Chronique

Croire Coderre… ou pas

En ce début de campagne électorale municipale, permettez que je vous révèle mon principal bogue face à l’omnimaire de Montréal : je ne sais jamais si je peux le croire.

Il y a quatre ans, au lendemain de son élection, j’ai écrit une chronique en forme de lettre ouverte à Denis Coderre. Je lui disais que j’espérais qu’il ait du succès, mais j’avouais avoir des doutes quant à ses promesses de transparence, parce que sa campagne de 2013 avait été émaillée de tas de cachotteries…

Je donnais cinq exemples, comme cette réticence extrême à dévoiler sa liste de donateurs et comme le portrait volontairement incomplet de ses données fiscales et financières fourni à La Presse : il manquait des données…

Eh bien, ce Coderre-là, le Coderre cachottier, le Coderre qui masque ses tendances à l’opacité avec un sourire fait sur mesure pour les selfies, on l’a souvent vu depuis quatre ans, depuis qu’il est maire.

Le grand symbole de l’opacité à la Coderre, c’est à mon sens tout le flou qui entoure (encore) la Formule E, cette course inconnue au bataillon dont le maire s’est fait le champion, course dans laquelle il a décidé d’injecter 20 millions pour qu’elle daigne faire un arrêt à Montréal.

Passons sur l’argument de la visibilité – Montréal aurait été mise sur la mappe par la Formule E ! –, un argument gonflé à l’hélium par un maire qui, comme un vendeur de tapis, en beurre toujours épais.

Non, la FE est le symbole des symboles de la relation difficile qu’entretient Denis Coderre avec la transparence parce que le meilleur paramètre pour jauger le succès de l’événement – le nombre de billets vendus et le nombre de billets donnés – demeure un secret absolu, jalousement gardé par l’administration Coderre.

Interrogé là-dessus huit fois par l’opposition au conseil municipal, récemment, il a dit huit fois que la réponse « viendrait ».

C’est indécent parce que cette opacité savamment entretenue par Denis Coderre lui permet de claironner que l’événement fut un succès. Or, la vente réelle de billets permettrait de juger de ce succès – ou de cet échec – de façon indépendante.

Le fait que l’info soit encore secrète est, en soi, lumineux, je trouve…

Ce n’est pas un détail parce que le maire Coderre chérit le projet de ramener à Montréal une équipe du baseball majeur, il rêve d’Expos 2.0. Il est rare de nos jours que l’industrie du sport professionnel accorde des équipes à des villes nord-américaines sans que celles-ci consentent à débourser de l’argent public, sous une forme ou sous une autre.

Et un sport professionnel comme le baseball exigera beaucoup, beaucoup plus que 20 millions pour le privilège d’obtenir une équipe.

Le maire a révélé ses couleurs avec la FE : il mène ces débats sur l’argent public engraissant le sport-spectacle dans une asymétrie de l’information qui l’avantage, lui. Il possède toute l’information, mais en dévoile le moins possible…

Ce qui laisse les Montréalais dans le noir.

Ce qui lui permet de dire n’importe quoi, il ne peut pas être contredit !

Quand son opposante Valérie Plante a promis cette semaine un référendum sur la venue du baseball à Montréal si Projet Montréal remportait la mairie début novembre, Denis Coderre a eu des paroles consternantes : il a dit que le baseball n’était pas un enjeu électoral, qu’on verrait dans le temps comme dans le temps…

Je pense au contraire que le prochain mois est un excellent moment pour que le maire Coderre dise ce qu’il est prêt à faire avec l’argent des Montréalais, et ce qu’il n’est pas prêt à faire avec cet argent, pour accueillir l’industrie multimilliardaire qu’est la Major League Baseball, industrie qui réussit à se faire payer des stades partout aux États-Unis.

***

Je ne dis pas que Denis Coderre n’a pas fait de bonnes choses comme maire.

Il a insufflé un dynamisme à une ville qui en avait bien besoin. La Ville de Montréal est mieux gérée, ses finances sont en bien meilleure santé. Le Bureau de l’inspecteur général (BIG) n’hésite pas à annuler des appels d’offres quand ceux-ci sentent les chaussettes sales… Et le BIG est l’idée de Denis Coderre.

Je dis que je ne sais jamais si je peux le croire.

Pour moi, l’exemple le plus révélateur de sa relation difficile avec la transparence est survenu pendant son mandat, mais il ne concernait pas son mandat de maire. C’est un incident qui n’a eu que très peu d’écho.

En avril, Le Journal de Montréal a révélé que Denis Coderre, alors député, avait encaissé en 2012 un chèque de 25 000 $ d’un ami pour financer son combat judiciaire contre le hockeyeur Shane Doan.

Denis Coderre avait toujours juré avoir payé ses frais d’avocats avec son propre argent dans cette saga.

Il n’en était rien : Le Journal a mis la main sur le chèque fait par l’homme d’affaires Jean Rizzuto à Denis Coderre…

Contacté par un journaliste, Denis Coderre a d’abord nié avoir reçu un chèque de 25 000 $ de son ami Rizzuto.

Ce n’est que quand Le Journal a offert de lui montrer une copie du chèque que Denis Coderre a, comme par magie, retrouvé la mémoire.

Le pouvoir d’une preuve indépendante…

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