ÉDITORIAL PHILIPPE COUILLARD À LA PRESSE

Le décalage

Un mot résume le bilan de Philippe Couillard en matière de transports collectifs : décalage.

Sa vision est claire et ses objectifs sont ambitieux. Mais les moyens pris ne permettent pas encore de les atteindre. Son gouvernement avance, certes. Reste qu’il le fait d’un pas lent, et parfois parce que d’autres le poussent dans le dos.

C’était clair hier lors de notre rencontre éditoriale. Le premier ministre comprend le problème. Pour décarboniser son économie, le Québec doit d’abord s’attaquer aux transports. C’est le seul secteur où les émissions de gaz à effet de serre (GES) augmentent encore.

M. Couillard s’est donné des cibles ambitieuses pour 2030 : réduire les GES de 37,5 %, et réduire notre consommation de pétrole de 40 %. Il ne manque que de nouveaux gestes pour y parvenir.

Bien sûr, le plan d’action à cet égard n’a pas encore été déposé. Et d’excellentes décisions ont déjà été annoncées. Par exemple, le premier ministre a confirmé hier que le prolongement de la ligne bleue se ferait. Idem pour le train de l’Ouest et la navette sur le futur pont Champlain. À cela s’ajoutent l’arrivée des wagons Azur dans le métro ainsi que la réforme de la gouvernance des transports collectifs du Grand Montréal. Ce ménage permettra d’éviter des gâchis comme l’interminable réalisation du bus rapide sur Pie-IX.

Voilà une indéniable avancée. Or, un saut énorme est requis. Comme l’explique la politique énergétique dévoilée jeudi dernier, l’atteinte des cibles exigera une « réduction radicale de notre dépendance au pétrole ». Et pour l’instant, le Grand Montréal reste au neutre.

C’est vrai pour les trains. Même si on a ajouté la coûteuse ligne de l’Est, le service décline ailleurs. Les retards augmentent, surtout sur la ligne Vaudreuil-Hudson, à cause des conflits avec les trains de marchandises.

C’est aussi vrai pour le métro et les autobus. La fréquentation des services de la STM a diminué l’année dernière. Depuis 2008, le recours à la voiture à l’heure de pointe est de plus en plus fréquent. Et le nombre de voitures continue d’augmenter plus vite que la population.

On comprend donc la limite des solutions actuelles. Québec mise encore sur une carotte pas si appétissante, sans oser sortir le bâton. Bref, on s’en remet trop à la vertu, une ressource limitée.

Après avoir assaini la gouvernance et lancé des projets structurants, M. Couillard devrait passer à la prochaine vitesse en modifiant quatre paramètres : les incitatifs, avec de réelles mesures d’écofiscalité qui intègreront le coût de la pollution. L’urbanisme, car on ne peut blâmer un résidant de la banlieue de prendre sa voiture si tout l’y encourage. La technologie, pour forcer les constructeurs à améliorer le rendement de leurs moteurs. Et enfin, les investissements en infrastructures. D’ici 2030, un plus grand pourcentage de cette enveloppe devrait être réservé aux transports collectifs.

La nouvelle politique énergétique prévoit la création d’un organisme-conseil. Mais peut-être que ce dont Québec a vraiment besoin, c’est d’un conseiller en courage.

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