mesure où le taux de propriétaires est significativement plus bas au Québec [61 %] que dans toutes les autres provinces canadiennes [70 % ou plus], avance la FCIQ. Les Québécois profitent justement des taux hypothécaires historiquement bas pour faire un certain rattrapage à ce chapitre. » Personne ne s’avance pour le moment sur l’impact que pourrait avoir cette mesure sur le prix des propriétés, mais une chute marquée de la demande pourrait avoir des conséquences.

MARCHÉ « ASSAINI », SELON DESJARDINS

Hélène Bégin, économiste principale au Mouvement Desjardins, croit que la nouvelle mesure sur le calcul des taux permettra d’« assainir » le marché. Elle ne s’attend pas à une catastrophe. « Ça va toucher les premiers acheteurs et certains deuxièmes acheteurs, considérant que le prix moyen d’une propriété est rendu à 280 000 $ au Québec. Je ne sais pas dans quelle mesure ça va bouleverser le marché. Ça va avoir un impact, mais qui ne sera pas majeur. »

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