Chronique

Leitao restera inflexible sur le Fonds des générations

Le ministre des Finances du Québec, Carlos Leitao, ne se laissera pas charmer par le chant des sirènes. Pas question, donc, de réduire les versements au Fonds des générations et d’utiliser l’argent pour améliorer les services publics.

Cette année, les Québécois verseront un peu plus de 2 milliards de dollars dans ce fonds destiné à réduire la dette. Ce versement annuel passera graduellement à 3,8 milliards d’ici quatre ans, une somme colossale dans le contexte actuel. Les pressions seront donc de plus en plus fortes pour dévier les versements du Fonds vers les besoins en santé et en éducation.

« On entend diverses suggestions, mais il faut respecter la loi. Changer la loi, ce serait briser le contrat que nous avons pris avec la population », me dit Carlos Leitao dans une entrevue à ses bureaux du Centre de commerce mondial, à Montréal, que son cabinet m’a proposée.

La loi dont parle le ministre, c’est la Loi sur la réduction de la dette et instituant le Fonds des générations, adoptée le 15 juin 2006, il y a 10 ans jour pour jour. Cette loi prévoit que la dette brute du Québec doit reculer à 45 % du PIB au 31 mars 2026, alors qu’elle est actuellement à 55 %.

À titre de comparaison, ce poids de 45 % du PIB, c’est celui de la dette de l’Ontario dès cette année, fait valoir le ministre, qui croit que réduire la dette est le meilleur service à rendre à nos enfants. Le Fonds des générations est géré par la Caisse de dépôt et placement, qui en a obtenu un rendement de 8,1 % en 2015.

Oui, mais justement, nos enfants n’ont-ils pas besoin d’écoles publiques mieux outillées et de garderies avec plus de moyens ? Mieux financer nos institutions n’est-il pas la meilleure façon d’aider les enfants ?

Carlos Leitao répond que le gouvernement a ajouté 1,2 milliard de dollars sur trois ans en éducation dans le budget de mars dernier. Quelque 700 millions sont prévus pour retaper les écoles et 500 millions pour hausser les budgets de fonctionnement.

(Dans les faits, dois-je préciser, 109 millions d’argent frais sont versés cette année aux écoles primaires et secondaires. L’argent est saupoudré dans 15 enveloppes différentes, notamment la maternelle à 4 ans, la lecture, la réussite par le contact des arts, l’éducation interculturelle, etc. Il faudra mieux cibler les prochaines injections de fonds pour redresser la barre.)

Oui, mais ne devrait-on pas réduire les versements au Fonds des générations pour baisser les impôts des particuliers, qui sont parmi les plus élevés dans le monde, en proportion du PIB ?

À ce sujet, Carlos Leitao rappelle que le gouvernement du Québec a promis d’abolir la taxe santé. La disparition de cette taxe a été devancée de deux ans, si bien qu’à la fin de 2016, 2 millions de contribuables cesseront de la payer et qu’à la fin de 2017, la taxe sera chose du passé pour tous.

Rappelons que les plus fortunés paient 1000 $ par année pour la contribution santé. Globalement, l’abolition de cette taxe privera le gouvernement du Québec de 750 millions de revenus par année à partir de 2018.

Oui, mais pourquoi ne pas baisser davantage les impôts, en faisant le ménage dans les multiples crédits d’impôt et en haussant la TVQ, comme le proposait le rapport Godbout ?

« J’ai beaucoup poussé pour cela, mais nous avons dit que ce changement se ferait seulement s’il y a un large consensus de la population. »

— Carlos Leitao, ministre des Finances du Québec

« Or, le consensus n’est pas là. Il y a eu des réticences des partis d’opposition et de différentes associations. En Amérique du Nord, il y a un blocage des citoyens concernant la taxe de vente », dit Carlos Leitao, qui ne promet pas d’autres baisses d’impôt.

Selon le ministre, le Fonds des générations est très bien perçu par les prêteurs du Québec à l’étranger. À New York comme en Europe, où il doit se rendre la semaine prochaine, le Fonds rend crédible la démarche d’assainissement des finances publiques du Québec. D’autant plus que le Québec a des besoins importants d’investissements, qui viennent augmenter la dette.

Le Fonds est engraissé annuellement par un financement distinctif. La presque totalité de la taxe spécifique sur les boissons alcooliques (500 millions cette année) y est consacrée, de même que des redevances d’Hydro-Québec (652 millions). Les sommes tirées de l’indexation du prix du bloc patrimonial de l’électricité y sont également versées (170 millions), comme certains revenus miniers (109 millions).

Au 31 mars 2017, le Fonds aura une valeur comptable de 10,5 milliards, qui passera à 23 milliards quatre ans plus tard.

M’est avis que les sirènes n’ont pas fini de se faire entendre…

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