Quartier des spectacles

Le Jardin Domtar sacrifié pour un projet immobilier

Le Jardin d’arbres de la Domtar, adossé à une bouche du métro Place-des-Arts, sera bientôt chose du passé. Aménagé et géré par la papetière Domtar mais ouvert au public, ce coin de verdure unique dans le Quartier des spectacles sera vendu sous peu à un promoteur immobilier, a-t-on appris.

Dans un mot adressé aux employés, le 28 juillet, le premier vice-président, Développement corporatif, Patrick Loulou, précise qu’on y construira un immeuble regroupant un hôtel et des appartements. « Toutes les mesures seront prises pour minimiser les inconvénients durant la construction et de plus amples informations vous seront transmises à une date ultérieure », indique-t-il.

M. Loulou ajoute que le Centre de la petite enfance Origami, situé à la Maison Domtar, pourra continuer à occuper une parcelle clôturée du jardin comme aire de jeu. Cet espace extérieur, assure-t-il, sera amélioré à la suite de la construction de l’immeuble.

Quand les travaux vont-ils débuter ? Qui est le promoteur immobilier ? « Nous n’avons aucun commentaire à faire pour le moment », nous a dit par courriel Bérangère Parry, conseillère aux communications.

Un jardin primé

Inauguré en 2002, le Jardin Domtar, l’un des rares jardins au centre-ville, a reçu deux prix en 2003 : le prix des designers de l’Association des architectes paysagistes du Québec et le prix Orange en design urbain de Sauvons Montréal. Ce projet, disait-on à l’époque, est un exemple de société qui contribue à la conscience écologique des centres-villes.

Situé sur un ancien terrain de stationnement, acheté en 2000 à la Ville de Montréal, au coin de la rue De Bleury et du boulevard De Maisonneuve, il occupe une superficie de plus de 2800 mètres carrés.

Le président et chef de la direction de la papetière, John D. Williams, avait déclaré en 2012 : « Le Jardin Domtar illustre parfaitement une de nos valeurs clés : l’engagement. L’engagement à être une société durable pour notre environnement, nos employés et nos communautés. »

Le lieu, dont le thème est « Une forêt pour tous pour toujours », se divise en deux parties. Le côté nord symbolise la forêt de l’est du Canada, tandis que le côté sud est plus urbain. D’un bord, on trouve une végétation indigène : chêne, érable à sucre, bouleau. De l’autre, des arbres utilisés et transformés par Domtar dans ses activités : chêne, frêne, peuplier.

Une large passerelle relie l’accès au métro Place-des-Arts et l’entrée principale du siège social de Domtar. Le jardin est ouvert tous les jours, de 7 h à 21 h. Les gens du quartier sont nombreux à le fréquenter, surtout à l’heure du lunch.

« C’est vraiment malheureux qu’on le détruise, c’est un choc », lance Malaka Ackaoui, présidente de l’agence d’architecture du paysage, d’urbanisme et de design urbain WAA, qui a réalisé le jardin en 2002.

« Il n’y a pas assez d’espaces verts au centre-ville. Que va-t-on faire des arbres devenus matures ? »

— Malaka Ackaoui, présidente de l’agence WAA

Une question à laquelle personne ne semble en mesure de répondre.

« Le Jardin Domtar est un espace privé, ouvert au public selon la volonté du propriétaire, rappelle Gabrielle Fontaine-Giroux, du service de communications. La Ville de Montréal n’a pas reçu de demande de permis de construction à cet endroit à l’heure actuelle. »

« Une perte pour Montréal »

C’est La Presse qui a appris l’existence du projet immobilier à Michel Saulnier, qui a réalisé la sculpture baptisée Écho, plantée au cœur du jardin : une œuvre en forme de totem à quatre mâts composée de 17 têtes d’ours en bois. L’ours est le symbole de la sagesse dans les cultures amérindiennes, explique l’artiste. « Sa présence nous rappelle sur ce site la nécessité d’être “sage” afin de conserver et de protéger la forêt ou la biodiversité des écosystèmes. »

Après vérification, M. Saulnier a appris que son œuvre serait entreposée durant les travaux de construction et déplacée par la suite, sans doute dans l’espace extérieur réservé au Centre de la petite enfance. « C’est dommage, dit-il, parce qu’il n’y a pas tellement d’espaces verts dans cette partie de la ville. »

C’est aussi La Presse qui a appris l’existence de ce projet à Héritage Montréal, dont la mission est de promouvoir et protéger le patrimoine architectural, historique, naturel et culturel de Montréal.

