Médias sociaux

La fausse nouvelle franchit un nouveau pas

Après les informations trompeuses, les faux vérificateurs de faits font leur apparition

La diffusion à grande échelle par les médias sociaux de fausses nouvelles est devenue une source de préoccupation majeure aux États-Unis et au-delà à la suite de la victoire inattendue de Donald Trump à l’élection présidentielle.

Facebook et Google ont notamment lancé des initiatives au cours des dernières semaines pour tenter de freiner la diffusion d’informations trompeuses et les initiatives pour vérifier les faits se multiplient. Reste à savoir maintenant qui va vérifier le travail des vérificateurs.

La question n’a rien de théorique puisqu’une polémique survenue en Suède relativement à un faux site de vérification des faits indique que des pratiques de ce type ont déjà cours.

« C’est l’étape logique suivante. Si vous créez de fausses nouvelles, il faut ensuite en défendre la véracité. Et quoi de mieux pour défendre de fausses nouvelles qu’un faux vérificateur de faits ? », ironise Anders Lindberg, journaliste politique d’Aftonbladet, l’un des principaux quotidiens du pays.

L’affaire, relate-t-il, a débuté lorsqu’une écrivaine connue, Katerina Janouch, a donné une entrevue à une télévision tchèque dans laquelle elle brossait un sombre portrait de la situation sécuritaire en Suède en évoquant l’impact de l’immigration.

L’auteure a notamment affirmé qu’il existait une cinquantaine de zones « hors la loi » où les autorités n’osaient s’aventurer et affirmé qu’elle songeait à se doter d’une arme pour sa protection personnelle.

« [Katerina Janouch] a présenté un portrait de la Suède qui était très éloigné du quotidien des gens ordinaires. »

— Anders Lindberg, journaliste politique

Après avoir vu ses affirmations contredites par les médias suédois, l’écrivaine a fini par s’excuser de ses propos. Elle a toutefois tenté au préalable de se justifier en évoquant les écrits d’un groupe Facebook, Mediekollen, affirmant être spécialisé dans la vérification de faits.

M. Lindberg a lui-même reçu plusieurs courriels et vu défiler des tweets et des messages renvoyant à la page du groupe, qui donnait son aval aux affirmations de l’écrivaine.

Une analyse sérieuse des « vérifications » produites par le groupe a notamment permis au journaliste de conclure rapidement qu’il s’agissait d’une tentative de manipulation.

Le site était très récent et comportait peu d’analyses. Il semblait en fait avoir été créé essentiellement pour soutenir la version de Katerina Janouch, note le journaliste d’Aftonbladet.

Administrateurs anonymes

Des médias ont tenté de savoir qui se cachait derrière le groupe Facebook, sans toutefois obtenir de réponse précise. Hier, la page correspondante n’était pas accessible. Il n’était pas clair alors si Facebook était à l’origine de ce retrait ou si ses créateurs en avaient pris l’initiative.

« Peut-être que la polémique [entourant Mediekollen] a rendu la page inutile », relève M. Lindberg en soulignant que la crédibilité du groupe, réel ou imaginé, a été sérieusement minée.

Le journaliste juge que la pratique n’en est pas moins préoccupante puisqu’une fausse vérification, tout comme une fausse nouvelle, peut largement circuler sur les réseaux sociaux et tromper la population avant que des mises en garde ne puissent venir la contrer.

Le phénomène peut devenir particulièrement problématique si les gens s’informent dans des « bulles », par exemple le fil d’actualité de Facebook, qui transmet en priorité de l’information conforme à leurs convictions.

M. Lindberg craint que de faux sites de vérification ne servent ultimement à discréditer les textes de médias sérieux comme Aftonbladet.

« En campagne électorale, des tentatives de manipulation du genre pourraient faire basculer la position de certains citoyens en créant le doute dans leur esprit », prévient-il.

Les fausses nouvelles en chiffres

120 : Nombre de sites de fausses nouvelles colligées par un professeur du Massachusetts

5000 $ : Revenus publicitaires que des jeunes basés en Macédoine disaient pouvoir générer par mois en exploitant des sites de fausses nouvelles soutenant Donald Trump

64 % : Pourcentage d’Américains qui se disent convaincus que les fausses nouvelles suscitent beaucoup de confusion dans la population par rapport à l’actualité

Sources : Los Angeles Times, BuzzFeed, Pew Research Center

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.