Vérification générale municipale 

Leçons non retenues de la commission Charbonneau

Le gouvernement Couillard ne voit pas plus loin que le bout de son nez en ne respectant pas la recommandation de la commission Charbonneau concernant la vérification municipale. Il faut qu’il revienne sur sa décision.

Comment faire en sorte que l’argent de nos taxes municipales soit dépensé adéquatement ? En utilisant un organisme indépendant pour vérifier l’optimisation de nos ressources locales.

La vérification de l’optimisation des ressources ou VOR, est un processus essentiel pour s’assurer que l’argent des contribuables est dépensé adéquatement. Il sert à analyser les manières de faire des organismes publics et à proposer des améliorations, qu’il s’agisse d’obtenir les meilleurs prix à la SAQ ou d’assurer la transparence de nos organisations publiques.

Pour le Québec, c’est la responsabilité du Vérificateur général et chaque ville de plus de 100 000 habitants a un poste semblable. D’ailleurs, le vérificateur général de Montréal, en exposant le scandale des compteurs d’eau, avait contribué aux événements ayant mené à la commission Charbonneau.

Deux modèles

La Commission proposait de mettre dans le mandat du Vérificateur général du Québec (VGQ) l’ensemble des villes de moins de 100 000 habitants qui n’ont pas de mécanisme de vérification d’optimisation des ressources. Dans son projet de loi 155, le gouvernement décide plutôt d’opter pour deux modèles différents, qui risquent d’être moins efficaces que celui du VGQ.

Le premier s’applique aux villes entre 10 000 et 100 000 habitants. Pour la vérification de celles-ci, le gouvernement prône le recours aux entreprises privées plutôt que le VGQ. 

Le problème avec cette décision, c’est que les firmes privées ne possèdent ni l’expertise ni l’indépendance du VGQ.

Le VGQ possède la meilleure expertise sur le fonctionnement des organismes publics, dont les villes comme l’a rappelé la vérificatrice générale en commission parlementaire et dans le processus de VOR. Les firmes privées se spécialisent surtout dans la vérification financière, ce qui diffère de l’optimisation des ressources. 

L’autre avantage du VGQ sur le privé est sa capacité à pouvoir analyser dans un certain domaine toutes les villes ou un grand nombre de villes qui utilisent certaines pratiques, ce que ne pourra faire le privé. De plus, le VGQ assure l’indépendance de la vérification, ce que la relation de clientèle du modèle privé ne permet pas de garantir. 

Le VGQ a fréquemment démontré sa capacité à se tenir debout en critiquant le gouvernement. Parce qu’il n’a pas de relation de clientèle avec les villes, le VGQ a l’indépendance d’esprit nécessaire à une bonne vérification des ressources surtout lorsque cette dernière peut mener à des scandales médiatisés.

Petites municipalités

Le deuxième modèle s’applique aux villes de moins de 10 000 habitants. Dans ce cas-ci, la VOR serait effectuée par la Commission municipale du Québec (CMQ).

Cette dernière a deux grands axes d’intervention. L’axe administratif consiste à s’occuper de villes mises sous tutelle, à vérifier que les municipalités respectent les lois sur l’urbanisme, à faire de la médiation entre les villes. L’axe éthique et déontologie dans le milieu municipal : elle a pour mandat de faire des enquêtes sur les agissements de nos élus et doit normalement sanctionner les manques de ces derniers concernant leur code d’éthique et de déontologie. 

Si le mandat administratif semble avoir été rempli au cours des dernières années, rien n’est moins sûr en ce qui concerne l’éthique.

Il apparaît nécessaire que la CMQ travaille à se repositionner comme organisation sérieuse, voire même redoutable et redoutée, sur ces questions d’éthique. Par conséquent, Il n’est pas opportun de lui rajouter un mandat de vérification d’optimisation des ressources en plus de ses mandats actuels. Le VGQ serait par ailleurs plus efficace que la commission, notamment à court et moyen terme où l’action de la CMQ serait très faible – le temps de développer son expertise – alors que le VGQ a affirmé être capable de se mettre en mode croisière dès la première année.

Le ministre a expliqué ses décisions par sa volonté de ne plus considérer les villes comme des créatures du gouvernement, comme des êtres immatures. Justement, prenons-les au sérieux et soumettons-les aux mêmes processus de vérification que tous les autres paliers de gouvernement. Le Québec a une excellente occasion de tirer les bonnes leçons des scandales des dernières années et d’éviter les mêmes erreurs à l’avenir, saisissons-les.

* L’auteur est président de la Ligue d’action civique qui a publié un mémoire en commission parlementaire sur le projet de loi 155.

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