Opinion Jean-Claude Hébert

Traitement médical
Liberté ou contrainte ?

Une juge de la Cour supérieure a ordonné la semaine dernière le traitement d’une jeune femme de 20 ans souffrant d’« anorexie extrême », allant même jusqu’à autoriser le gavage. Pourquoi des soins médicaux sont-ils parfois obligatoires et parfois optionnels pour des patients dont la vie est menacée ? Explications. 

Comment différencier et comprendre qu’un tribunal accepte le refus par une mère de recevoir une transfusion sanguine (pour des motifs religieux) après un accouchement et le gavage obligatoire d’une patiente anorexique ? La clé de cette apparente opposition réside dans la notion de consentement.

Que dit la loi ? Le Code civil indique clairement que personne ne peut être soumis sans son consentement à des soins, peu importe leur nature. En tout temps, un patient peut révoquer son consentement (même verbalement), lequel n’est assujetti à aucune forme particulière.

La Loi concernant les soins de fin de vie prévoit que, sauf disposition contraire de la loi, toute personne majeure et apte à consentir aux soins peut, en tout temps, refuser de recevoir un soin quelconque nécessaire pour la maintenir en vie ou retirer son consentement. Le refus de soin ou le retrait de consentement peut être communiqué par tout moyen.

Si l’intéressé est inapte à donner ou refuser son consentement à des soins, une personne autorisée par la loi ou par un mandat d’inaptitude peut le remplacer. Le représentant du patient doit, dans la mesure du possible, tenir compte de ses volontés.

En outre, il doit s’assurer que les soins seront bénéfiques et opportuns en dépit de la gravité et de la permanence des effets prévisibles.

C’est une affaire de proportionnalité. D’ailleurs, la Loi sur les services de santé et les services sociaux impose aux professionnels des obligations de renseignement : tout utilisateur a le droit d’être informé sur son état de santé, de manière à connaître ses options et les risques qui en découlent quant aux soins qui lui sont offerts.

Devoir du médecin

Que faire en cas d’urgence ? Selon l’Association canadienne de protection médicale, lorsque le patient n’est pas en mesure de consentir, et face à des souffrances intenses ou à une menace imminente pesant sur sa vie ou sa santé, un médecin a le devoir de faire – sans le consentement requis – ce qui est immédiatement nécessaire.

Au Québec, le Code civil prévoit qu’en cas d’urgence, le consentement aux soins médicaux n’est pas nécessaire lorsque la vie de la personne est en danger ou son intégrité menacée et que son consentement ne peut être obtenu en temps utile.

Lorsque des soins sont inusités (traitement expérimental), devenus inutiles ou comportent des conséquences intolérables (chimiothérapie), le consentement du patient est toujours nécessaire.

Il coule de source qu’un consentement valide renvoie à l’aptitude du patient.

Il y a inaptitude lorsqu’une personne ne peut comprendre la nature de sa maladie, celle des soins proposés, les risques et avantages qu’ils comportent, ainsi que les dangers potentiels. Si la capacité de connaître et de comprendre est affectée par la maladie, il y a inaptitude au consentement à recevoir des soins.

Dès lors qu’il en est ainsi, le consentement recherché peut être donné par un mandataire, un tuteur ou un curateur. À défaut de conjoint ou lorsque celui-ci est empêché d’agir, un proche parent ou toute personne qui démontre un intérêt particulier pourrait consentir aux soins requis.

L’autorisation judiciaire devient nécessaire en cas d’empêchement ou de refus injustifié de celui qui peut consentir à des soins requis par l’état de santé d’un patient inapte à donner son consentement. Le tribunal doit également intervenir si le patient inapte à consentir refuse catégoriquement de recevoir les soins, à moins qu’il ne s’agisse de soins d’hygiène ou d’un cas d’urgence.

Trouble alimentaire

Récemment, une juge a autorisé une équipe médicale à prodiguer les soins requis à une jeune personne hospitalisée d’urgence en raison d’un trouble alimentaire. Le tribunal a conclu que la patiente « est inapte à consentir aux soins requis par son état de santé et refuse les soins appropriés ».

Le plan de soins autorisé par la cour comprenait plusieurs interventions, la prise de multiples médicaments et notamment « les soins en lien avec son alimentation et son hydratation, incluant notamment le recours à des solutés et/ou à du gavage ».

L’année dernière, une jeune dame est morte à la suite d’un accouchement. Témoin de Jéhovah, elle a catégoriquement refusé toute transfusion de sang pour un motif religieux.

L’affaire a fait l’objet d’une enquête du coroner. Ce dernier a conclu que la défunte a exercé son droit de refuser un traitement médical. Ce choix, dit-il, était éclairé et les médecins ne pouvaient contrecarrer sa volonté. L’État pourrait-il légiférer pour enrayer un (mauvais) choix de vie suicidaire ?

Prenant appui sur une réserve comprise dans la Loi concernant les soins de fin de vie, c’est-à-dire « sauf disposition contraire de la loi », le législateur pourrait prévoir une mesure d’exception permettant au corps médical – avec autorisation judiciaire – de privilégier le droit fondamental à la vie par rapport à la conformité d’une croyance religieuse.

Le mobile d’un suicide est sans intérêt pour sauver une vie. Il est trop tard. Pour empêcher le passage à l’acte, la société doit intervenir là où elle le peut ! En cette matière, la mise en équilibre des valeurs et des droits fondamentaux justifie l’intervention des élus.

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