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Édition du 16 octobre 2017,
section ACTUALITÉS, écran 5
1. RELATIONS CANADO-AMÉRICAINES
Depuis l’arrivée au pouvoir de l’imprévisible Donald Trump à Washington, les relations canado-américaines sont mises à rude épreuve et les conflits commerciaux se multiplient. Le litige commercial entre Bombardier et Boeing, le conflit sur le bois d’œuvre et les difficiles négociations visant à moderniser l’Accord de libre-échange nord-américain font partie de la liste. Malgré les nombreuses déclarations inquiétantes de Donald Trump, le premier ministre Justin Trudeau et ses ministres ont su garder leur calme, recevant l’éloge des nombreux experts. De plus, le gouvernement Trudeau a soigneusement bâti des liens étroits avec certains membres de l’administration Trump, des membres du Congrès, des gouverneurs d’États américains ainsi que des gens d’affaires afin de pouvoir compter sur des alliés capables de faire contrepoids aux sautes d’humeur du président américain.
2. RAYONNEMENT DU CANADA À L’ÉTRANGER
« Nous sommes de retour », avait lancé Justin Trudeau au reste de la planète moins de 24 heures après la victoire des libéraux aux élections du 19 octobre 2015. En peu de temps, Justin Trudeau a réussi à faire rayonner le Canada à l’étranger comme peu de ses prédécesseurs ont pu le faire dans le passé. Dans les capitales étrangères, plusieurs admirent le charisme du premier ministre, et certains tentent de reprendre à leur compte sa recette gagnante. En deux ans de pouvoir, Justin Trudeau s’est d’ailleurs déjà vu remettre deux prix. En mars, il a reçu le prix du leadership mondial en matière d’énergie et d’environnement de la CERAWeek, une conférence internationale commanditée par de nombreuses sociétés pétrolières. Et en septembre, il a reçu le Global Citizen Award du Conseil de l’Atlantique pour souligner son leadership dans la promotion de l’inclusion, de la diversité et d’une croissance économique qui profite à tous.
3. ACCUEIL DES RÉFUGIÉS SYRIENS
La photo de la dépouille du petit Aylan Kurdi, âgé de 3 ans, face contre terre, mort noyé sur une des plages de la station balnéaire de Bodrum, en Turquie, a bouleversé la planète en septembre 2015 et propulsé la question des réfugiés syriens à l’avant-plan de la dernière campagne électorale. Les libéraux ont alors promis d’accueillir 25 000 réfugiés syriens avant la fin de l’année. Au pouvoir, le gouvernement libéral a dû mettre les bouchées doubles pour y arriver et reporter de quelques semaines l’échéancier serré qu’il s’était imposé. Mais les efforts du Canada ont été salués par plusieurs, en particulier par les Nations unies. Justin Trudeau s’est même rendu à l’aéroport international Lester B. Pearson pour accueillir les premiers réfugiés à fouler le sol canadien, faisant ainsi la manchette des grands médias internationaux.
4. ÉGALITÉ HOMMES-FEMMES
À l’issue de la cérémonie de prestation de serment de son premier cabinet, on a demandé à Justin Trudeau pourquoi il avait opté pour la parité hommes-femmes au sein de son équipe ministérielle. « Parce que nous sommes en 2015 ! », avait-il alors répondu du tac au tac. Cette réplique s’est insérée dans les discours politiques à Ottawa, tout comme cette déclaration du premier ministre selon laquelle il se dit « féministe ». Depuis son arrivée au pouvoir, Justin Trudeau a fait une large place aux femmes dans les nominations importantes dans les hautes sphères de l’administration de l’État. Au sein de son bureau, une femme, Katie Telford, occupe le poste de chef de cabinet. M. Trudeau fait aussi la promotion de l’égalité entre les hommes et les femmes à l’étranger. M. Trudeau a convaincu Donald Trump de participer à la création du Conseil canado-américain sur l’avancement des femmes d’affaires et entrepreneures, au terme de leur première rencontre, en février.
1. ABANDON DE LA RÉFORME ÉLECTORALE
La réforme du mode de scrutin était l’une des promesses phares des libéraux durant la dernière campagne. Mais le gouvernement Trudeau a largué cette promesse après qu’un comité parlementaire eut tenu des audiences publiques et soumis un rapport qui ne faisait pas l’unanimité parmi les formations politiques représentées à la Chambre des communes. Justin Trudeau avait maladroitement laissé entendre quelques semaines auparavant, dans une entrevue au Devoir, que cet engagement n’était plus essentiel, les Canadiens ayant chassé les conservateurs de Stephen Harper du pouvoir. Le Nouveau Parti démocratique, le Parti vert et le Bloc québécois ont accusé le premier ministre d’avoir floué les électeurs.
