Opinion Tragédie de Lac-Mégantic

Un symbole déterminant

Ottawa doit cesser de tergiverser et annoncer le détournement des voies ferrées à l’extérieur de la municipalité victime de l’horrible tragédie du 6 juillet 2013

Dans l’évolution d’un pays ou d’une nation, il y a des évènements exceptionnels qui frappent l’imaginaire et prennent valeur de symbole. À la suite d’un tel évènement, les réactions et les décisions qui sont prises s’inscrivent dans la mémoire collective de façon positive ou négative. Voyons quelques exemples.

On se souvient, il y a une douzaine d’années, de la terrible inondation de la ville de La Nouvelle-Orléans, en Louisiane. Malgré le caractère exceptionnel de ce désastre, le président des États-Unis, Georges W. Bush, s’est rendu sur les lieux et n’a réagi que quelques jours après le sinistre. 

Devant un tel comportement, les citoyens ont réagi avec colère. Bush et compagnie ont été condamnés sans équivoque par l’opinion publique. Le résultat, l’inondation de La Nouvelle-Orléans est devenue un symbole de l’insensibilité et du manque de compassion de l’establishment à Washington et du président Bush à l’endroit des citoyens en détresse.

Au Québec, nous avons connu un tel évènement encore bien présent dans la mémoire des gens, la crise du verglas de 1998.

On se souvient qu’une immense tempête de pluie verglaçante a plongé subitement une grande partie du territoire dans une situation sans précédent. Des centaines de milliers de Québécois privés en plein hiver d’électricité étaient désemparés et se sont sentis impuissants devant l’ampleur du désastre. Mais voilà que le premier ministre Lucien Bouchard et André Caillé, le président d’Hydro-Québec, prennent sans tarder les choses en main. De façon concertée, ils rassurent la population et engagent sans hésitation le gouvernement dans une opération de sauvetage et de réparation des dégâts.

DES TRACES DURABLES

Depuis, la crise du verglas est devenue un symbole de la solidarité et de l’empathie dont les Québécois et l’État sont capables en temps de crise. Elle demeure dans notre mémoire collective, malgré les énormes dégâts qu’elle a causés, un évènement dont nous nous souvenons avec une certaine fierté.

Des évènements d’une telle portée dans l’opinion publique ne sont pas fréquents et les marques qu’ils laissent ont tendance à être durables.

L’effroyable tragédie dans laquelle la petite municipalité de Lac-Mégantic a été plongée à l’été de 2013 appartient manifestement à cette catégorie d’évènements absolument exceptionnels.

Heureusement, la population a réagi spontanément dans un extraordinaire déploiement de compassion et de solidarité à l’endroit des citoyens de Lac-Mégantic. Rapidement, les deux ordres de gouvernement ont pris l’engagement de faire le nécessaire pour permettre à la population de Lac-Mégantic de traverser cette horrible épreuve.

Il faut noter que la tragédie du Lac-Mégantic se distingue des autres, car elle aurait pu être évitée. C’est dans ce sens que le gouvernement fédéral, responsable de la règlementation nettement inappropriée, doit assumer une responsabilité particulière afin que les citoyens de Lac-Mégantic puissent enfin tourner la page. Il doit cesser de tergiverser et prendre la décision nécessaire pour clore le dossier, soit celle de détourner les voies ferrées à l’extérieur de la municipalité.

C’est une décision qui, au-delà de la sécurité des citoyens, s’impose sur le plan des valeurs de solidarité et de compassion. D’autant plus que, compte tenu du caractère exceptionnel de l’évènement, la crainte de créer un précédent ne peut être invoquée.

Si le premier ministre, Justin Trudeau, et le ministre des Transports, Marc Garneau, tardent trop à prendre cette décision, la tragédie de Lac-Mégantic va devenir dans la mémoire des Québécois un autre symbole de l’incompréhension du gouvernement fédéral à leur endroit.

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