Santé

Le Collège met fin à une pratique « tolérée depuis plusieurs années »

Une décision en apparence anodine du Collège des médecins (CMQ) aura des conséquences majeures pour les 2500 médecins retraités du Québec. À partir de la semaine prochaine, ils n’auront plus le droit de prescrire des médicaments, à moins de s’acquitter de l’adhésion coûteuse à leur ordre professionnel. Tour de la question.

En quoi consiste la réforme ?

À l’heure actuelle, il y a deux types de membres du CMQ : les médecins actifs et les médecins retraités. Ceux qui font partie de la deuxième catégorie ne sont plus considérés comme des praticiens à temps plein mais ils restent des membres en règle de l’ordre professionnel. Depuis 2002, on tolère qu’ils prescrivent des médicaments ou des traitements de manière occasionnelle non rémunérée. À partir du 1er juillet, ce ne sera plus le cas. Les membres du CMQ devront être soit des « médecins actifs », soit des « médecins inactifs ». Les seconds ne pourront plus délivrer des ordonnances, au risque d’être poursuivis pour pratique illégale de la médecine.

« L’analogie que j’utilise, c’est la grossesse : on ne peut pas être à moitié enceinte. Ou on est en exercice, ou on ne l’est pas. On ne peut pas l’être à moitié ou au quart. »

— Yves Robert, président du Collège des médecins

Qu’est-ce que ça change pour les médecins retraités ?

L’adhésion au CMQ en tant que médecin retraité coûtait environ 120 $ par année. La facture passera à plus de 1400 $ pour ceux qui choisissent de redevenir membres actifs. À cela s’ajoute une police d’assurance professionnelle, obligatoire pour les membres actifs, qui coûte environ 1500 $ par année pour un médecin de famille qui ne pratique pas dans les urgences. Le CMQ confirme que plusieurs médecins retraités ont choisi de quitter l’ordre à l’approche de l’entrée en vigueur de la réforme.

Pourquoi le changement ?

L’objectif de la réforme est de mettre fin à une situation ambiguë qui était « tolérée depuis plusieurs années », explique le président du CMQ, Yves Robert. Le droit des retraités de délivrer des ordonnances présentait plusieurs problèmes légaux et éthiques. Contrairement aux membres actifs, les retraités n’avaient pas l’obligation de mettre à jour leurs connaissances de la médecine. Certains pouvaient profiter de leur statut pour prescrire des médicaments à eux-mêmes ou à des membres de leur famille, ce qui contrevient au code de déontologie de l’ordre. Autre problème, les médecins retraités n’étaient pas couverts par une assurance professionnelle. Le CMQ craignait d’être poursuivi si l’un d’entre eux devait commettre une erreur.

« Cette pratique qui a prévalu jusqu’à maintenant créait un risque potentiel pour le Collège de lui-même être poursuivi s’il ne s’assurait pas que tous ses membres qui pratiquent en vertu de l’article 31 de la loi médicale n’avaient pas les protections appropriées, non seulement pour eux-mêmes mais aussi pour les patients qu’ils traitent. »

— Yves Robert, président du Collège des médecins

Des médecins retraités ont-ils abusé de leurs privilèges ?

On l’ignore. Le CMQ a constitué un groupe de travail pour étudier les pratiques des médecins retraités. Avec des données de la Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ), le comité a découvert que certains retraités délivraient plus de 400 ordonnances dans une année, bien davantage que des ordonnances occasionnelles. D’autres ont prescrit des opiacés, « parfois en grande quantité », a indiqué le Dr Robert. L’identité des médecins et des patients reste toutefois inconnue, car les données nominatives de la RAMQ sont protégées par la Loi sur l’accès à l’information.

Le CMQ a-t-il tenté de mieux encadrer la pratique des retraités ?

Oui. Le CMQ a sondé 17 assureurs afin d’aider les médecins retraités à obtenir une couverture d’assurance professionnelle. Les compagnies ont toutes conclu que les risques associés à leur pratique étaient si élevés que les primes auraient été les mêmes que pour les médecins actifs.

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.