2. RÉFORME FISCALE
Le ministre des Finances Bill Morneau a réussi à faire l’unanimité contre lui en présentant une réforme fiscale importante en plein milieu de l’été. Le gouvernement Trudeau veut notamment limiter l’utilisation de sociétés privées par des entrepreneurs et certains professionnels comme des médecins ou des dentistes. Ottawa affirme que ces derniers utilisent cette mesure pour fractionner leurs revenus entre les membres de leur famille, même si ceux-ci ne travaillent pas pour eux, dans le but d’économiser de l’impôt. Mais Bill Morneau a mal évalué les conséquences de cette réforme fiscale sur les agriculteurs, les petites et moyennes entreprises et les femmes d’affaires. La grogne a été telle qu’il doit maintenant refaire ses devoirs.
3. POLITIQUE CULTURELLE
La ministre du Patrimoine Mélanie Joly croyait faire un bon coup en dévoilant sa politique culturelle à la fin du mois de septembre. Mais ce qui a surtout retenu l’attention, c’est le refus du gouvernement Trudeau d’imposer la TPS sur les abonnements vendus par Netflix. Cette décision a été vue comme un cadeau fiscal au géant américain. Mme Joly s’est défendue en disant avoir arraché à Netflix des investissements de 500 millions dans le contenu canadien sur cinq ans. Or, il appert que Netflix prévoyait faire des investissements importants avant même l’annonce de cette entente. Pis encore, il n’y a pas de quota concernant la production francophone. Incapable de défendre sa politique de manière rigoureuse, dénoncée par le milieu culturel au Québec et dans le reste du pays, Mme Joly est devenue la tête de Turc des humoristes et des caricaturistes.
4. FLOU ENTOURANT LE RETOUR À L’ÉQUILIBRE BUDGÉTAIRE
En campagne électorale, les libéraux avaient promis de faire des investissements majeurs dans les infrastructures pour relancer l’économie et des déficits modestes de 10 milliards de dollars par année. Le retour à l’équilibre budgétaire était prévu à la dernière année d’un premier mandat. Mais les déficits sont plus élevés et le retour à l’équilibre budgétaire est remis aux calendes grecques, même si l’économie canadienne tourne à plein régime depuis un an.
1. LÉGALISATION DE LA MARIJUANA
Le gouvernement Trudeau maintient l’échéancier du 1er juillet 2018 pour légaliser la marijuana, même si plusieurs provinces, des corps policiers et des experts exigent que l’on ralentisse la cadence pour mieux se préparer.
2. LITIGE COMMERCIAL BOMBARDIER-BOEING
Le premier ministre Justin Trudeau jure qu’il défendra bec et ongles Bombardier, mais le conflit commercial entre ces deux acteurs importants de l’aéronautique pourrait durer très longtemps, surtout que Boeing peut compter sur un allié de taille : le président Donald Trump.
3. ACHAT D’AVIONS DE CHASSE
Le remplacement de la flotte vieillissante des CF-18 est dans les limbes depuis que les libéraux ont promis de ne pas acheter les avions de chasse F-35 de Lockheed Martin. Le gouvernement Trudeau envisageait d’acheter 18 avions Super Hornet de Boeing pour combler le déficit de capacité qui guetterait les Forces armées canadiennes. Mais cette option est écartée à cause du litige commercial provoqué par Boeing. Ottawa songe maintenant à acquérir des avions de chasse usagés de l’Australie comme solution temporaire.
Des baisses d’impôt à coût nul
La hausse d’impôt imposée aux plus riches n’a pas suffi pour financer la baisse accordée à la classe moyenne.
Changer le mode de scrutin
Le gouvernement Trudeau a évoqué l’absence de « consensus » pour abandonner la réforme promise.
« Modeste déficit » de moins de 10 milliards
Il a grimpé à 29,4 milliards dès le premier budget, soit trois fois plus que présenté.
Baisses d’impôt aux PME
Le gouvernement Trudeau a remis aux calendes grecques l’engagement d’une réduction annuelle de l’impôt des PME de 11 à 9 %.
