Chronique

Une stratégie pléthorique

La stratégie de développement économique de Montréal, dévoilée le printemps dernier par la mairesse Valérie Plante et qui sera au cœur d’un forum de mobilisation la semaine prochaine, était pavée de bonnes intentions. Mais elle semble avoir été élaborée par des fonctionnaires davantage soucieux d’élargir leur emprise sur l’encadrement du développement que de générer véritablement une activité économique accrue.

C’était en avril dernier. La mairesse Valérie Plante était l’invitée vedette à la tribune de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain pour présenter sa stratégie de développement économique, baptisée « Accélérer Montréal ».

C’était, selon la mairesse, la première véritable politique de développement économique élaborée par la Ville, une première rendue possible par la dévolution par Québec de nouveaux pouvoirs à la métropole ainsi que par le transfert d’une enveloppe annuelle de 50 millions destinée à la mise en œuvre financière de cette stratégie.

À l’instar des documents de promotion qu’utilise Montréal International, la stratégie fait la recension des grands secteurs économiques où Montréal affiche une présence significative : ville universitaire, industries culturelles et créatives, sciences de la vie, numérique, transports, énergies propres…

On explique aussi que la stratégie va se déployer autour de cinq orientations qui vont permettre d’accélérer le développement économique de Montréal : le talent et la main-d’œuvre, l’entrepreneuriat, le renforcement des pôles économiques, le rayonnement international et la mise en place d’un réseau performant.

Il s’agissait là des grandes lignes de la stratégie présentée le printemps dernier, laquelle a été peaufinée durant l’été avec la publication de huit plans d’action spécifiques touchant l’entrepreneuriat, le commerce, les affaires économiques internationales, l’innovation sociale, le développement économique du territoire…

J’ai pris le temps de passer à travers chacun de ces plans d’action, qui font chacun une trentaine de pages, et j’y ai trouvé bien peu d’actions concrètes visant à faciliter la vie aux acteurs du développement économique : que ce soit les entrepreneurs, les travailleurs, les entreprises ou les décideurs économiques.

On y énumère plutôt des dizaines et des dizaines de mesures que l’on compte mettre en place afin de favoriser une meilleure activité économique : consolider le réseau PME MTL, financer la commercialisation des innovations, promouvoir les services aux entrepreneurs, dynamiser les artères commerciales, soutenir le développement des compétences et le talent, promouvoir l’entrepreneuriat auprès des étudiants universitaires… Bref, un chapelet de belles intentions.

Beaucoup de mots pour rien

Les plans d’action sont un flot ininterrompu d’initiatives à entreprendre, assorties d’indicateurs de performance pour les évaluer. Il y a ici de quoi faire vivre une armée de fonctionnaires pour des dizaines et des dizaines d’années à venir.

Le langage utilisé pour décrire ces actions est d’ailleurs souvent fortement empreint de la vacuité propre à ce qui doit rester flou, c’est un peu comme lire du Mélanie Joly dans le texte.

« Déployer le plan d’action en complémentarité à l’offre actuelle de l’écosystème afin d’assurer un continuum de services ».

« L’importance d’écosystèmes sectoriels performants dans l’attraction d’investissements ainsi que dans la création et la croissance d’entreprises innovantes requiert que nous puissions maximiser les synergies et les collaborations entre les différents acteurs qui les composent. »

Il faut aussi voir au « renforcement de la cohérence et optimisation de la performance des écosystèmes provenant des cinq secteurs prioritaires »... Ainsi de suite et ainsi de suite.

Bref, on a beaucoup fignolé ces plans d’action pour en faire de beaux documents de communication, mais est-ce que leur contenu va vraiment participer à assurer le développement économique de Montréal ?

La Ville me donne l’impression de ces nouveaux riches qui veulent s’acheter une prestance. Elle a hérité de nouveaux pouvoirs et de nouveaux budgets et elle veut occuper un territoire neuf en ajoutant sa propre structure à toutes celles qui sont déjà en place.

La Ville veut dupliquer l’action de Montréal International pour faire la promotion d’investissements étrangers, les firmes de capital de risque pour financer les jeunes pousses (startups) ou le soutien aux entrepreneurs en leur finançant des services-conseils.

Le développement économique de Montréal a pourtant davantage besoin de clarté et de direction que de soutien bureaucratique aux entreprises.

Le développement économique à Montréal a surtout moins besoin de bureaucratie et bien davantage de cohérence dans son action, que ce soit auprès de ses commerçants ou des entreprises de toute nature qui y sont établies ou qui cherchent à s’y implanter.

Le meilleur exemple pour illustrer l’urgence de pallier cette carence réside dans la décision qu’a récemment prise la société britannique Solargise d’investir 1 milliard pour l’implantation d’une nouvelle usine de panneaux solaires à Valleyfield plutôt que dans le parc industriel d’Anjou où elle voulait au départ s’établir.

Pendant que Montréal peaufinait sa stratégie de développement économique, la Ville a lamentablement échappé cet investissement qui cadre pourtant tout à fait dans plusieurs des énoncés de ses nouveaux plans d’action.

Heureusement, Solargise a quand même choisi la grande région de Montréal pour réaliser cet important investissement, mais imaginez si elle avait plutôt opté pour Mississauga ou une petite ville de l’État de New York ? Montréal doit revenir sur terre, c’est là que se vit l’économie.

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