Le monde des affaires au Canada a poussé un soupir de soulagement, hier en fin d’après-midi. Le président américain Donald Trump a accepté d’exempter jusqu’à nouvel ordre le Canada et le Mexique des tarifs sur les importations d’acier et d’aluminium. Le président de l’Association de l’aluminium du Canada, Jean Simard, va même jusqu’à parler de « petite victoire » pour le Canada.
En effet, contrairement à la rumeur qui circulait hier matin, l’exemption canadienne n’est pas assortie d’une durée de 30 jours. L’exemption conditionnelle est indéterminée.
Le président Trump a évoqué la sécurité nationale pour imposer un tarif de 25 % sur les importations d’acier et de 10 % sur celles d’aluminium. Ces tarifs entrent en vigueur dans 15 jours. M. Trump a signé deux décrets officialisant ses décisions devant les caméras de télévision vers 15 h 30.
En accordant une exemption au Canada et au Mexique, il reconnaît qu’ils sont des alliés en matière de sécurité. Cette exemption peut être révoquée par les Américains si jamais les négociations sur le renouvellement de l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA) débouchent sur une impasse.
Porte ouverte
La porte est ouverte pour que d’autres pays bénéficient de l’exemption. Ce sera du cas par cas. M. Trump a évoqué l’Australie, un partenaire de longue date, a-t-il dit.
Le Canada a exporté 5,4 millions de tonnes d’acier aux États-Unis en 2016 et il en a importé 4,7 millions de ce même pays. Le Québec est un petit acteur dans l’acier. Ses exportations américaines se sont élevées à 611 millions en 2016, contre 4,8 milliards en Ontario.
La perspective est tout autre dans l’aluminium. Le Québec produit 90 % de l’aluminium primaire du pays. Au deuxième rang des produits exportés, après les avions, le métal gris donne de l’emploi à près de 30 000 personnes dans la province, en comptant les emplois liés à la deuxième et à la troisième transformation. Ces secteurs comptent 1500 entreprises, dont le tiers fabrique des pièces pour l’industrie automobile.
épée de Damoclès
Malgré l’épée de Damoclès qui plane au-dessus du Canada, Jean Simard, président de l’Association de l’aluminium du Canada, le lobby de l’aluminium au pays, se réjouissait de la tournure des événements dans le contexte que l’on connaît.
« C’est une petite victoire pour le Canada, dit-il au téléphone. Il y a eu énormément d’efforts qui ont été investis par nos gouvernements et par les représentants de l’industrie. C’est une récompense qu’on doit prendre pleinement. »
« Le fait qu’il n’y a pas un compteur qui soit activé, il y a un niveau de pression qui n’est pas là », poursuit M. Simard.
« Tant et aussi longtemps qu’on est en discussion, on chemine vers une solution. Une fois qu’on a un cadre comme celui-là qui n’est pas trop limitatif, il faut être optimiste. »
— Jean Simard, président de l’Association de l’aluminium du Canada
Il vise maintenant que l’exemption canadienne devienne permanente.
En conférence de presse en fin de journée, la ministre des Affaires étrangères, Chrystia Freeland, a félicité tous ceux qui ont travaillé pour obtenir une exemption conditionnelle. « Ç’a vraiment été un effort d’Équipe Canada au grand complet », a-t-elle dit.
La ministre a assuré que les efforts de lobbyisme « minutieux, efficaces et mesurés » allaient se poursuivre pour maintenir la protection de l’industrie canadienne et de ses travailleurs. Elle a ajouté que les dossiers de l’ALENA et des tarifs ne devraient pas être liés et que de frapper les importations canadiennes de tarifs au motif de la sécurité nationale était inconcevable.
Le fusil sur la tempe
« Je pense que la stratégie canadienne fonctionne », a commenté le professeur Patrick Leblond, de l’Université d’Ottawa, que nous avons joint au téléphone.
« L’absence de délais de 30 jours est une bonne nouvelle, même si la conditionnalité reste très floue et que ça crée une incertitude. Le fusil sur la tempe est là depuis mars dernier. Les Canadiens sont habitués aux menaces de M. Trump. La stratégie canadienne ne change pas. Regardons les faits. M. Trump menace depuis un an de sortir de l’ALENA, il ne l’a toujours pas fait. Il n’a même pas invoqué l’article 2205 [qui dicte un préavis de six mois pour sortir de l’accord]. »
Ce sont les Européens qui accusent le coup. Ce sont en effet les premiers exportateurs d’acier aux États-Unis, devant le Canada. L’Union européenne (UE) a déjà évoqué des mesures de représailles.
En réaction à la décision américaine, la commissaire européenne au Commerce, Cecilia Malmström, a indiqué « que l’UE devrait être exemptée » des taxes douanières sur les importations d’acier et d’aluminium aux États-Unis, parce que l’UE est un allié proche des Américains. « Je vais demander plus de clarté sur cette question dans les jours à venir », a-t-elle ajouté dans un gazouillis.