Opinion : Achat local

Ce que les gens veulent entendre

Plusieurs vénèrent l’achat local malgré le flou qui entoure ce concept. Mais la provenance de nos aliments ne constitue pas vraiment le facteur le plus influent sur nos décisions alimentaires, sauf en ville peut-être, mais encore…

D’abord, tout produit alimentaire est local pour quelqu’un quelque part. Mais laissons de côté pour l’instant l’ambiguïté qui accompagne l’interprétation de l’achat local. La volonté d’acheter un produit local se perçoit comme un choix noble, censé, encouragé par pratiquement tout le monde.

Bien sûr, qui pourrait se dresser contre la vertu ? En effet, certains militants alimentaires associent l’agriculture durable avec l’achat de produits locaux. On nous martèle le principe que le seul moyen de résoudre une foule de problèmes qui émanent de la mondialisation réside dans la limitation de l’envergure de nos systèmes d’approvisionnement. Peut-être, mais malgré la popularité des produits locaux, il y a d’autres éléments qui font en sorte que l’achat local demeure un facteur décisionnel tout à fait secondaire pour plusieurs.

Selon une récente étude de l’Université Dalhousie portant sur les facteurs décisionnels en alimentation, 31 % des consommateurs ayant un revenu de 35 000 $ ou moins considèrent le prix comme le facteur décisionnel principal, comparativement à 4 % pour la provenance du produit. 

Même pour les consommateurs dont les revenus s’élèvent au-delà de 150 000 $, la qualité et la fraîcheur passent bien avant la provenance des aliments.

Au Québec, 22 % des gens privilégient le prix avant tout, suivent la fraîcheur et la qualité des aliments. La provenance des aliments est le facteur le plus important pour 5 % de la population québécoise. Le groupe qui s’intéresse davantage à l’achat local est formé par la génération du baby-boom. Encore là, à peine 7 % de ce groupe considère la provenance des aliments comme le facteur le plus important. La génération Z et les milléniaux en font leur critère principal à 3 % et 2 % respectivement.

Pour l’environnement et la santé, on assiste aux mêmes résultats. À peine 5 % des consommateurs canadiens considèrent les bienfaits pour l’environnement et la santé comme facteurs importants dans le processus d’achat d’aliments. La qualité et surtout le prix influent énormément sur nos décisions au supermarché.

Les résultats de plusieurs études révèlent que les consommateurs vont généralement s’intéresser à la qualité et à la fraîcheur souvent associées aux produits locaux, au lieu de miser uniquement sur la provenance des aliments.

Si un produit local est de bonne qualité, à un prix abordable, le consommateur optera pour ce produit, tout simplement. Un nombre très limité de consommateurs opteront pour un produit uniquement parce qu’il porte la mention « produit localement ».

Une préoccupation citadine

Un autre fait intéressant ressort de cette étude puisqu’il semble que l’on vénère le concept de l’achat local principalement dans les villes, tandis qu’en région, le prix constitue de loin le facteur primordial.

Ce phénomène s’explique par le fait que les citadins, ayant souvent un salaire plus élevé, veulent créer un lien de rapprochement avec la campagne et encourager nos producteurs sans les connaître.

Combler le fossé entre le producteur et le consommateur par le contact direct avec l’agriculteur devient possible, mais rarement en ville. Un phénomène fascinant, mais l’achat local semble être un facteur qui guide les citadins souvent plus fortunés. En campagne, la plupart connaissent personnellement un producteur, alors le lien existe déjà. La volonté de les rejoindre par nos systèmes alimentaires s’en trouve amoindrie.

Malgré le flou autour du concept de l’achat local, il n’en demeure pas moins que l’achat de produits locaux tous les jours n’est pas pour tout le monde. Personne ne conteste le droit des citadins riches de profiter des marchés publics et des smoothies biologiques au chou frisé, mais pour le commun des mortels, l’alimentation demeure un besoin essentiel.

Pour répondre à ce besoin, nous devons compter sur la production à grande échelle et sur l’efficacité des entreprises d’ici et d’ailleurs. Encourager l’achat local est tout à fait naturel, bien évidemment, mais c’est un message que tout le monde veut entendre. Notre réalité est tout autre. Rares sont ceux prêts à comprendre pourquoi les consommateurs achètent des produits qui viennent d’ailleurs, mais il est peut-être temps d’être honnête avec nous-mêmes.

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