Enquête publique sur les femmes autochtones assassinées et disparues
Malgré de nombreux départs et démissions, le processus est amorcé.
Rétablir le questionnaire détaillé obligatoire du recensement
C’était la première annonce du gouvernement Trudeau, faite au lendemain de sa prestation de serment.
Créer un comité non partisan pour choisir les sénateurs
Le Comité consultatif indépendant sur les nominations au Sénat formule des recommandations non contraignantes au premier ministre.
Réduire le délai de carence en matière d’assurance-emploi
Le délai d’attente pour qu’un chômeur reçoive des prestations est passé de deux à une semaine (après que son dossier est accepté).
Rétablir le courrier à domicile
Les libéraux ont promis de rétablir la livraison du courrier à domicile, abolie par les conservateurs. Le dossier demeure à l’étude depuis deux ans.
Présenter une analyse des coûts de tous les projets de loi
Les projets de loi adoptés jusqu’ici n’incluaient pas une telle analyse.
Ne pas acheter de chasseurs F-35
Après deux ans, la promesse de lancer « immédiatement » un appel d’offres pour remplacer les CF-18 est déjà brisée, et la querelle commerciale avec Boeing rend celle de ne pas acheter les avions de Lockheed Martin plus difficile à respecter.
Équilibrer le budget d’ici à 2019
Les paris sont ouverts quant à la capacité du gouvernement d’équilibrer le budget d’ici aux prochaines élections, malgré un déficit beaucoup plus élevé que prévu.
Le bilinguisme des juges de la Cour suprême
Le gouvernement Trudeau s’est dit satisfait de la capacité du Terre-Neuvien Malcolm Rowe, sa seule nomination jusqu’ici, à travailler dans les deux langues officielles.
Banque d’infrastructure du Canada
Le gouvernement prévoit que la banque, établie à Toronto au grand dam des milieux d’affaires et politiques de Montréal, sera opérationnelle d’ici à la fin de l’année.
L’accueil de 25 000 réfugiés
Les libéraux ont promis d’accueillir ce nombre de réfugiés avant la fin de l’année 2015. Il a fallu attendre jusqu’à la fin de février pour que ce soit chose faite. Promesse non tenue ? Le TrudeauMètre affirme que oui, tandis que le Polimètre plaide pour plus de flexibilité…
Votes libres
Un député libéral qui a voté contre les mesures fiscales annoncées par Bill Morneau récemment s’est fait retirer le privilège de siéger à certains comités. Les libéraux se sont engagés à laisser les députés voter librement, à quelques exceptions près – notamment sur des mesures budgétaires ou des promesses électorales. Des commentateurs ont conclu que l’esprit de la promesse n’avait pas été respecté dans les circonstances.
OTTAWA — Deux ans après son élection, le gouvernement Trudeau n’est pas en mauvaise posture, malgré l’avalanche de promesses faites lors de la dernière campagne, estime le professeur François Pétry, du département de sciences politiques de l’Université Laval.
M. Pétry est coordonnateur du Polimètre Trudeau, un baromètre en ligne qui recense les promesses électorales faites aux dernières élections et le progrès qui a été réalisé. Un autre baromètre, le TrudeauMètre, a été élaboré par un consultant originaire de Montréal établi à Calgary et un groupe d’amis.
« À la mi-mandat, on est à 70 % des promesses tenues [au moins] en partie », estime le professeur Pétry.
Certaines promesses non tenues depuis octobre 2015 ont fait grand bruit, comme le déficit annoncé au premier budget qui était trois fois plus élevé que celui de 10 milliards de dollars prévu en campagne électorale.
Mais selon le Polimètre Trudeau, 31 % des 353 promesses (soit 110) ont été réalisées, et 39 % (138) sont en voie de l’être ou le sont déjà partiellement.
En revanche, seulement 3 % (12) des promesses auraient été rompues et 26 % (93) sont en suspens, c’est-à-dire qu’aucun travail n’a été annoncé publiquement.
Le TrudeauMètre dresse un portrait légèrement différent : 26 % des 226 promesses comptabilisées ont été respectées et 32 % (73) sont en voie de l’être.
Par contre, 16 % (36) ont été rompues et 26 % sont en suspens.
Les promesses que les deux plateformes considèrent comme ayant été reniées incluent celles de limiter le déficit à 10 milliards de dollars ; de modifier le mode de scrutin électoral ; de lancer « immédiatement » un appel d’offres pour remplacer les chasseurs CF-18 ; d’assujettir les cabinets des ministres et du premier ministre à la Loi sur l’accès à l’information ; de réduire chaque année le rapport entre la dette et le PIB ; et d’accorder 25 millions de dollars supplémentaires chaque année à Téléfilm Canada et à l’Office national du film.
