Électrification des transports

Le Québec, bientôt producteur de batteries ?

Hydro-Québec a officiellement inauguré il y a quelques jours son Centre d’excellence en électrification des transports et en stockage d’énergie. Son directeur général, Karim Zaghib, explique quelles sont les visées du groupe qu’il dirige. Tour d’horizon en cinq questions.

Pourquoi un Centre d’excellence ?

Le Centre d’excellence en électrification des transports et en stockage d’énergie regroupe 70 employés, dont 27 chercheurs, à l’Institut de recherche d’Hydro-Québec (IREQ), à Varennes. Son objectif : faire du Québec un leader mondial dans le développement des technologies de stockage d’électricité. « L’idée, c’est entre autres d’accélérer la pénétration de la voiture électrique dans le marché, explique Karim Zaghib. Le Québec possède déjà l’énergie renouvelable et tous les matériaux nécessaires pour assembler des batteries. On mise là-dessus. »

Comment y arriver ?

Pour atteindre son objectif, le Centre d’excellence compte créer des partenariats avec l’industrie. Il cherchera aussi à commercialiser des technologies conçues par Hydro-Québec et protégées par 800 brevets. « Au cours des dernières années, la recherche qui se faisait à l’IREQ était surtout orientée vers les unités d’affaires d’Hydro-Québec, comme la production et la distribution d’électricité, explique le chercheur. Le Centre d’excellence, lui, se tourne vers l’externe. On a déjà accordé 60 licences et on compte des partenaires dans plusieurs pays, notamment aux États-Unis avec le département de l’Énergie et celui de la Défense. » Le Centre mise sur un budget de fonctionnement de 20 millions de dollars financé entre autres par les revenus qu’il tire de la vente de licences d’utilisation de ses technologies.

Quelles sont les expertises du Centre ?

« On se concentre sur les matériaux qui composent les batteries pour accélérer le développement de batteries lithium-ion avancées et les batteries “tout solide”, explique Karim Zaghib. L’objectif, c’est de doubler la densité d’énergie des batteries actuelles. » Les batteries « tout solide » devraient, selon lui, remplacer éventuellement une partie des batteries lithium-ion. « Dans ces batteries, l’électrolyte est sous forme solide plutôt que liquide, ce qui les rend plus sécuritaires, précise-t-il. On vise trois applications : les technologies portables, les batteries de stockage dans les voitures et les maisons, et le stockage à grande échelle, de l’ordre du mégawattheure (MWh). On a déjà une capacité de stockage de 1,2 MWh à l’IREQ et de 2,4 MWh sur le réseau d’Hydro-Québec. » Le Centre d’excellence cherche aussi à réduire le coût de production des batteries. « Présentement, une batterie coûte environ 300 $ du kilowattheure, dit-il. On veut être capables de réduire ce coût à 100 $ dès 2021 ou 2022. »

À quelles retombées peut-on s’attendre pour le Québec ?

« Notre plan de développement est arrimé avec le plan stratégique d’Hydro-Québec, explique Karim Zaghib. On travaille aussi avec la grappe d’électrification des transports pour créer un écosystème au Québec. » Selon lui, le Québec possède toute l’expertise et les ressources requises pour fabriquer des batteries en série. « Tout ce qui manque à l’écosystème, c’est une capacité de transformation des matières premières », ajoute-t-il. Le chercheur espère contribuer au développement des maillons manquants par la création de coentreprises. Hydro-Québec y est d’ailleurs parvenue en 2014 en créant Esstalion, une entreprise de recherche et développement, en partenariat avec Sony. « C’est un modèle d’affaires qu’on souhaite répéter avec les petites et les moyennes entreprises », ajoute le chercheur.

Quelle est la place actuelle du Québec dans le secteur ?

Sans le claironner, Karim Zaghib fait partie d’un groupe sélect à l’international. Il vient d’ailleurs d’être nommé pour une troisième année parmi les 3300 scientifiques les plus influents du monde, selon Clarivate Analytics, ancienne division de Thomson Reuters. L’organisme récompense ainsi les chercheurs qui ont un impact exceptionnel dans leur champ de recherche. « J’en suis très fier, dit-il humblement. Ça donne au Centre d’excellence de la visibilité, mais aussi de la crédibilité qui aide à mettre de l’avant les projets. »

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