AIDE MÉDICALE À MOURIR

L’euthanasie pourrait stimuler le don d’organes, conclut une étude

La Presse s’est entretenue avec Jan Bollen, de l’Université de Maastricht, auteur principal de l’étude publiée dans le Journal de l’Association médicale américaine (JAMA).

Quels sont les résultats de l’étude ?

Une trentaine de dons d’organes ont eu lieu depuis 2012 aux Pays-Bas après euthanasie. Il y a eu le même nombre en Belgique depuis 2005. Notre étude est basée sur les données belges. Environ 10 % des 2023 patients ayant eu une euthanasie en 2015 en Belgique auraient pu donner au moins un organe. Il aurait par exemple pu y avoir 400 dons de reins, ce qui augmenterait de 2,5 fois le nombre de dons de reins. 

Pourquoi avoir publié cette étude ?

Le don d’organes ne doit évidemment pas être l’un des objectifs de la légalisation de l’euthanasie. Mais si le don d’organes par des patients ayant une euthanasie se généralise, ça peut avoir un effet bénéfique pour la quantité d’organes disponibles pour des greffes, mais ça peut aussi avoir des conséquences financières et organisationnelles pour le système de santé. Par exemple, les patients préfèrent habituellement mourir le soir ou le samedi, alors que plusieurs salles d’opération sont fermées. 

Les dons d’organes lors d’une euthanasie sont-ils plus efficaces ?

C’est une question encore ouverte. On présume que la greffe d’un organe prélevé après une euthanasie réussit mieux parce que le processus de mortalité est plus court que lors des dons d’organes après la mort circulatoire, la fin des traitements de maintien de vie aux soins intensifs ou la mort cérébrale. 

Pourquoi ne pas faire de don d’organes lorsqu’il y a euthanasie à domicile ?

C’est une question légale. Des patients demandent parfois à s’endormir chez eux, puis à être transportés à l’hôpital, où a lieu l’euthanasie. Mais il n’est pas clair s’il faut à ce moment un autre consentement, puisque le lieu et le moment ont changé. Nous avons toujours découragé la pratique pour ces raisons légales. J’ai su récemment qu’un médecin l’avait fait quand même.

Le cas sera discuté par le comité sur l’euthanasie, qui révise les cas après les faits. Il ne donne pas d’avis préalable avant l’euthanasie. Quand on dit au patient qui va recevoir l’euthanasie à domicile et qui veut donner ses organes qu’il faut alors faire l’euthanasie à l’hôpital pour être proche de la salle d’opération où aura lieu l’extraction des organes, généralement, il renonce à ce don. Plus de 80 % des 6100 patients ayant eu une euthanasie aux Pays-Bas en 2016 sont morts à la maison [au Québec, cette proportion est inférieure à la moitié].

Quels sont les défis éthiques du don d’organes après une euthanasie ?

Est-ce que le médecin doit informer le patient de cette possibilité ? Certains diront que le patient pourrait sentir une certaine pression pour accepter. Mais s’il n’en parle pas, la famille du patient pourrait être fâchée qu’il n’ait pas eu cette possibilité. 

Le don d’organes après une euthanasie pour souffrances psychiques, qui représente 3 % des cas en Belgique, est-il possible ?

Un grand déprimé qui a une très faible estime de soi pourrait se dire qu’au moins, en donnant ses organes, il serait utile. Il est difficile pour le médecin d’évaluer le rôle que ce désir d’être utile pour la société a dans la décision de demander une euthanasie. Certains pourraient dire que le désir de donner ses organes est un motif valable. D’autres, que ça ne peut absolument pas entrer en ligne de compte. Pour le moment, les patients psychiatriques ne sont pas surreprésentés dans la proportion de patients donnant leurs organes après une euthanasie. Il s’agit surtout de maladies neurodégénératives. 

Les mineurs, qui peuvent aussi demander l’euthanasie en Belgique et aux Pays-Bas, peuvent-ils donner leurs organes ?

Oui. Mais jusqu’à l’âge de 16 ans, leurs parents doivent y consentir. Cela dit, parmi la dizaine de cas d’euthanasie de mineurs dans les deux pays, aucun don d’organes n’aurait été possible, parce qu’il s’agit de patients atteints d’un cancer incurable. 

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