Le professeur Pétry, de l’Université Laval, explique les différences entre les deux outils par la méthodologie suivie par son équipe, soit celle du Comparative Party Pledges Group, un consortium de chercheurs qui mène des études similaires à travers le monde.
Ainsi, M. Pétry estime qu’après deux années au pouvoir, le gouvernement Trudeau n’a rien à envier au gouvernement Harper, qui a terminé son dernier mandat en 2015 avec le score impressionnant de 85 % des promesses tenues en totalité ou en partie.
« Par comparaison avec le troisième gouvernement de Harper en 2011, à la mi-mandat, il n’était pas loin de ce pourcentage. Il était à 68 % », explique le professeur.
« Donc, si on fait une projection, il n’y a pas de raison que Trudeau n’arrive pas à égaliser ou même peut-être à surpasser le score de Harper en 2015 », ajoute-t-il.
Le professeur souligne tout de même que le nombre de promesses faites par les libéraux lors de la dernière campagne « est beaucoup plus [élevé] que tout ce qu’on a vu jusqu’à maintenant ».
Selon son équipe de chercheurs, les conservateurs de Stephen Harper avaient fait 140 promesses en 2011, les péquistes de Pauline Marois, 113 et les libéraux de Philippe Couillard, 158.
À un an des élections, le gouvernement Couillard aurait d’ailleurs réalisé 47 % de ses promesses et 29 % seraient en voie de l’être. C’est le gouvernement Marois qui remporte la palme des promesses rompues, avec 49 %. Il faut dire que son gouvernement minoritaire n’a duré que deux ans.
Dom Bernard, quant à lui, a décidé de démarrer le TrudeauMètre avec un groupe d’amis après les dernières élections, s’inspirant du MorsiMeter créé en Égypte quelques années plus tôt.
Ce jeune consultant dans le domaine commercial, qui fait de la programmation à temps perdu, a vite réalisé la complexité de la tâche. Il peut être difficile, en effet, de déterminer si certaines promesses ont été respectées, notamment en raison de leur formulation, qui peut laisser une large place à l’interprétation.
De même, les circonstances peuvent changer et rendre la réalisation d’une promesse impossible ou mal avisée.
« C’est important de se tenir informés, insiste M. Bernard. Parce qu’une promesse brisée, tenue, c’est noir et blanc. Mais il y a beaucoup de zones grises derrière ce simple fait. »
Il espère tout de même que des plateformes comme la sienne aideront les électeurs à faire leur choix aux prochaines élections. « On est tous coupables de ça : on a la mémoire courte », dit-il. Alors « j’espère que quelque chose qui ramène la performance du gouvernement à quelque chose d’assez simple peut contribuer à une plus grande connaissance de ce qui a été fait. »
Un effet sur les intentions de vote ?
Le respect des promesses électorales a-t-il une incidence sur les intentions de vote ? Pas tout à fait, explique François Pétry : « Ce qui est intéressant, c’est qu’on a fait des calculs, et il y a une très forte corrélation entre les deux. Moins un gouvernement tient ses promesses après trois ans au pouvoir, plus les intentions de vote chutent. » Mais cette variation n’est pas nécessairement due aux promesses elles-mêmes, précise-t-il. « Il y a ce qu’on appelle en statistique une variable confondante, c’est-à-dire une variable qui explique à la fois la bonne tenue des promesses et le soutien de l’opinion publique. » Ainsi, plus l’économie va bien, plus « le gouvernement a de ressources pour tenir ses promesses ». Mais la bonne santé de l’économie peut aussi influer sur l’humeur des électeurs et la perception qu’ils ont de leur gouvernement. Donc, encore une fois, au-delà de la politique, it’s the economy, stupid.
Rompues : 12 (3 %)
Réalisées : 110 (31 %)
En voie de réalisation ou partiellement réalisées : 138 (39 %)
En suspens : 93 (26 %)
(353 promesses)
https://www.poltext.org/polimetre
Rompues : 36 (16 %)
Réalisées : 58 (26 %)
En voie de réalisation ou partiellement réalisées : 73 (32 %)
En suspens : 59 (26 %)
(226 promesses)
https://trudeaumetre.polimeter.org/b