Chronique

Le futur recteur et les démons de l’UQAM

Comment sortir l’UQAM de son modèle de gestion rigide, conflictuel et empreint de méfiance ?

Voilà l’énorme défi auquel fera face le prochain recteur de l’établissement, dont le processus de sélection bat son plein actuellement. Trois personnes de l’interne ont posé leur candidature pour succéder à Robert Proulx : Corinne Gendron, Monique Brodeur et Luc-Alain Giraldeau.

Un projet de décentralisation est au cœur des débats de l’établissement, qui accueille l’équivalent de 29 000 étudiants à temps plein.

En septembre dernier, un rapport commandé par le conseil d’administration concluait que le statu quo n’était plus possible, qu’il fallait que l’UQAM s’ouvre à une plus grande autonomie pour certains départements. Le rapport critiquait sévèrement le mode de gestion de l’UQAM, avec ses structures lourdes, rigides et inadaptées.

« La confrontation, la contestation, les tâches administratives pléthoriques dispersent les énergies et empêchent la pleine actualisation des missions facultaires et institutionnelles. Il faudra que les points de convergence soient rapidement identifiés et mis à exécution, qu’un climat favorable aux compromis s’instaure sur les sujets divergents, que la souplesse soit de mise pour permettre des variantes qui conviendront à des facultés et pas à d’autres, pour permettre aussi une dévolution réelle des responsabilités vers les unités de base », est-il écrit dans le rapport.

Le 21 février 2017, une lettre nous a appris que 17 des 36 départements de l’UQAM rejetaient formellement le rapport, tandis que seulement huit départements l’appuyaient et 11 restaient neutres.

Les détracteurs sont les départements de sociologie, de sciences politiques et d’histoire, entre autres, qui craignent qu’une telle transformation remette en cause le mode de gestion participatif de l’UQAM.

Cinq des huit départements favorables viennent de l’École des sciences de la gestion (ESG). Ils jugent qu’une décentralisation permettrait de clarifier les responsabilités des instances, d’alléger le processus décisionnel et de donner aux facultés l’agilité pour mettre en œuvre leurs projets et répondre à leurs défis.

Une vache à lait

Dans un rapport précédent produit en mai 2016, l’ESG jugeait que le manque de ressources qui lui sont allouées « met en péril » sa mission. De par ses nombreux étudiants (9700), l’ESG agit comme une vache à lait de l’UQAM.

Ainsi, l’ESG permet à l’UQAM d’engranger 81 millions de revenus par année, mais environ 12 millions de cette somme seraient retournés aux départements moins rentables, sous forme de péréquation, selon ce rapport. Cette situation fait en sorte que l’ESG doit composer avec l’équivalent de 276 professeurs, soit 34 de moins que ne le commande son effectif étudiant. À l’inverse, la Faculté des sciences humaines compte 252 professeurs, soit 40 de plus que ne l’exigerait son effectif étudiant.

L’ESG fait face à une vive concurrence de HEC Montréal, de l’Université de Sherbrooke et de l’Université Concordia, notamment. Elle est plus internationale et moins contestataire que les autres départements de l’UQAM.

Les trois candidats au rectorat doivent composer avec les tensions au sein de l’établissement. Deux des trois abordent la question de la décentralisation, bien que timidement.

Corinne Gendron est professeure à l’ESG, où elle enseigne notamment les enjeux liés à l’environnement. Elle ne fait toutefois pas écho à un quelconque projet d’autonomie pour l’ESG. Mme Gendron s’est fait connaître comme commissaire au BAPE pour le dossier du Réseau électrique métropolitain (REM), dont le rapport a jugé le projet prématuré. Elle est membre du conseil d’administration de l’UQAM depuis 2013.

La candidate Monique Brodeur est doyenne de la Faculté des sciences de l’éducation. Elle veut « assurer un climat de respect, de confiance, de paix, de solidarité et de collaboration » au sein de l’UQAM, écrit-elle dans sa lettre de candidature.

Dans son programme, elle propose d’« assurer la péréquation et l’asymétrie nécessaires à la capacité de chaque unité de se développer et d’exercer sa mission, dans le respect de l’intégrité institutionnelle ».

Luc-Alain Giraldeau est doyen de la Faculté des sciences. « Je suis attristé de constater le sentiment de morosité et d’inquiétude qui traverse l’UQAM », écrit le biologiste, selon qui les déficits récurrents ont eu des effets démobilisateurs.

Sous sa gouverne, un projet-pilote serait lancé en septembre 2017 visant à accorder davantage d’autonomie à l’ESG, mais à coût nul pour les autres facultés.

Selon ma compréhension, il est possible que l’ESG continue à verser la même péréquation, mais qu’elle bénéficie des gains de revenus futurs attribuables à l’augmentation du nombre de ses étudiants.

« Je souhaite d’abord et avant tout rétablir le climat de confiance et incarner un nouveau leadership », écrit M. Giraldeau.

L’établissement n’a pas le choix de se remettre en question. D’ici 10 ans, le bassin démographique de recrutement des étudiants pour l’UQAM reculera de 10 %, compte tenu du vieillissement de la population. La pression sur les revenus sera énorme.

Les débats se poursuivront au cours des prochains jours. Le vote doit se tenir entre le 8 et le 15 mai. Les électeurs sont composés des cadres de l’université, des professeurs, de certains chargés de cours, de même que de représentants d’associations syndicales et étudiantes. Au terme du vote, un candidat peut être retenu et recommandé au conseil d’administration.

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