« Domtar a fait un très bel effort en créant ce jardin, note Dinu Bumbaru, directeur des politiques d’Héritage Montréal. Aujourd’hui, faut-il exproprier ? Je ne sais pas. Mais ça mériterait une discussion. Le quartier dans lequel se trouve ce jardin est en train de devenir hyper dense et très congestionné. »

« Ce n’est pas un jardin public, c’est un jardin d’entreprise, ajoute Bernard St-Denis, professeur à la faculté d’aménagement de l’Université de Montréal. Si la société renonce à le garder, on ne peut pas faire grand-chose. Mais c’est dommage parce qu’il n’y a pas beaucoup de jardins au centre-ville et qu’il n’y a pas beaucoup de jardins publics tout court. »

Selon M. St-Denis, un jardin offre une qualité d’expérience que d’autres espaces publics n’offrent pas. « Quand on entre dans un jardin, on est ailleurs. La disparition du Jardin Domtar est une perte pour Montréal. »

La papetière, d’après nos informations, aurait pris cette décision en partie parce que la Société de transport de Montréal (STM) menaçait depuis quelques années d’exproprier le tiers du jardin pour y construire un poste de ventilation à côté de la bouche de métro.

Il n’est toutefois plus question d’expropriation, assure Amélie Régis, conseillère aux affaires publiques de la STM. « Le poste de ventilation mécanique serait intégré à un projet d’un promoteur dont on ne peut révéler les détails, car nous sommes tenus à la confidentialité », précise-t-elle.

La Ville pourrait-elle racheter ce terrain pour conserver le jardin ?

« Oui, sans doute, répond Bernard St-Denis. Mais ça veut dire des millions de dollars. »

Domtar en bref

La papetière québécoise Domtar fournit des produits à base de fibre : des papiers de communication, de spécialité et d’emballage, et des produits hygiéniques absorbants. Elle compte près de 10 000 employés dans plus de 50 pays. Ses ventes s’élèvent à 5,1 milliards US par année, et ses actions ordinaires sont cotées aux Bourses de New York et de Toronto. Domtar conçoit et fabrique des produits d’incontinence pour adultes, comme les culottes protectrices, les culottes ajustables, les protège-draps, les serviettes et les débarbouillettes ainsi que les couches pour bébés et les culottes d’entraînement. Elle possède 10 usines : une à Windsor, au Québec, une à Espanola, en Ontario, et huit aux États-Unis.

D’autres petits jardins

Le parc Hydro-Québec

Situé dans le Quartier des spectacles, rue Sainte-Catherine, entre la Maison du développement durable et le TNM, le parc Hydro-Québec est aménagé sur une immense grille métallique surélevée au-dessus d’un sol naturalisé. Ce système permet de créer des conditions de croissance comparables à celles d’un environnement forestier, assure-t-on. L’eau de pluie peut s’écouler, alimenter les végétaux, tout en protégeant le sol de la compaction. Des plantes indigènes et rustiques composent le couvre-sol sur lequel flotte la grille et une trentaine d’arbres.

L’esplanade du Palais des congrès

Cet espace, situé entre le Quartier chinois, le Quartier international et le Vieux-Montréal, est une oasis au cœur du centre-ville. La dalle de béton qui recouvre le terrain de stationnement souterrain a été transformée en jardin public. Traversé de sentiers en pierre grise de Montréal, un ensemble de 31 pommetiers décoratifs crée une zone ombragée. Chaque pommetier surplombe un monticule de terre recouvert de végétation. Le pommetier est l’arbre-emblème de Montréal. Le spectacle de sa floraison, en mai, fait la joie des visiteurs du Palais, des résidants et des touristes. C’est un endroit où casser la croûte, se détendre et se donner rendez-vous.

La place Jean-Paul-Riopelle

La place Jean-Paul-Riopelle a été aménagée en 2004, au cœur du Quartier international, sur un ancien stationnement extérieur et une portion couverte de l’autoroute Ville-Marie, entre le Palais des congrès et la Caisse de dépôt. Elle est bordée au nord par l’avenue Viger et au sud par la rue Saint-Antoine. L’espace accueille une sculpture-fontaine de Riopelle, La joute (1969-1970). Les 30 éléments en bronze de l’œuvre représentent certaines des figures animales qui ont marqué l’enfance et l’imaginaire de l’artiste. Le soir, de la mi-mai à la mi-octobre, un cercle de feu s’allume sur l’eau dans un jeu de brume et de lumières.

Le parc de La Presse

Le parc de La Presse, récemment inauguré, a été aménagé sur un terrain donné à la Ville par Power Corporation du Canada, sur la côte de la Place-d’Armes, au coin de la rue Saint-Antoine. En contrepartie du don, la Ville s’est engagée à rendre cet espace accessible aux citoyens pour une période d’au moins 100 ans. Une œuvre d’art offerte à Montréal pour son 375e anniversaire par la Ville de Paris a été installée dans le parc, près du mur de l’édifice de La Presse. Il s’agit d’une œuvre réalisée en 1989 par Elisabeth Buffoli, intitulée Les touristes. Les sculptures représentent cinq personnages et un chien dans une scène de la vie quotidienne.

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