L’Événement

On respire par le nez

Pas de chicane dans ma cabane : une invitation au dialogue et au débat public
Rachida Azdouz
Édito
256 pages
*** 

Un guide pour apprendre à débattre ? À première vue, on se dit : pourquoi pas ? Après tout, au Québec, on a encore beaucoup de difficulté à discuter sans que les échanges virent à l’engueulade. Et en ces temps où tout le monde est à cran, en pleine campagne électorale fédérale par-dessus le marché, apprendre à échanger sans que personne ne grimpe aux rideaux n’est pas une mauvaise idée.

La psychologue Rachida Azdouz, qu’on entend souvent à la radio parler, entre autres, de relations interculturelles, nous propose donc dans ce livre une approche réfléchie et détaillée pour mieux débattre d’enjeux délicats.

trois thèmes

À partir de trois thèmes clivants qui ont fait couler beaucoup d’encre et enflammé les réseaux sociaux – l’éducation sexuelle à l’école, l’appropriation culturelle et la laïcité –, Azdouz imagine des échanges plus constructifs que ce qu’on a été en droit d’entendre au cours des dernières années. L’objectif de l’auteure est d’éviter le piège de la « controverse » pour se rapprocher de la discussion de fond.

Chaque thème est décortiqué, les concepts clarifiés et les arguments de chaque camp expliqués.

Rachida Azdouz invente ensuite des dialogues où le respect et la réflexion, plutôt que l’indignation, sont mis de l’avant.

L’objectif n’est pas d’avoir raison, ou de fermer le caquet à notre interlocuteur, mais bien d’échanger des idées. Pas toujours évident. Car lorsque les esprits s’échauffent, le danger d’adopter une attitude moralisatrice, ou encore de « gagner son point » à tout prix, est bien présent.

L’effort de ce livre est donc fort noble, mais la lecture, honnêtement, est un peu ardue. Car contrairement à un essai ou à un pamphlet, et malgré quelques touches d’humour et des mots d’esprit, le ton est résolument didactique.

Qui lira ce livre alors ? Des gens qui ont déjà tendance à préférer le débat à la chicane ? Sinon, on le voit très bien entre les mains d’étudiants du cégep et de l’université, dans des cours de philo, par exemple. Ah, et pourquoi pas en refiler un exemplaire aux candidats des principaux partis fédéraux qui prendront part au débat des chefs la semaine prochaine ? Ça éviterait peut-être quelques combats de coqs cacophoniques…

Écrire au féminin

Nobelle
Sophie Fontanel
Robert Laffont
En librairie demain
***

La charismatique chroniqueuse mode de L’Obs – celle qui fait fureur sur Instagram et qui a séduit des milliers de lectrices avec ses livres autobiographiques sur ses cheveux blancs et sur son abstinence sexuelle – nous revient cette fois avec un roman. Dans Nobelle, la petite Annette, 10 ans, rêve d’écrire. Durant l’été, en Provence, entourée d’adultes qui gravitent dans le milieu littéraire, Annette tombe amoureuse de Marius, fils d’éditeur. C’est sa muse, ce qui inspirera des vers à la fillette. Malgré l’innocence de l’enfance, toutefois, on voit déjà poindre l’ombre de certaines réactions archaïques. On dirait bien que l’élan créatif et l’ambition de la fillette paralysent le petit Marius. Son égo de mâle, si naissant soit-il, se sent déjà menacé. Roman féministe ? Dans les pages du magazine Grazia, Sophie Fontanel a déclaré : « Au lieu même d’en faire une militante féministe, je lui permets d’incarner la liberté. Elle ne revendique rien, elle est. » C’est ce qu’on souhaite à toutes les femmes, au fond.

