La renaissance de Montréal  Est du centre-ville

Les nouveaux visages de l’est

L’est du centre-ville connaît un boom d’investissements comme on n’en avait pas vu depuis des décennies : à elle seule, la construction du nouveau CHUM, un projet de 3,6 milliards de dollars, fera quadrupler l’achalandage du secteur, qui passera de 4000 personnes par jour à près de 16 000. « C’est un moment clé pour le centre-ville », explique le Dr Fabrice Brunet, PDG du CHUM et du CHU Sainte-Justine.

Les nouvelles tours du CHUM, rue Saint-Denis, ne sont que le début. Tout près, les jours de l’hôpital Saint-Luc sont comptés. L’édifice de briques jaunes tombera sous le pic des démolisseurs pour faire place à un amphithéâtre et une esplanade-jardin, notamment, dont l’ouverture est prévue d’ici 2020.

Ce sera alors la dernière phase d’un projet qui changera en profondeur la dynamique du quartier, explique le Dr Fabrice Brunet.

« Le CHUM va contribuer à une nouvelle image du Quartier latin, qui va devenir de plus en plus emblématique de ce qu’est le renouveau du centre-ville de Montréal, dit le Dr Brunet en entrevue avec La Presse. On peut le voir ailleurs dans le monde, où la construction d’un grand hôpital a transformé la vie de quartier. Ces innovations architecturales sont des moments clés. »

TRAVAILLEURS QUALIFIÉS

Le fer de lance de cette transformation est l’arrivée massive de travailleurs qualifiés. Du temps de l’hôpital Saint-Luc, environ 3000 employés et médecins et 1000 patients fréquentaient chaque jour le quadrilatère René-Lévesque, Saint-Denis, Viger et Sanguinet. En 2020, 12 500 employés, chercheurs, médecins et étudiants, et plus de 2800 patients, fréquenteront le même quadrilatère, soit quatre fois plus qu’auparavant.

« Nous allons avoir une concentration de nos ressources humaines, financières, technologiques, de recherche, d’enseignement et de soins sur un seul et même campus, alors que nous étions éclatés en trois hôpitaux différents », dit le Dr Brunet.

« Il va se développer une nouvelle organisation du quartier, une offre de services différente. »

— Le Dr Fabrice Brunet

De petites et grandes entreprises pourraient aussi être tentées de s’installer dans le secteur pour se rapprocher du centre de recherche du CHUM, ce qui cadre avec la notion de « ville intelligente » développée par la Ville de Montréal.

« Il y a actuellement un point d’attraction pour des entreprises naissantes, croissantes ou déjà établies, qui vont participer à la transformation du quartier en cette ville intelligente et qui va donner un rayonnement international non seulement au CHUM, mais à Montréal également », dit le Dr Brunet, qui dit déjà voir des besoins pour un « hôtel futuriste adapté aux besoins de nos patients, de nos étudiants et de nos visiteurs internationaux » dans le secteur. L’idée est lancée.

UN QUARTIER VIVANT

Le mois dernier, un vaste projet évalué à 500 millions de dollars a été annoncé un peu plus à l’est. Baptisé Quais De Lorimier, le complexe, qui doit être situé tout près de l’entrée du pont Jacques-Cartier, prévoit deux tours résidentielles de 40 et 28 étages, des bureaux, des commerces, un hôtel, une rue piétonne recouverte d’un toit en verre et une salle d’événements de 3000 places.

Autre projet important dans l’est du centre-ville : celui du redéploiement de Radio-Canada, qui compte faire construire un nouvel immeuble à l’angle de René-Lévesque et Papineau, où sont aujourd’hui situés les stationnements du diffuseur public.

Ces projets arrivent alors que le quartier est en mutation. Promenez-vous dans l’est du centre-ville, ces jours-ci, et vous pourrez aisément constater à quel point le quartier change depuis la période de stagnation dans laquelle il semblait embourbé depuis le début des années 2000.

En plus des retombées liées au développement du Quartier des spectacles, tout près, l’est du centre-ville est plus propre, vivant et sécuritaire qu’avant, remarque François Robillard, le directeur de la Table de concertation du Faubourg Saint-Laurent.

M. Robillard cite en guise d’exemple la place Émilie-Gamelin, près de l’édicule du métro Berri-UQAM, rue Sainte-Catherine. « Il y a 10 ans, la place Émilie-Gamelin était glauque, mal entretenue et peu invitante », dit-il.

Depuis l’été dernier, la place est métamorphosée par le Quartier des spectacles, qui vient d’y installer à nouveau cet été les Jardins Gamelin, des installations vertes qui proposent diverses activités culturelles, de la nourriture et de la musique sept jours et sept soirs sur sept, et ce, jusqu’au mois d’octobre. Des centaines de personnes de tous âges s’y réunissent chaque jour.

M. Robillard, qui habite le quartier depuis des décennies, est stupéfait du changement.

« Nous avons élevé notre fils sur la rue Saint-Christophe. Au milieu des années 2000, ce n’était pas calme, avec la prostitution de rue, des voitures devant chez nous de jour comme de nuit. »

« Depuis 10 ans, ça a beaucoup changé. C’est sûr que ça ne sera jamais la campagne ici, et ce n’est pas fait pour tout le monde. Mais les gros problèmes d’insécurité sont chose du passé. »

— François Robillard, directeur de la Table de concertation du Faubourg Saint-Laurent

« Le quartier est beaucoup plus habité qu’avant », ajoute M. Robillard, qui a été conseiller municipal dans le district Saint-Jacques de 2009 à 2013.

DÉSENCLAVER LES LOGEMENTS SOCIAUX

Dans l’est du centre-ville se trouvent aussi les Habitations Jeanne-Mance, qui, avec 788 appartements, forment l’un des plus importants complexes de logement social au Canada.

Clotilde Tarditi, directrice générale, note que les Habitations Jeanne-Mance essaient depuis plusieurs années de se « désenclaver » et de tisser des liens avec le quartier. Les habitations sont en train d’être rénovées à tour de rôle, un projet qui s’étendra jusqu’en 2022.

« On fait des efforts pour embellir le site, le rendre plus attrayant. On veut montrer qu’il est tout à fait possible d’avoir du logement social à côté de condos beaucoup plus chers », dit-elle, ajoutant que les parcs pour enfants qui s’y trouvent sont gérés par la Ville de Montréal et sont accessibles à tous.

Simon Harel, professeur titulaire au département de littératures et de langues du monde de l’Université de Montréal et codirecteur du livre Le Quartier des spectacles et le chantier de l’imaginaire montréalais, paru en 2015 aux Presses de l’Université Laval, voit l’est du centre-ville changer et s’interroge parfois sur le vent d’embourgeoisement qui balaye le quartier.

« Dans mes mauvais jours, j’ai peur que ça devienne une sorte de Disneyland tout programmé. Je pense au boulevard Saint-Laurent, particulièrement, dit-il. Cela dit, les Montréalais, nous avons souvent tendance à la critique assez forte. Nous sommes très exigeants. Je pense que ce qui est en train de se passer dans le secteur est fait avec goût. Ce sont des initiatives intéressantes, de bonne qualité. »

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