Investissement responsable

De la marge au mainstream

Depuis quelques années, l’investissement « vert » ou responsable bénéficie d’un véritable engouement sous l’impulsion des investisseurs institutionnels, en particulier des caisses de retraite publiques. Les particuliers, eux, ont encore du mal à passer à l’acte.

En 2012, les actifs canadiens investis conformément aux normes de responsabilité sociale ont atteint 600 milliards, selon le dernier bilan de l’Association investissement responsable (AIR), une augmentation de 16 % par rapport à 2010. Il s’agit d’environ 20 % des actifs sous gestion dans l’industrie financière.

C’est le signe d’une mentalité qui évolue. 

« Nous, en l’an 2000, on était perçus comme des communistes. Ç'a été un long combat pour se faire entendre. »

— Olivier Gamache, PDG du Groupe investissement responsable, une firme-conseil de Montréal

Pour François Meloche, gestionnaire des risques extrafinanciers au système de retraite des membres de la CSN Bâtirente, l’investissement responsable (IR) – qui intègre les critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) – est devenu une pratique courante.

« Les grandes caisses de retraite ont adopté des politiques d’investissement responsable. Ceci dit, ça se traduit différemment selon les institutions », affirme M. Meloche. La majorité des actifs de l’IR (89 %) sont d’ailleurs gérés par les caisses de retraite.

UNE NOTION VAGUE POUR LE PARTICULIER

Du côté du particulier, l’investissement responsable demeure néanmoins plus marginal. Même si elle est en hausse, l’épargne des petits investisseurs dans des produits plus éthiques correspond au Canada à seulement 2 % des actifs sous gestion IR.

Une étude de l’Observatoire ESG UQAM de la consommation responsable, dévoilée en février dernier, révèle que 56,9 % des Québécois n’ont jamais entendu parler de l’IR, et seulement 8,5 % ont déjà fait l’acquisition de ces produits.

« Il y a un problème au niveau de l’information et de la complexité des produits. Ce n’est pas simple pour monsieur et madame Tout-le-monde », résume Fabien Durif, professeur à l’École des sciences de la gestion de l’Université du Québec à Montréal (UQAM) et auteur de l’étude. Ce dernier a récemment lancé un outil, Ethiquette, pour aider les investisseurs non expérimentés à s’y retrouver.

DES FONDS ÉTHIQUES APPARAISSENT… ET DISPARAISSENT

Néanmoins, les fonds « éthiques » offerts par les grandes institutions financières aux petits investisseurs se sont multipliés depuis 25 ans.

Ces fonds sont composés autant d’entreprises qui développent des technologies vertes que de pétrolières qui ont fait des efforts pour réduire leur consommation d’énergie.

Au début des années 1990, on en comptait une poignée, dont le Fonds Summa du Groupe Investors et le Fonds Desjardins Environnement, qui font figure de pionniers. Aujourd’hui, ils sont plusieurs centaines au Canada. 

Parallèlement, de nombreux portefeuilles verts ont disparu au cours des deux dernières années. C’est le cas récemment de deux fonds environnementaux de BMO investissements : la Catégorie protection du climat et la Catégorie perspectives durables. Les raisons invoquées : trop peu d’investissements.

Selon Olivier Gamache, le problème est encore une fois au niveau de l’information qui ne se rend pas au particulier. 

« Il y a un problème avec les conseillers financiers, qui ont beaucoup de travail à faire pour expliquer en quoi consistent les placements responsables et démystifier les fonds, pour qu’ils soient à l’aise d’en parler avec leur clientèle. »

— Olivier Gamache, PDG du Groupe investissement responsable

Et puis, plusieurs personnes croient (à tort) que les fonds éthiques ont un rendement moindre, rajoute Bouchra M’Zali, professeur titulaire en finances à l’UQAM. « Quand on compare des fonds éthiques et conventionnels de même taille, avec la même date de création, le risque est comparable, même que dans certains cas, c’est plus intéressant [pour les fonds éthiques] », explique-t-elle.

VERS LA « DÉCARBONISATION » DES PORTEFEUILLES

Le 26 septembre dernier, des investisseurs institutionnels de partout dans le monde se sont engagés à rendre publique leur empreinte carbone en signant le tout nouvel Engagement de Montréal sur le carbone (Montreal Carbon Pledge).

Cet engagement a été officiellement lancé dans le cadre de la conférence annuelle, qui avait lieu à Montréal, des Principes pour l’investissement responsable (PRI) des Nations unies (2006).

Aujourd’hui, plusieurs centaines d’investisseurs institutionnels et gestionnaires de grandes caisses de retraite y ont adhéré, dont la Caisse de dépôt et placement du Québec et Bâtirente.

Cette promesse de certains grands portefeuilles de mesurer l’empreinte carbone de leurs investissements est une preuve supplémentaire de l’intérêt suscité par les investissements verts et responsables, estime Bouchra M’Zali.

« Vous regardez comment les gens se mobilisent, le nombre de signataires des PRI, les avancées des gouvernements, les nouvelles certifications environnementales. Il y a un engouement, les gens retrouvent leurs valeurs », dit-elle.

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