Témoignages

Des parents biologiques racontent comment ils en sont venus à donner un enfant en adoption à des Québécois, dans les années 80.

RAMONA

« Nous étions pauvres et ignorants »

Elle a donné une fille et un garçon en adoption.

« C’est l’ignorance qui nous a poussés à faire ça. Nous étions très pauvres, mais surtout très ignorants. Il y avait beaucoup d’enfants qui partaient pour le Canada à l’époque. Des gens demandaient s’il était possible de donner nos enfants. Ce qui est certain, c’est que je ne les ai pas vendus. Je n’ai rien reçu en échange. Si c’était à refaire, c’est sûr que j’essayerais de faire autrement. Ça fait 29 ans que je regrette cette erreur-là. Tout ce que je veux, c’est revoir mes enfants un jour. Quand tu es mère, tu le restes toute ta vie. »

JUANA

« C’était la volonté de Dieu »

Elle a donné deux garçons en adoption.

« Je n’avais pas d’autre choix, à l’époque. Comme ce sont des missionnaires catholiques qui m’ont proposé de donner mes enfants en adoption, je me suis dit qu’il était impossible qu’il leur arrive du mal. Je me suis dit que c’était la volonté de Dieu. Dieu leur donnait la chance d’avoir une vie meilleure. Mais j’ai regretté. Je n’arrêtais pas de me demander : où sont mes enfants ? Comment vont-ils ? J’allais voir le père Jean Lacaille, qui me donnait des nouvelles. Il me rassurait, il me disait que tout se passait bien pour eux, qu’ils allaient à l’école. Cela me redonnait espoir. »

MIREILLA

« Nous avons été trahis »

Son demi-frère et sa cousine ont été donnés en adoption.

« Les missionnaires québécois insistaient beaucoup après des familles pauvres. Ils ciblaient les familles qui avaient de jeunes enfants et qui étaient en situation précaire. Ils leur disaient que les enfants feraient de bonnes études et auraient une vie meilleure. Ils leur disaient qu’ils reviendraient pour les aider. Tout le monde les a crus, mais ils ont menti. Ils ont fait des promesses qui ne se sont jamais réalisées. Nous avons été trahis. »

MIGUEL ET ROSA

« Nous avons été manipulés »

Ils ont donné un garçon en adoption.

« Quand j’y repense, je réalise que nous avons été manipulés. Nous sommes pauvres et nous ne pensons qu’à travailler pour survivre. Alors, quand des gens blancs et éduqués, de bons catholiques, viennent nous voir pour nous proposer des choses, pour le bien de nos enfants, nous les croyons. Moi, j’ai fait confiance [aux missionnaires et aux représentants de l’agence Monde-Enfant]. Aujourd’hui, avec le recul, je me dis que je n’aurais peut-être pas dû. »

CARMEN

« J’aimerais lui demander pardon »

Elle a donné un garçon en adoption.

« J’étais encore très jeune quand je suis tombée enceinte. Ma mère disait que j’étais irresponsable. Ma sœur avait entendu parler de gens qui organisaient des adoptions à Hato Mayor. Ces gens sont venus chercher mon bébé à l’hôpital, alors que je venais à peine d’accoucher. Aujourd’hui, j’en souffre beaucoup. Je pense à mon fils tous les jours. Je voudrais le prendre dans mes bras. Avant de mourir, j’aimerais le voir pour lui demander pardon. »

MARIA CRISTINA

« Elle m’a dit :  “Veux-tu que tes enfants meurent ?” »

Elle a donné deux garçons malades en adoption ; elle était incapable d’assumer le coût des traitements médicaux.

« Une religieuse québécoise et Luce Pelletier [directrice de l’agence d’adoption Monde-Enfant] sont venues chez moi. Elles m’ont parlé d’adoption. Au début, je n’étais pas convaincue, mais Luce m’a entraînée dans un coin pour me parler. Elle m’a dit : “Veux-tu que tes enfants meurent ? Ils sont maigres, ils ne mangent pas. Si tu ne veux pas qu’ils meurent, je te propose de me les confier.” On a parlé longtemps. Elle ne m’a pas promis d’argent, mais elle m’a assuré que les parents adoptifs étaient de bonnes personnes. »

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