10 idées pour améliorer le système de santé
Créer davantage de ressources psychosociales parce que les services sociaux sont souvent les enfants pauvres du réseau de la santé. Aider également les OSBL à donner de meilleurs services en rehaussant les conditions salariales des intervenants. Favoriser un partenariat entre le communautaire et le réseau de la santé dans la création de projets porteurs de changements.
— Sylvie Martin, travailleuse sociale
En tant que médecin de famille, je placerais deux médecins aux urgences pour désengorger le système. Les urgentologues ne s’occuperaient que des cas urgents, ce pour quoi ils ont été formés, et les deux médecins de famille prendraient tous les cas bénins, la majorité, ce qui permettrait une meilleure fluidité aux urgences. Ce sont les cas plus lourds (ambulance, infarctus et autres traumas) qui empêchent les urgentologues de s’occuper des grippes, des infections urinaires et de tous les cas bénins, faute de temps et compte tenu des priorités.
— Gaby Zagury, médecin de famille
Je suis infirmière depuis 25 ans. Une partie de la solution est, selon moi, de déléguer, déléguer et encore déléguer certains actes médicaux aux infirmières. La loi sur les infirmières a été modifiée en 2003. Il reste beaucoup à faire en pratique. De plus, les infirmières ont le droit de prescrire certains médicaments... qui, pour la majorité d’entre eux, sont disponibles en vente libre dans les pharmacies. En résumé, donner plus de responsabilités et d’autonomie aux infirmières.
— France Tousignant, infirmière clinicienne
Je mettrais en place des mesures favorisant la professionnalisation des services de réadaptation offerts à la clientèle des Centres de réadaptation en déficience intellectuelle et trouble du spectre de l’autisme. Les effectifs en orthophonie et en ergothérapie sont limités et largement insuffisants pour répondre aux besoins variés et complexes de cette clientèle particulière.
— Myriam Godue, orthophoniste
Il faut une meilleure informatisation. J’instaurerais un dossier électronique unique où tous les renseignements médicaux du patient seraient colligés : l’imagerie, les résultats de laboratoire, les notes (lisibles) des consultants, les demandes à la RAMQ pour les médicaments d’exception et leurs réponses, les médicaments du patient. Avoir une mise à jour pour éviter les erreurs. Cela empêcherait que certains examens soient faits en double et permettrait d’économiser argent et temps, tout en évitant les conséquences parfois néfastes que peuvent entraîner des radiations inutiles. Il y a une grande inefficacité à devoir courir après les résultats des tests demandés par d’autres professionnels, mais qui ne parviennent jamais au médecin traitant. J’aimerais également avoir accès aux plages horaires des divers spécialistes pour mieux aiguiller et aider mon patient à obtenir un rendez-vous dans des délais acceptables. En 2018, tout passe par l’informatique, il est aberrant qu’encore aujourd’hui nous utilisions la poste et le télécopieur pour recevoir, une semaine plus tard, des résultats de tests. Résultats que nous devrons scanner et ajouter au dossier physique du patient. Un réel virage informatique qui ferait en sorte que notre système de santé soit interconnecté sauverait beaucoup de temps et augmenterait l’efficacité. Nous serions tous gagnants.
— Louise M. Légaré, médecin de famille
La base, pour améliorer notre système, serait de dépolitiser le système de santé. Créer l’« Hydro-Québec de la santé » qui pourra planifier sur 20 ans à partir de données probantes au lieu de changer de plan tous les quatre ans !
— Louis Philippe Pelletier, médecin
La mesure la plus importante pour améliorer le système de santé est de privatiser sa gestion. Le gouvernement doit avoir le sifflet, pas la rondelle ! Des gestionnaires imputables seraient responsables de gérer le système localement en tenant compte des particularités de chaque région. Ce modèle est en place en Europe du Nord. L’autre mesure importante est de cesser d’interdire l’existence d’hôpitaux privés. Cette interdiction prive le système public d’un élément essentiel à la qualité d’un service : la concurrence.
— Dominique Garrel, médecin
Je miserais sur la prévention en favorisant l’inclusion des professionnels de la santé qui peuvent y jouer un rôle essentiel. Je parle ici des kinésiologues qui mériteraient d’avoir un ordre professionnel. Ils peuvent intervenir dans la gestion des habitudes de vie, la modification de comportement et dans la mise en place d’exercices adaptés à l’individu. Ils œuvrent donc en prévention, en traitement et en performance, mais actuellement avec des moyens très limités. Un grand pourcentage de la population vit à un moment ou à un autre avec un trouble musculo-squelettique (douleur et limitation de mouvement) ou une maladie chronique. Le pouvoir des exercices adaptés sur la santé n’est plus à démontrer ! Encadrons donc au plus vite cette profession à valeur ajoutée !
