Mon clin d’œil

« L’Iran ne doit plus jamais menacer les États-Unis, il n’y a que moi qui peux faire ça. »

— Donald Trump

OPINION

SYSTÈME DE JUSTICE
L’accompagnement à la cour, une nécessité

Nous croyons qu’il peut pallier certaines difficultés et rendre l’expérience un peu moins pénible pour tout le monde

Un sondage mené pour le compte du ministère de la Justice en 2016 révèle que seulement 31 % des Québécois estiment avoir les moyens de faire valoir leurs droits devant les tribunaux et que les honoraires des avocats sont généralement identifiés comme la dépense empêchant d’accéder au système de justice.

Les citoyens ont en général deux options : se faire représenter par avocat ou se représenter seul, et de plus en plus de personnes font face à la justice sans avocat. Cette réalité touche tous les domaines et tous les tribunaux : en 2016, on retrouve des personnes non représentées dans 55 % des dossiers en matière civile et 30 % des demandes de pourvoi déposées à la Cour suprême du Canada.

Intimidés et stressés

N’ayant pas accès à des conseils juridiques, ces personnes sont contraintes de s’informer au moyen de la documentation disponible sur l’internet ou à la cour, auprès des cliniques juridiques, des centres de justice de proximité et autres organismes d’information juridique. Or, cette information ne semble pas suffisante : intimidés et stressés, plusieurs ne franchissent jamais le seuil du palais de justice, ne vont pas au bout de la défense de leurs droits ou rencontrent des difficultés à faire passer leur message dans un contexte formaliste et technique comme celui de la cour.

Un moyen de réduire le stress des personnes non représentées est de les accompagner à la cour. Notre expérience dans les cliniques juridiques démontre que la présence d’un allié fait en sorte qu’elles s’expriment plus clairement, présentent leur preuve adéquatement, etc. L’accompagnement aide à équilibrer les forces dans le cadre judiciaire.

L’accompagnement à la cour ne vise pas à donner des informations juridiques, encore moins à représenter les personnes comme le ferait un avocat ; il s’agit plutôt d’un soutien moral.

Ailleurs au Canada et dans d’autres pays, cet accompagnement est possible, que ce soit par un proche, un pair, un étudiant en droit ou un professionnel. Ces accompagnateurs, surnommés « amis McKenzie » (McKenzie friends) sont autorisés à s’asseoir à côté de la personne non représentée, à prendre des notes pour elle, à l’aider à organiser ses documents et à lui offrir un soutien émotionnel. En Angleterre, l’assistance par un tel ami est reconnue en tant que droit depuis 1971.

L’accompagnement est non seulement bénéfique pour les personnes non représentées, qui se sentent soutenues et épaulées, mais également pour l’administration de la justice : il permet de réduire la pression sur l’avocat de la partie adverse et les risques de désorganisation d’une personne en situation de stress tout en favorisant une meilleure compréhension de la procédure juridique, des décisions et de leurs fondements. En outre, l’accompagnement, lorsqu’il est réalisé par des étudiants, a un impact positif sur leur formation en ce qu’il influence leurs trajectoires professionnelles, leurs compétences et leur sensibilité.

Au Québec, plusieurs initiatives ont été mises en œuvre pour soutenir le justiciable non représenté par avocat : guide d’information, ligne téléphonique, consultation à bas prix ou même gratuite, etc.

Plusieurs organismes de défense des droits offrent également des accompagnements, même si les accompagnateurs sont rarement autorisés à s’asseoir ailleurs que dans la section réservée au public à la cour. Quelques organismes offrent ce service dans la mesure de leurs ressources et de nouvelles initiatives sont également sur le point de voir le jour.

Par exemple, à Sherbrooke, des étudiants impliqués à la clinique juridique La clé de vos droits offriront bientôt des accompagnements à la Division des petites créances de la Cour du Québec. Dans le cadre de travaux sous l’égide du projet Accès au droit et à la justice (ADAJ), un service d’accompagnement au palais de justice de Montréal sera offert avec la collaboration de la Direction des services judiciaires du ministère de la Justice. Ce projet permettra de documenter, en contexte québécois, les impacts positifs que nous constatons sur le terrain.

L’accompagnement des personnes non représentées n’est pas une solution magique aux problèmes d’accès à la justice au Québec. Ceux-ci sont profonds et demandent une réflexion globale et structurelle. Toutefois, nous croyons qu’il peut pallier certaines difficultés et rendre l’expérience à la cour un peu moins pénible pour tout le monde.

*Emmanuelle Bernheim est également chercheuse principale du projet de recherche « L’autoreprésentation et le plaideur citoyen » du partenariat de recherche Accès au droit et à la justice.

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