Alimentation

Ne pas mettre tous les gras saturés dans le même panier

Santé Canada s’apprête à choisir une étiquette qui sera apposée à l’avant des aliments trop riches en sel, en sucre et en gras saturés. Mais les gras saturés sont-ils tous égaux ? Points de vue et conseils.

Il n’y a pas si longtemps, les gras saturés étaient unanimement placés dans l’équipe des vilains. Il fallait les éviter à tout prix. L’unanimité ne tient plus complètement. « Avec les gras saturés, tout n’est pas noir ou blanc », dit la nutritionniste Marie-Josée Leblanc, coordonnatrice pour Extenso, le Centre de référence sur la nutrition de l’Université de Montréal. 

« Les acides gras insaturés restent de meilleurs gras, poursuit Marie-Josée Leblanc. Mais si on compare les gras saturés entre eux, il y a de grandes différences. » 

Le sujet serait plus simple si la distinction pouvait se faire clairement entre les gras saturés d’origine animale et ceux d’origine végétale, les uns étant bons, les autres, mauvais. Ce n’est pas le cas. « Les gras saturés de la viande, du beurre et du fromage n’ont pas tous le même effet sur le cholestérol », explique Amélie Charest, professionnelle de recherche à l’Institut sur la nutrition et les aliments fonctionnels de l’Université Laval. Les gras du fromage, par exemple, semblent être moins dommageables, dit-elle. Pourquoi ? C’est peut-être dû au processus de transformation de ce produit laitier fermenté. « Beaucoup de questions n’ont pas encore de réponse », admet Amélie Charest, qui précise que chaque gras saturé a un profil différent. 

Les acides gras saturés possèdent des chaînes de carbone, plus ou moins longues, qui influencent leurs effets sur la santé. La science a encore beaucoup à faire pour dégager des consensus et établir les effets, positifs et négatifs, de chacun. 

« Il faut limiter son apport en gras saturés, en sachant qu’ils ne sont pas tous égaux », souligne Amélie Charest. 

Et ne pas les remplacer par n’importe quoi. « Deux ou trois méta-analyses ont conclu que ça ne changeait rien de diminuer les gras saturés, mais ça dépend par quoi on les remplace, prévient le DMartin Juneau, directeur de la prévention à l’Institut de cardiologie de Montréal et professeur à la faculté de médecine de l’Université de Montréal. Si on les remplace par des hydrates de carbone ou des oméga-6, c’est certain que ce n’est pas une bonne idée. Il faut les remplacer par des bons gras, des gras polyinsaturés ou mono-insaturés. »

Que veut Santé Canada ?

L’automne dernier, Santé Canada a lancé plusieurs initiatives sur la saine alimentation, dont ce nouveau règlement qui imposera aux transformateurs alimentaires d’apposer une étiquette sur le devant de leurs produits trop riches en sucre, en sel et en gras saturés. Pour faire partie du lot, un aliment doit contenir plus de 15 % de la valeur quotidienne acceptable de ces composantes indésirables. « C’est une initiative intéressante, mais qui manque de nuances », dit Amélie Charest, de l’Université Laval. Ça ne s’intéresse pas à l’aliment dans son ensemble. » La nutritionniste craint que des aliments pauvres en nutriments positifs échappent au logo alors que des aliments beaucoup plus sains seraient contraints de le porter, car ils dépassent la limite de gras saturés. On pourrait donc voir des chips sans logo et un fromage avec logo, calcule Amélie Charest. « Il faut que cette mesure soit accompagnée d’une campagne d’information », dit-elle.

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