— Geneviève Émond, Farnham, kinésiologue
D’abord restaurer un processus démocratique en travaillant avec les populations concernées localement. Informer, écouter, dialoguer, collaborer et habiliter les personnes à prendre en main leur santé et celle de leur communauté. Renforcer la promotion et la prévention et axer nos énergies sur des environnements favorables à la santé globale. Faire une première ligne avec des équipes multidisciplinaires où l’infirmière praticienne serait la chef. Mettre les médecins comme consultants en première ligne et développer la surspécialisation et les spécialités de pointe pertinentes aux populations. Avoir des visionnaires à la tête du réseau et prévoir les enjeux des populations de demain. Développer un axe majeur pour la santé globale de nos peuples amérindiens, revoir le mode de rémunération des médecins et remettre en question la qualité de vie du grand âge...
— Denise Fortin, psychologue
Les CLSC (centres locaux de services communautaires) avaient pour mission à l’origine, au début des années 70, d’être une première ligne et d’offrir toute la gamme des services de santé et de services sociaux requis par une communauté donnée, dans leurs milieux de vie (domicile, écoles, garderie…). Ces services pouvaient varier d’un secteur à l’autre, selon les besoins spécifiques de cette communauté. On y trouvait notamment des infirmières, des hygiénistes dentaires, des auxiliaires familiales et sociales, des travailleurs sociaux, des psychologues, des nutritionnistes, des ergothérapeutes, des physiothérapeutes, des organisateurs communautaires… et trop peu de médecins. À Montréal, nous avons eu jusqu’à 31 CLSC. Nous y avons offert de magnifiques services qui ont peu à peu disparu, principalement parce que les médecins n’ont pas voulu en faire partie : le paiement à salaire ne les intéresse pas. Puis, les fusions de 2005 et, encore plus sauvages, celles de 2015 ont fait des CLSC des centres moribonds. Restaurer les CLSC signifie remettre en place les services de promotion et de prévention de la santé, offrir les soins et services curatifs avant qu’ils deviennent urgents, permettre aux aînés de vivre le plus longtemps possible chez eux, soutenir nos communautés... Nous redeviendrions une population en santé.
— Marguerite Deschamps, gestionnaire retraitée du réseau de la santé et des services sociaux
D’autres idées des intervenants
La liste est longue, les priorités dures à établir. Je pense que l’on peut juger de la valeur d’une société à la manière dont elle s’occupe des personnes les plus vulnérables, entre autres les aînés, les enfants, les handicapés et les personnes démunies. L’accès à de bons soins, et pas seulement à des soins de base, doit être un droit fondamental. Même si le Québec et le Canada peuvent se targuer d’avoir un bon système de santé par rapport à bien de pays, des efforts restent à faire. Comment se fait-il que certains aînés n’aient pas accès à de bonnes maisons de retraite ? Que beaucoup de personnes ne peuvent pas se payer de soins dentaires à cause des coûts non remboursés ?
— Marie Lamensch, coordinatrice de projet, Institut montréalais d’études sur le génocide et les droits de la personne, Université Concordia
Remettre les infirmières là où elles doivent être. En août 2016, on nous annonçait une réforme dans les CHSLD qui visait à doubler les postes requis d’infirmières licenciées, et ce, malgré la pénurie. On en trouvera, nous disaient-ils. Mars 2017, comme promis, on débutait la réorganisation du travail : les deux tiers des infirmières requises provenaient d’agences, sabotant ainsi la qualité des soins. Si on fermait ces agences, et donnait à ces infirmières ainsi libérées la possibilité d’avoir un poste intéressant dans notre système de santé publique ? Les heures supplémentaires deviendraient quasi inexistantes, les soins retrouveraient leur qualité d’avant et l’atmosphère au travail serait au beau fixe. À qui rapportent ces agences pour qu’une idée aussi simple n’ait jamais été envisagée ? Certains politiciens en seraient-ils actionnaires ? On ne peut pas fermer les agences, pourrait sûrement nous répondre Gaétan Barrette. Pourtant, il n’en serait pas à sa première décision controversée ? On aura beau établir des quotas, si on n’a pas d’infirmières, à quoi bon...