— Nathalie Collard, La Presse

Drôle d’enquête

Les offrandes
Louis Carmain
VLB éditeur
480 pages
3,5 étoiles

Originaire de Baie-Comeau, Maude, 32 ans, vit dans un appartement miteux à Mexico et joint difficilement les deux bouts avec une occupation de détective privé du genre Ace Ventura. Lorsque son ex-belle-mère lui demande d’enquêter sur le suicide apparent de ses deux jeunes femmes de ménage, elle met le pied dans un panier de crabes. On plonge dans l’intrigue avec amusement, charmé par un humour noir mordant et des réflexions, ici et là, qui trahissent une grande sagesse. Sauf qu’on finit par rire de moins en moins, et finalement par ne plus rire du tout. C’est qu’il n’y a rien de drôle à aller fouiner dans une possible affaire de meurtre au Mexique, surtout quand les cartels sont impliqués – et ils le sont presque toujours. Louis Carmain dépeint sans clichés la facette sombre du pays, celle des quartiers durs où l’on fait ce qu’on peut pour survivre. C’est seulement dommage que ce troisième roman, qui arrive après deux titres salués par la critique, soit entaché par des coquilles qui lui donnent malheureusement un aspect peu fignolé.

— Laila Maalouf, La Presse

La salade de la bisbille

L’essoreuse à salade
Philippe Chagnon
Hamac
216 pages
***

Contemporaine, absurde et joyeusement décalée, l’écriture de Philippe Chagnon fait sourire. Le jeune auteur, qui s’est fait remarquer avec ses recueils de poésie, notamment, publie ici son deuxième roman. La prémisse quelque peu loufoque nous fait basculer dans un monde qui pourrait être le nôtre, mais d’où le sens se dérobe sans cesse. Ici, une simple essoreuse à salade semble être la cause de suites d’événements qui échappent à la volonté des protagonistes : c’est après avoir essoré une salade que le narrateur, qui vit en appartement avec sa blonde, Margot, commence à déménager ses affaires dans le débarras de la cuisine, jusqu’à y vivre complètement, sans presque jamais en sortir. Son couple, qui bat de l’aile, ne survivra pas à ce retrait du monde auquel s’emploie le narrateur, qui raconte ce qui lui arrive de façon absolument détachée, comme s’il n’était qu’un acteur au sein de sa propre vie. Jusqu’à l’arrivée dans l’appartement de la mystérieuse artiste peintre Joanie, qui entretiendra des relations sibyllines avec Margot et le narrateur… et viendra prendre la place de Margot. Jusqu’à ce qu’à son tour, elle utilise la fameuse essoreuse à salade… Le récit, rempli d’apartés et de pointes d’humour (que l’auteur s’amuse à insérer entre parenthèses, au fil du récit, dynamisant ainsi son écriture), est ponctué de chapitres courts qui se lisent d’une traite. Un roman charmant et amusant, et un auteur de la relève à suivre.

— Iris Gagnon-Paradis, La Presse

Critique

L’amour à la ville

Chaque fidélité
Marco Missiroli
Calmann-Lévy
270 pages
3 étoiles

Divulgâcheur visant à en éviter : l’histoire de Chaque fidélité est résumée dans son entièreté en quatrième de couverture. (Même si « s’aimer, c’est toujours douter » ne saurait être considérée comme une révélation spectaculaire à la Game of Thrones, série citée par ailleurs au passage.) Méditation sur le mariage et sur le désir extraconjugal qui libère – ou tétanise – une fois assouvi, ce nouveau roman de l’auteur du Génie de l’éléphant se déroule entre Rimini et Milan, sa ville d’adoption si « compliquée » (on comprendra : à l’image espérée des personnages). Les éléments extérieurs et les tourments intérieurs sont du reste perpétuellement mis en juxtaposition. Ainsi, Marco Missiroli lie la crise économique de 2008 à celle que traversent ses époux aux idées volages. Et tandis que l’Italie traverse des bouleversements, ses habitants se blessent constamment. Jambe douloureuse, morsure de chien, fémur brisé, balafre de combat clandestin… La plume est douce, le rythme coule et les points de vue changent de façon assez fluide. Dommage pour l’éternelle figure du prof/écrivain raté qui bombarde son étudiante de textos enflammés. D’ailleurs, pour toute la place accordée aux rêveries d’autres corps, les scènes d’amour sont plutôt banales. Peut-être pour refléter les espoirs déçus lorsqu’ils sont réalisés ? (N’empêche, on a déjà lu phrase plus érotique que « elle la lui saisissait et la guidait en elle, ajustant sa position ».) Un récit auquel on reste fidèle jusqu’à la fin, malgré l’envie de le tromper parfois. — Natalia Wysocka, La Presse

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