Chronique

Le Plan Nord au ralenti pour cinq ans, selon Louis Gignac

Durant sa carrière de bientôt 45 ans, Louis Gignac, ex-PDG de Cambior, a développé et exploité plus de 20 mines dans le monde. Il a aussi formé, au fil des ans, une cohorte de gestionnaires aguerris qui occupent aujourd’hui des postes-clés dans différentes sociétés de l’industrie. C’est pour ces raisons que le vétéran ingénieur a été reçu hier membre du Temple de la renommée du secteur minier canadien.

On m’avait dit que Louis Gignac était en quasi-retraite. Pourtant, l’homme que je rencontre avait réalisé, la veille, un périple de 24 heures qui l’a ramené de la jungle du Suriname aux pistes gelées de l’aéroport de Dorval.

Il venait de terminer un stage de 23 jours à titre de directeur du projet de construction de la mine d’or Merian qui doit commencer ses activités d’ici la fin de l’année, après 24 mois de travaux. Depuis un an et demi, Louis Gignac et son fils dirigent en alternance le chantier à raison de stages de 23 jours au Suriname, suivis de 19 jours à Montréal.

« Si je suis à la retraite, alors on peut dire que ma retraite est un échec complet », souligne dans un large sourire l’ingénieur minier qui a aussi été professeur à l’Université Laval.

Titulaire d’une maîtrise en génie minéral et d’un doctorat en génie minier de l’Université du Missouri, Louis Gignac s’est illustré lorsqu’il a pris la direction, en 1986, de la nouvelle société minière Cambior, créée dans la foulée de la privatisation des actifs miniers que détenait la Société québécoise d’exploration minière (SOQUEM).

Cambior a développé plusieurs mines au Québec et à l’étranger, et est devenue une importante société aurifère québécoise de taille intermédiaire.

« En 1986, on a fait une émission d’actions de 150 millions pour payer le gouvernement. En 2006, on a été revendu pour 1,3 milliard à Iamgold. »

— Louis Gignac

Après la vente à Iamgold, il n’était pas question pour Louis Gignac d’arrêter, et il a donc décidé de se consacrer à ce qu’il aimait le mieux, c’est-à-dire concevoir, développer et mettre en marche des nouveaux projets de mine. G Services miniers était née.

« On a créé une firme de niche. On ne fait que l’ingénierie et la gestion de projet. On réalise le démarrage des opérations et on se retire par la suite », explique-t-il.

G Services miniers compte de 40 à 50 personnes à ses bureaux de Brossard, essentiellement des ingénieurs et des gestionnaires de projet dont plusieurs ex-employés de Cambior qui ne sont pas restés longtemps avec Iamgold.

« On est une cinquantaine de professionnels et on compte sur 200 contractuels qui travaillent sur nos projets. On amène avec nous les contremaîtres et les spécialistes dans chaque domaine. On cherche à maintenir un ratio d’un Québécois pour 8 à 10 employés locaux, » dit Louis Gignac.

DES PROJETS À L’ÉTRANGER, RIEN AU QUÉBEC

Outre le projet Merian de 915 millions au Suriname, G Services miniers a réalisé pour Iamgold les études de faisabilité et le développement de la mine Essakane, au Burkina Faso.

« On réalise 80 % de nos activités à l’extérieur du Canada, principalement en Amérique latine et en Afrique de l’Ouest. On travaille sur un projet au Canada, mais on n’a rien au Québec », précise Louis Gignac.

Le vétéran ne voit pas de réveil du Plan Nord à court terme. Pas avant cinq ans, estime-t-il, et surtout pas dans le fer, un secteur en surcapacité et où le Québec ne peut rivaliser avec l’Australie.

« À part Stornoway, il n’y a pas de projets miniers prévisibles au Québec. Le prochain sera dans le secteur des métaux, l’or probablement, mais pas avant cinq ans. »

— Louis Gignac

Le secteur minier est cyclique, et le problème, selon Louis Gignac, c’est que tout le monde est parti en peur en 2005 lorsque la Chine consommait des matières premières avec l’appétit d’un ogre. On était convaincus qu’on entrait dans un super cycle minier.

« J’en ai connu, des cycles, chez Cambior. Pendant cinq ans, l’or bougeait entre 250 et 300 $ l’once, alors que mes coûts de production étaient à 260 $. Le problème actuellement, c’est qu’il ne se fait plus d’exploration. Si ça redémarre dans cinq ans, on n’aura pas de projets à développer », met-il en garde.

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