Chronique 

La lecture, ce médicament

Est-ce l’effet de la tuerie de Fort Lauderdale ? Est-ce le spectacle affligeant de la première conférence de presse de Donald Trump ? Est-ce cette nouvelle concernant un Américain qui a fait défiler pendant neuf heures le programme Excel de son ordi pour voir sa longueur ? Allez savoir ! La semaine qui vient de s’écouler en fut une de blues. Une semaine où je me suis dit que j’avais besoin d’une lecture-remède.

Je me suis d’abord autoadministré Les derniers jours de René Girard, une réflexion sur l’héritage qu’a laissé l’anthropologue-philosophe français après sa mort, en novembre 2015. Ce portrait de Girard est dressé par Benoît Chantre, qui a été son ami et éditeur pendant de nombreuses années. Ce dernier s’est rendu à Stanford, en Californie, là où vivait René Girard. Il raconte les jours qui ont précédé les funérailles de ce brillant professeur. Le ton est doux et exquis. Et puis, au beau milieu de ce séjour mélancolique, survient le terrible drame du Bataclan.

Quelle étrange coïncidence ! Cette tragédie suit de quelques jours la mort de celui qui a passé sa carrière à prophétiser une montée de la violence dans nos sociétés. En 1972, il avait écrit : « La violence essentielle revient sur nous de façon spectaculaire, non seulement sur le plan de l’histoire, mais sur le plan du savoir. »

J’ai refermé ce livre, un peu déçu, en me disant qu’il était surtout celui de Benoît Chantre et que je pourrais me faire une bien meilleure idée de ce « prédicateur chrétien » en lisant ses livres, comme La violence et le sacré.

Les derniers jours de René Girard

Benoît Chantre

Grasset

235 pages

Le talent de Basquiat

Je me suis alors rabattu sur un livre acquis pendant les Fêtes et portant sur le peintre américain Jean-Michel Basquiat. J’ai toujours aimé l’effet que me procurent les œuvres de cet artiste qui, comme Rimbaud et Radiguet, a brûlé la chandelle par les deux bouts. Basquiat, c’est l’histoire d’un talent, d’un feu, d’une chevauchée. C’est l’histoire d’une vie vécue en mettant les bouchées doubles, d’une mort survenue trop tôt, d’une légende née de tout cela.

C’est surtout une peinture qui exprime un emportement, une exaltation. Une peinture que l’on dirait exécutée par un enfant, mais derrière laquelle se cache une grande maîtrise. Une peinture qui fait du trait le langage de notre époque.

J’aime entre autres cet homme parce qu’il laisse à d’autres le soin de théoriser sur sa démarche. Répondant un jour à une journaliste qui lui demandait comment il travaillait, il a dit : « Je commence un tableau et je le termine. Quand je travaille, je ne réfléchis pas sur l’art. J’essaie de réfléchir sur la vie. »

Si vous allez visiter le nouveau Pavillon pour la Paix du Musée des beaux-arts de Montréal, allez vous braquer devant le tableau qu’on y trouve de cet artiste, vous m’en reparlerez.

Bref, cet ouvrage sur Basquiat m’a fait le plus grand bien. Il a joué son rôle de remède. Remettre les idées en place, replacer l’esprit sur la bonne voie, c’est à cela que servent les livres.

Basquiat

Leonhard Emmerling

Taschen

95 pages

Des lectures pour remonter le moral 

Ce concept du livre comme un antidote, deux auteures l’ont exploité dans un ouvrage paru l’an dernier et qui propose des lectures pour soigner plusieurs pathologies (une peine d’amour, une rage de dents, un mal de dos, un inconfort lié à des hémorroïdes, un rhume des foins, un blues de la quarantaine, un hoquet persistant, etc.).

Je me suis rappelé que ce bouquin traînait dans l’une de mes bibliothèques. Je suis allé voir ce que les auteures proposent pour remonter le moral.

 – Les Braban, Patrick Besson

 –  Vieux garçon, Bernard Chapuis

 – Autour du monde avec Tante Mame, Patrick Dennis

 – Beignets de tomates vertes, Fannie Flagg

 – Les vieilles, Pascale Gautier

 – Haute fidélité, Nick Hornby

 – La Fée carabine, Daniel Pennac

 – Le retour de l’auteur, Vincent Ravalec

 – La dernière conquête du major Pettigrew, Helen Simonson

 – Le château de Cassandra, Dodie Smith

Prescrire des lectures… Tiens, quelle bonne idée ! Imaginez un instant : vous allez chez votre médecin pour une grippe et vous ressortez avec une ordonnance d’antibiotiques et celle de lire J’irai cracher sur vos tombes de Boris Vian. 

Allez, petits rigolos, je vous laisse le soin d’imaginer d’autres maux et d’autres titres. Ça chassera votre blues d’hiver.

Remèdes littéraires

Ella Berthoud et Susan Elderkin

JC Lattès

750 pages

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