NUTRITION

La caféine est-elle bonne pour les sportifs ?

Aux postes de travail des quatre coins du monde, la caféine est présente pour secouer les employés de bureau. Pourrait-elle aussi donner un coup de pouce aux athlètes ?

C’est la question à laquelle tentent de répondre des scientifiques de Toronto qui sont plus près que jamais d’une définition de la relation entre la caféine et la génétique au chapitre de l’amélioration des performances athlétiques. Cette recherche, qui sera publiée le mois prochain dans un journal scientifique qui n’a pas encore été nommé, pourrait avoir des répercussions sur le monde du sport.

Tout particulièrement chez les athlètes d’endurance – secteur de la performance athlétique que les chercheurs de l’Université de Toronto désignent comme étant le plus avantagé par la caféine – par rapport aux athlètes de force, chez qui l’adrénaline joue un plus grand rôle.

Sur la « liste d’attente » des substances interdites

« Consommer ou non de la caféine a peu d’importance pour des millions d’athlètes, selon Nanci Guest, chercheuse principale et diététicienne spécialisée dans le domaine sportif qui étudie la nutrigénomique, soit l’interaction entre la nutrition et les gènes. Mais le fait que certains athlètes obtiennent de plus piètres performances constitue une information importante pour les athlètes de compétition partout dans le monde. »

La relation entre les athlètes et la caféine est revenue sous le feu des projecteurs le mois dernier lorsque l’Agence mondiale antidopage a confirmé que la caféine est sur la « liste d’attente » des substances interdites. En fait, la caféine fait partie du programme de surveillance de l’AMA depuis qu’elle a été retirée de la liste des substances interdites, en 2003.

D’un point de vue génétique, la caféine ne convient pas à tout le monde. C’est le gène CYP1A2 qui détermine à quelle vitesse nous métabolisons la caféine. Et pour stimuler les performances, plus nous la métabolisons rapidement, mieux c’est.

« Certaines personnes métabolisent facilement [la caféine] et d’autres, moins », affirme Greg Wells, professeur adjoint de kinésiologie de l’Université de Toronto.

La recherche de Mme Guest a été menée dans le laboratoire de Wells, auprès de 100 sujets ayant subi un test génétique visant à déterminer s’ils métabolisent rapidement ou lentement la caféine. Le test créé par Nutrigenomix inc. est le seul moyen de savoir si une personne métabolise lentement ou rapidement la caféine, puisque la seule mesure du délai nécessaire à un buveur de café pour trouver le sommeil après avoir bu une tasse de café n’est pas un baromètre précis. Ce test coûte plus de 250 $ et il est offert dans plusieurs cliniques au Canada.

Les résultats

Parmi les 100 sujets ayant participé au test d’endurance des chercheurs, 50 % ont métabolisé rapidement le stimulant et ont réalisé une meilleure performance au cours d’une épreuve de cyclisme sur 10 km avec caféine que dans le cadre de la même épreuve avec placebo. Dix pour cent des sujets ont métabolisé la caféine plus lentement et ont réalisé une moins bonne performance avec caféine qu’avec un placebo. La performance des 40 % restants ayant participé à l’épreuve était sensiblement la même que celle des sujets ayant consommé de la caféine ou un placebo. Les chercheurs ont donné aux sujets des doses précises de caféine – 2 ou 4 mg par kilogramme de poids corporel – sous forme de comprimé, plutôt que sous forme de café infusé.

Les personnes qui obtiennent des bienfaits à la suite de l’ingestion de caféine voient l’amélioration se produire dans le système nerveux central. La caféine bloque alors l’effet apaisant de messagers chimiques appelés récepteurs de l’adénosine. L’inconfort causé par l’effort et la douleur musculaire est réduit, ce qui permet à ces personnes de se soumettre à des activités physiques plus intenses sans ressentir plus de douleur.

L’avantage de consommer de la caféine lorsqu’on fait du sport pourrait aussi dépendre de la discipline pratiquée. Un spécialiste du tir de trois points, au basketball, pourrait ne pas ressentir ce besoin, selon M. Wells.

« S’il vous faut être calme et détendu, la caféine est plutôt à éviter dans le cadre de votre performance », affirme M. Wells. Ces résultats montrent un avantage pour certains athlètes d’endurance. « Si vous participez à une course de vélo ou à une course de 1500 mètres, la consommation de caféine pourrait avoir un effet puissant. »

Une limite maximale à respecter

Mais cela ne veut pas dire pour autant que les athlètes doivent engloutir autant de cafés Starbucks de format « Venti » que possible avant une compétition. En fait, un très grand café (20 oz, ou 591 ml) contient probablement beaucoup trop de caféine.

« Ce serait la limite maximale absolue de ce que je considère sécuritaire, même si c’est insensé », ajoute M. Wells, qui recommande plutôt un maximum de deux tasses (16 oz, 472 ml) de café par jour.

Si vous faites partie des gens qui métabolisent lentement la caféine, trop en consommer peut augmenter le risque de crise cardiaque et d’hypertension artérielle puisqu’elle reste dans l’organisme plus longtemps, selon Ahmed El-Sohemy, chercheur et scientifique de la nutrition à Toronto, qui a supervisé la recherche de Nanci Guest. M. El-Sohemy a étudié la caféine et la santé du cœur. Il est le fondateur de Nutrigenomix, une entreprise qui propose des services de tests génétiques.

À l’autre bout du spectre se trouvent les personnes qui métabolisent rapidement la caféine. Chez ces personnes, il semble que les risques de problèmes cardiaques soient réduits si la consommation de café est limitée à un maximum de trois tasses par jour, explique-t-il.

« À moins de connaître votre génétique en lien avec le métabolisme de la caféine, vous devriez limiter votre consommation de café à deux petites tasses par jour », précise M. El-Sohemy. Et lorsqu’il parle de petites tasses, il parle de deux tasses de 236 ml (8 oz) ou deux cafés « Piccolo » ou un café « Grande » de Starbucks.

Non seulement l’habitude de consommer chaque jour un café de format « Venti » est-elle malsaine, mais encore elle vous procure plus de caféine que nécessaire pour obtenir un coup de pouce athlétique. Par exemple, pour un athlète qui pèse 70 kg (154 lb) et qui métabolise rapidement la caféine, environ 280 mg de caféine suffisent, selon Mme Guest. Cette quantité représente 4 mg de caféine par kilogramme de poids corporel, soit la quantité utilisée dans le cadre de sa recherche.

Un café de format « Venti » (591 ml), chez Starbucks, compte 340, 410 ou 475 mg de caféine, selon la méthode de torréfaction (plus la torréfaction est légère, plus la teneur en caféine est élevée). Un café de format « Grande » (472 ml) contient au moins 260 mg de caféine, alors qu’un format « Mezzo » (453 ml, ou 12 oz) renferme au moins 193 mg de caféine, selon l’information nutritionnelle de l’entreprise. Chez Tim Hortons, le mélange original contient de 140 (petit format) à 330 mg (très grand format) de caféine, selon les données de l’entreprise, même si Mme Guest a découvert que la quantité de caféine présente dans chaque tasse varie. Afin de normaliser la dose, dans le cadre de son étude, de la caféine en poudre a été utilisée.

« Il semble que la dose magique pour la plupart des athlètes d’endurance soit entre deux et quatre [milligrammes de caféine par kilogramme de poids corporel] », conclut Mme Guest.

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