Opinion Mia Homsy

BUDGET DU QUÉBEC Préserver la confiance dans le ministère des Finances

Dans son dernier rapport mensuel des opérations financières, le ministère des Finances du Québec (MFQ) indiquait qu’entre avril et août 2018, le surplus cumulatif s’élevait à 3 milliards (après les versements au Fonds des générations), alors que la prévision pour l’année financière était plutôt un déficit de 637 millions.

Cette annonce a suscité son lot de questionnements sur l’ampleur du surplus à anticiper, sur la réelle marge de manœuvre disponible et même sur la pertinence des chiffres présentés par le MFQ.

La crédibilité de l’information budgétaire est essentielle pour préserver le lien de confiance entre les citoyens et l’État.

À quelques jours de sa première mise à jour économique, s’il veut maximiser l’adhésion autour des chiffres et des mesures qu’il présentera, le nouveau gouvernement devrait assurer un maximum de transparence, de clarté et de neutralité, et éviter, comme on le dit dans le jargon politique, le spin des données.

Transparence et précision

Les prévisions économiques et financières comportent leur lot d’incertitudes, particulièrement dans un contexte de tensions commerciales entre les États-Unis et la Chine. Sur un budget de plus de 100 milliards, des écarts de quelques centaines de millions entre les prévisions et la réalité sont tout à fait acceptables. Plusieurs éléments indiquent toutefois qu’il faudra accroître encore davantage la transparence et la précision de l’information budgétaire.

D’abord, au cours des trois dernières années, les soldes budgétaires réels se sont avérés plus élevés de plusieurs milliards que les prévisions. Pourquoi ? Concours de circonstances ? Excès de prudence ? Revenus en forte hausse ? Difficulté à atteindre les cibles de dépenses prévues à cause de la rareté de la main-d’œuvre ? Impossibilité de recruter les ressources promises ? Il faut mieux expliquer les causes de ces écarts.

Mais ce qui inquiète encore davantage et qu’il faut régler en priorité, ce sont les doutes entourant la crédibilité de l’information présentée par le MFQ.

C’est tout à fait normal et souhaitable de vouloir baisser les attentes quant à la marge de manœuvre disponible, mais mettre en doute les méthodes comptables du gouvernement pourrait être dommageable. Il ne faut pas oublier que la Vérificatrice générale du Québec a tout récemment confirmé la plausibilité des hypothèses utilisées dans le rapport préélectoral du MFQ.

Des propositions

Pour éviter les dérapages potentiels et dissiper les craintes, le MFQ devrait accroître d’un cran la transparence, la précision et la neutralité des explications de la mise à jour économique. Voici quelques propositions pour y arriver : 

 – Indiquer quelle est la réelle marge de manœuvre budgétaire pour des dépenses récurrentes en précisant quelle part des surplus est ponctuelle (conjoncturelle) et laquelle est récurrente (structurelle) ;

 – Expliquer les risques de non-atteinte des prévisions de revenus et de dépenses, par exemple l’impact potentiel d’un ralentissement économique sur les recettes ;

 – Donner suite aux craintes exprimées par la VGQ quant à l’impact des besoins de main-d’œuvre sur le respect des engagements d’ajouts de ressources en éducation et en santé ;

 – Préciser l’ampleur des marges de prudence incluses dans le cadre financier.

À partir de l’historique des rapports mensuels des dernières années, les travaux de l’Institut du Québec indiquent que, sans nouvelle baisses d’impôt ou nouvelles annonces de hausse des dépenses gouvernementales d’ici la fin de l’année financière, les surplus risquent d’être encore une fois plus élevés que prévu. Ces surplus additionnels s’expliqueraient par l’incapacité de plusieurs ministères à atteindre les cibles de dépenses fixées au budget et une performance de l’économie supérieure aux prévisions qui fait augmenter les revenus autonomes.

Attention, cela ne signifie toutefois pas que le gouvernement a une marge de manœuvre de plusieurs milliards.

Selon les simulations réalisées par l’Institut du Québec à partir des hypothèses de PIB potentiel du Conference Board du Canada et de la Banque Nationale du Canada, la partie récurrente des surplus (la vraie marge de manœuvre) serait autour de 1 milliard. Le reste serait ponctuel, et donc, ne peut être utilisé pour des dépenses récurrentes comme des baisses d’impôt ou des services additionnels. Selon les travaux de la Chaire en fiscalité et finances publiques de l’Université de Sherbrooke qui portent sur la soutenabilité des finances publiques, cette marge de manœuvre serait même quasi inexistante. Quelle est la perspective du MFQ sur cette question centrale ? Il faudrait le dire aux citoyens.

Sans boule de cristal, il est impossible de prévoir avec certitude les résultats finaux, mais il y a certainement place à l’amélioration. Hausser d’un cran le niveau de transparence et de clarté de l’information financière permettrait d’éviter l’érosion du lien de confiance de la population envers l’État.

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