Dans les dessins de…

Anne Villeneuve

Chaque semaine, Pause vous fait découvrir le travail d’un illustrateur ou d’une illustratrice.

Cher Donald Trump raconte l’histoire de Sam, qui doit partager sa chambre avec son frère. Le garçon écrit une lettre au président des États-Unis, car il aimerait lui aussi bâtir un mur, pour le séparer de son… cher frère.

Quand l’illustratrice Anne Villeneuve a vu le titre du livre (écrit par Sophie Siers, auteure de Nouvelle-Zélande), elle n’a pas été emballée. « Je n’étais pas sûre que le projet me tentait et j’étais super occupée, se souvient-elle, alors qu’elle reçoit La Presse dans son atelier lumineux du quartier Rosemont, à Montréal. Puis j’ai lu le texte. C’est écrit d’une façon que j’aime : c’est irrévérencieux et pince-sans-rire. J’ai pris une nuit pour y penser – une nuit d’insomnie – avant d’accepter. »

Au fil de chouettes rendez-vous avec l’auteure sur Skype, Anne Villeneuve a proposé que Donald Trump soit présent, sans qu’il vole la vedette. « On voit son toupet jaune, mais il est toujours caché par des éléments au premier plan, comme un fauteuil ou une colonne, précise l’illustratrice. Je me suis vraiment amusée. »

Une astuce gagnante, dans un album plein de finesse, déjà publié dans une quinzaine de pays – au Québec, c’est aux éditions Les 400 coups. On y retrouve l’expressivité des aquarelles d’Anne Villeneuve, qu’on reconnaît pour les avoir admirées dans une quarantaine de livres pour la jeunesse (dont la série des Loula), des illustrations de magazine, etc.

« Il faut que ça bouge autour de moi »

C’est attablée dans des cafés que l’artiste trouve ses idées. « Il faut que ça bouge autour de moi, dit l’énergique rousse. Au début, j’aime m’amuser avec les expressions d’un personnage. »

Elle travaille généralement de 9 h à 16 h ou 17 h. « Jamais le soir ni la fin de semaine, c’est sacré », indique-t-elle. « Mais quand je me mets à travailler, je ne fais que ça », ajoute-t-elle.

« J’ai remarqué que plus tu travailles, plus tu procrastines. Quand tu as juste une plage de tant d’heures devant toi, tu ne vas pas sur les réseaux sociaux… »

— Anne Villeneuve

Après ses esquisses, Anne Villeneuve dessine des scénarios-maquettes complets de ses projets. « Je les fais en petit format, ça m’intimide moins », admet-elle. Ces dessins sont numérisés et retravaillés dans un logiciel de dessin, à l’aide d’une tablette de grand format. « C’est une petite merveille, ça simplifie le travail », souligne l’artiste.

Amour de l’aquarelle… et des imprévus

Ses croquis sont ensuite imprimés en format réel, transférés sur un carton, puis vient l’émerveillement – c’est-à-dire la coloration à l’aquarelle.

« J’utilise pas mal toujours les mêmes teintes, observe Anne Villeneuve. Le bleu de Prusse, le rose permanent et le jaune permanent foncé. J’essaie d’autres couleurs, mais je reviens aux mêmes. En aquarelle, chaque artiste a ses propres couleurs… »

Même si elle se sert de son iPad Pro pour colorer certaines illustrations, Anne Villeneuve revient toujours à l’aquarelle. « J’aime la transparence et la superposition des plages de couleurs que permet l’aquarelle, explique-t-elle. C’est LE médium où tu dois vivre avec les accidents. Quand ça dépasse, ça me plaît, je ne veux pas que ce soit trop parfait. »

Près de l’enfance

Anne Villeneuve illustre des albums pour enfants depuis 30 ans. « J’ai toujours dessiné, dit-elle. Je ne me voyais pas faire autre chose, puisque c’est ce que j’aime faire chaque jour. » À ses débuts, le travail d’illustrateurs de talent comme Philippe Béha et Marie-Louise Guay au Québec, ou Sempé et Quentin Blake en Europe, l’ont inspirée. « Tous ces artistes faisaient des trucs magiques », se souvient-elle.

« Ce métier me convient bien, parce que je suis proche de mon enfance. Ça transparaît dans mes dessins. »

— Anne Villeneuve

Le travail d’Anne Villeneuve a souvent été récompensé, notamment par le Prix du Gouverneur général en 2000, pour l’album L’écharpe rouge, dont elle signe aussi le scénario. Plusieurs des livres qu’elle a illustrés ont été vendus à l’étranger, ce qui permet à ses aquarelles de voyager. « Les éditeurs du Québec sont vraiment proactifs », souligne-t-elle. Il faut dire qu’ils ont souvent des œuvres d’une rare pertinence à proposer. « C’est vrai, acquiesce-t-elle. Je ne sais pas ce qu’il y a dans l’eau du Québec, mais il y a de super créateurs. »

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