Assemblée nationale

Les Barrette, étoiles du Salon bleu

Québec — Le premier est l’un des ministres libéraux les plus en vue du gouvernement Couillard. Le second, un caquiste, est l’un des plus jeunes députés de l’Assemblée nationale. Ils partagent un nom de famille. Et au terme d’un scrutin mené auprès de leurs collègues, ils sont maintenant unis par un titre : celui de parlementaire de l’année.

Le ministre de la Santé Gaétan Barrette et le député Simon Jolin-Barrette sont les élus qui se sont le plus distingués en 2016. Ce sont leurs propres collègues de l’Assemblée nationale qui les ont élus au terme d’un scrutin organisé par La Presse.

Inspirés par le magazine Maclean’s, nous avons demandé aux députés de désigner ceux qui avaient fait honneur à leur profession. En plus du grand prix, ils devaient choisir le meilleur débatteur, la vedette montante, le député le plus dévoué à ses électeurs et celui qui s’est distingué par son esprit sportif (voir le tableau à l’onglet suivant).

89

Nombre de députés qui ont participé au vote, soit un taux de participation de près de 75 %

Au terme du scrutin, les élus n’ont pas choisi un grand gagnant, mais bien deux. Avec 21 votes chacun, le ministre de la Santé Gaétan Barrette et le critique caquiste en matière de justice, Simon Jolin-Barrette, se partagent les grands honneurs.

À première vue, tout semble séparer les deux hommes. Le premier a 60 ans, c’est une personnalité publique depuis des années et il dirige le plus important ministère de l’État québécois. Le second a la moitié de son âge, 29 ans, il a brièvement été avocat à la Ville de Montréal et son élection dans Borduas en 2014 a été considérée comme une immense surprise.

M. Barrette est connu pour son style combatif. M. Jolin-Barrette se distingue par l’élaboration méticuleuse de ses arguments.

Bref, observe le whip du Parti libéral, Stéphane Billette, « ce sont deux styles complètement différents ».

« C’est exactement ce qui fait la force de l’Assemblée nationale, dit M. Billette. On a différentes personnalités venant de différents milieux avec des formations et des expériences différentes. C’est ce qui fait la richesse de l’Assemblée nationale. »

Ministre hyperactif

Comme tout ministre de la Santé, Gaétan Barrette a connu une année occupée. Il a aboli les frais accessoires facturés aux patients, continué de réorganiser le réseau de la santé et poursuivi son bras de fer avec les médecins sur l’accès aux soins.

Il talonne depuis des mois le gouvernement fédéral sur les transferts en santé aux provinces. Et au passage, il s’est même permis d’organiser pour les journalistes une dégustation des mets qu’il souhaite voir servis dans les CHSLD.

Certes, il est « parfois un peu rustre », convient Simon Jolin-Barrette, à qui nous avons demandé de décrire Gaétan Barrette. Mais personne à l’Assemblée nationale ne nie qu’il connaît ses dossiers. Et personne ne doute de son talent pour « l’art de la rhétorique », dit M. Jolin-Barrette.

« C’est quelqu’un sur qui son parti peut compter, note-t-il. Ce n’est pas quelqu’un qui va mettre le Parti libéral dans une situation inconfortable. Il va au front, il ne se laisse pas déstabiliser en entrevue et il livre un message qui est clair. »

« Parfois, il fait un peu de cabotinage, il fait de l’humour, mais dans la majorité des cas, il tente de bien répondre aux questions. »

— Simon Jolin-Barrette sur Gaétan Barrette

Son tempérament combatif le sert bien dans le débat qui oppose les provinces à Ottawa sur la hausse des transferts en santé, poursuit M. Jolin-Barrette.

« Gaétan Barrette occulte même le premier ministre : il est plus solide, il est plus verbomoteur, relève-t-il. C’est comme s’il avait davantage à cœur la défense du système de santé que Philippe Couillard. »

Vedette en devenir

Simon Jolin-Barrette, lui, a été utilisé à toutes les sauces, cet automne. Il a été envoyé au front lorsque deux employés de la CAQ ont dérobé des documents confidentiels avant de passer au PLQ. Il a passé la session à talonner le ministre Laurent Lessard sur les gestes de son conseiller Yvon Nadeau. Et plus récemment, il a fait le procès de la ministre de la Justice, Stéphanie Vallée, pour la crise des délais judiciaires.

« Manifestement, il a beaucoup de talent, observe Gaétan Barrette au sujet de son jeune collègue. Je pense qu’à la CAQ, c’est une étoile montante, et on le voit dans la façon dont il traite ses sujets. À la CAQ, certainement pour moi, c’est la personne qui s’est révélée le plus cette année, il n’y a pas de doute. »

« On a le même nom, alors c’est clair que c’est dans les gènes. […] On est nés pour être incisifs. »

— Gaétan Barrette, à propos de Simon Jolin-Barrette

Le ministre s’est dit impressionné par les interventions du député au Salon bleu. La construction méticuleuse de ses questions trahit son passé d’avocat et son sens de la répartie lui a permis de se distinguer dans un rôle – critique en matière de justice – où il n’est pas facile de se démarquer.

« Il attire l’attention parce que les sujets qu’il traite ne sont pas des sujets faciles », convient M. Barrette.

Autre preuve que 2016 a été l’année des Barrette, le ministre et le député ont chacun remporté une deuxième catégorie. Gaétan Barrette a été élu meilleur débatteur de justesse, tandis que Simon Jolin-Barrette gagne le titre de vedette montante.

Un scrutin non partisan

Pour encourager la participation des députés, nous avons consulté les quatre partis de l’Assemblée nationale ainsi qu’un expert de l’Université de Montréal. Nous avons élaboré quatre formulaires électroniques, un par aile parlementaire. Dans chaque catégorie, les députés devaient voter pour deux personnes : un membre de leur caucus et un adversaire. Cette formule faisait en sorte qu’il était presque impossible pour un élu de gagner un prix sans obtenir des appuis dans les autres groupes parlementaires. Les députés ont reçu le questionnaire dans la dernière semaine de la session parlementaire et avaient jusqu’au 15 décembre pour y répondre. Près des trois quarts d’entre eux ont participé au vote.

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.