— Linda Legault, infirmière auxiliaire
Il existe des solutions pour améliorer la première ligne de notre système de santé dans le futur. D’abord, donner plus d’autonomie aux différents professionnels qui y œuvrent, favoriser la collaboration entre eux et en faciliter l’accès pour la population. Deuxièmement, avoir une approche budgétaire spécifique et contrôlée pour la première ligne en tenant compte des coûts associés aux interventions des professionnels, incluant les médecins de famille, et en considérant les différents modes de rémunération. Enfin, en s’appuyant sur cette approche budgétaire contrôlée, augmenter le nombre de médecins, en facilitant l’entrée en médecine et en résidence de médecine de famille, réduire l’écart de rémunération avec les médecins spécialistes et miser sur l’émergence d’une certaine concurrence qui n’existe tout simplement pas actuellement dans notre système. N’oublions pas que, si nous sommes dans une situation enviable au Canada, nous avons tout de même un des pires ratios médecins de famille/population dans le monde occidental, soit 1,1 pour 1000 habitants, comparativement à 1,5 pour les pays de l’Union européenne. Un peu de concurrence et un plus grand accès aux services de différents professionnels dans un système où l’emploi est assuré et la rémunération plus qu’appréciable ne ferait certainement pas de tort !
— Raymond Lalande, médecin, professeur titulaire, département de médecine de famille et de médecine d’urgence, Université de Montréal
La chose à faire en santé ? Se rappeler que les milliers de femmes qui sont actuellement infirmières ne sont pas obligées d’exercer cette profession. En 2018, avec un marché du travail qui atteint le seuil du « plein emploi », elles peuvent être infirmières. Elles peuvent aussi exercer des centaines d’autres emplois, elles peuvent même être caissières au Costco pour exactement le même salaire. Sauf que là, leur uniforme est payé, elles ne sont pas « séquestrées » par des heures supplémentaires obligatoires, ne travaillent pas la nuit et ont des vacances d’été… durant l’été ! Se rappeler que ce sont des femmes intelligentes, scolarisées, très débrouillardes et habiles avec le public : le rêve de plusieurs employeurs dans des dizaines de domaines ! Donnez-leur des salaires et des conditions de travail dignes et vous aurez peut-être la chance qu’elles choisissent de continuer à travailler comme infirmières.
— Isabelle Danis, infirmière
Il faut une évaluation santé périodique sommaire non médicale des individus, comprenant une prise de tension artérielle, une glycémie capillaire, une mesure du poids et du tour de taille, ainsi qu’une épreuve de marche chronométrée. Ce type d’évaluation populaire existe déjà (le 10 de cœur à Chicoutimi), mais les données individuelles ne sont pas colligées. Chaque individu prendrait ainsi conscience de l’importance de la prévention des maladies chroniques et ce, sans engorger le système de santé.
— Dominic Gagnon, médecin
Que les médecins soient payés par l’établissement pour lesquels ils travaillent. Actuellement, les médecins ont trop d’autonomie donc peu d’obligation envers les organisations. Revoir le nombre de CIUSSS et de CISSS. L’idée de regrouper les différentes missions était souhaitable, mais la gestion d’établissement de plus de 10 000 employés est excessivement difficile et impersonnelle. Décentraliser la gestion opérationnelle dans les établissements avec une obligation que les CIUSSS ou CISSS d’une même région aient une approche populationnelle partagée et une offre de services complémentaire. Par exemple, la région de Lanaudière pourrait compter sur deux CISSS et des services pouvant être offerts dans l’un ou l’autre des deux hôpitaux. On vise trois objectifs : optimiser l’utilisation des plateaux techniques et des compétences professionnelles, offrir des services professionnels de proximité dans la région de la population lorsque la masse critique est suffisante et réduire la compétition inutile entre établissements. Que le MSSS se limite à donner les grandes orientations et les priorités en matière de santé et de services sociaux et cesse d’intervenir dans la gestion des opérations. Plusieurs postes pourraient ainsi être supprimés tant au Ministère que dans les établissements. On peut instaurer une méthode de reddition de comptes beaucoup moins lourde. Le réseau SSS est actuellement axé sur la méfiance du MSSS envers les gestionnaires des établissements. Instaurer des mécanismes d’évaluation de la pertinence des services et de l’utilisation des ressources pour l’environnement physique, de celles financières et surtout de la main d’œuvre.
— Benoit Valiquette, ancien directeur général d’un CSSS et ancien directeur général adjoint d’un CISSS