Opinion Jean-François Dumas

La première solution aux fake news

En revoyant récemment quelques épisodes des Filles de Caleb et d’Entre chien et loup, j’ai redécouvert la fonction de «  mémère du village  ». Des femmes et des hommes qui propagent du commérage, et trop souvent des faussetés, à propos de leurs pairs.

C’est donc un travers de notre société qui ne repose pas sur une technologie, mais plutôt sur le désir d’être malveillant ainsi que sur la complicité de ceux qui servent de relais.

Voilà, Donald Trump peut donc se relaxer. Il n’est pas l’inventeur des fake news. Ça existe depuis toujours.

Toutefois, ce qui a changé, c’est l’ampleur et la vitesse de dissémination ainsi que l’influence sur le média traditionnel provoquées par la technologie.

Envoyer une lettre demande au bas mot une vingtaine de minutes.

Relayer un courriel exige sept secondes.

Republier un lien sur Twitter ou Facebook prend à peine deux secondes.

En moyenne, 75 % des vraies nouvelles disparaissent de l’actualité en 120 minutes et moins. À l’inverse, la majorité des fausses nouvelles documentées survivent jusqu’à quatre heures dans les médias traditionnels.

Par ailleurs, lorsque les réseaux sociaux s’enflamment, les médias traditionnels peuvent accroître leur intérêt pour un sujet jusqu’à 1900 %.

De toute évidence, aujourd’hui, tout est plus rapide, plus intense avec une plus grande portée.

En quelques minutes à peine on peut détruire des marques, des réputations et miner la crédibilité de n’importe quelle institution.

Le phénomène a pris tellement d’ampleur qu’il génère chaque jour près de 1300 articles et reportages dans le monde pour tenter de l’expliquer. Le serpent se mange la queue.

Quoi faire alors ?

Nous nous sommes d’abord tournés vers les autres pour résoudre le problème. Nous avons demandé à l’État, aux entreprises concernées et à nos leaders de faire des gestes déterminants.

Quelques élus ont abordé du bout des lèvres la possibilité de légiférer. Nous avons été nombreux à exiger une plus grande diligence des Facebook et Twitter de ce monde.

Pendant ce temps, nous continuons chaque jour à relayer du contenu sans même prendre le temps de le… lire !

À l’époque où le journal n’était que papier, il avait été démontré à maintes reprises que la majorité des lecteurs se limitaient à consulter les titres des articles. Nous faisions confiance à la crédibilité du média.

Aujourd’hui, nous semblons davantage faire confiance à notre ami Facebook et republions souvent n’importe quoi par sympathie ou parce que le sujet semble nous conforter dans une de nos convictions.

Et si on se responsabilisait tous un peu plus ? Et si nous agissions comme un filtre critique plutôt que comme une simple courroie de transmission ?

La plupart des études démontrent qu’entre 15 et 20 % des republications d’articles n’ont même pas été accompagnées d’un seul clic. Souvent, nous ne lisons pas ce que nous publions.

Il serait peut-être temps d’adopter des comportements plus responsables. La solution commence par l’engagement individuel.

Vérifier la source d’une nouvelle ne demanderait pas beaucoup d’effort. S’agit-il d’un site fiable et reconnu qui bénéficie d’une certaine crédibilité ? La nouvelle a-t-elle été reprise par de grands médias ? S’agit-il d’une nouvelle récente ? Prendre seulement le temps de vérifier la date d’un article vous permettra au moins d’éviter de partager du contenu «  d’avant la guerre  ».

Il est aussi permis de douter d’une nouvelle.

Je sais, ces mesures ne garantissent pas l’authenticité de tous les contenus. Je sais, même les plus grands médias se font aussi avoir. Disons que c’est une bonne façon d’accroître nos chances d’éviter de devenir la «  poire du village global  ».

Jamais nous n’avons été aussi critiques et cyniques à l’égard de nos médias traditionnels, les accusant de tous les maux, et pourtant, jamais nous n’avons relayé autant de faussetés sans jamais nous questionner sur la source.

Si c’est notre droit d’être informés, c’est à mon avis tout autant notre devoir d’être critiques à l’égard du contenu qui s’offre à nous et d’adopter des comportements responsables. L’arrivée du web, au milieu des années 90, a favorisé la démocratisation de l’accès à l’information. La montée des réseaux sociaux permet quant à elle la démocratisation de la diffusion de l’information.

On a peut-être pris celle-ci à la légère sans se douter des responsabilités et de l’impact qui accompagneraient ce phénomène. Il est maintenant temps de se questionner.

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