Éditorial

Éliminer les pailles de plastique… et le reste

L’Union européenne (UE) a convenu la semaine dernière d’interdire plusieurs articles en plastique à usage unique, dont les pailles, les ustensiles et les assiettes. Une goutte d’eau dans un océan de déchets ? Peut-être, mais voilà tout de même un geste concret qui s’attaque au cœur du problème : la nécessité de réduire les plastiques à la source.

Les jours de la vaisselle de plastique sont comptés dans les pays membres de l’UE. D’ici 2021, assiettes, ustensiles et baguettes devront avoir disparu du commerce. Même chose pour les bâtonnets mélangeurs (pour le café ou les cocktails), les cotons-tiges et les tiges pour les ballons. Les plastiques oxodégradables (qui se fragmentent en particules sans se décomposer), ainsi que les gobelets et contenants alimentaires en styromousse sont aussi voués à l’extinction.

Une mesure symbolique ? Peut-être, mais dans le sens positif du terme, puisque sa portée est beaucoup plus large que la simple quantité de rebuts retirés de la circulation. L’UE montre qu’il est possible de réduire le volume de plastique à usage unique à la source. Et qu’il est plus efficace d’aider les consommateurs que de leur faire la morale. Acheter des cotons-tiges sans plastique ? Facile, quand on ne trouve que ça sur le marché ! Idem pour les ustensiles, assiettes, gobelets et autres contenants alimentaires : les versions réutilisables ou compostables existent, mais il y a pas mal plus de chances que les commerçants vous les offrent si leurs équivalents en plastique et en styromousse sont hors la loi.

L’initiative de l’Union européenne s’inscrit dans une volonté de réduire les quantités de plastique à la dérive dans les océans. On a tous vu des images horrifiantes de ces déchets retrouvés presque intacts dans les entrailles de baleines et d’oiseaux marins. Et ça n’a rien d’anecdotique.

Au train où vont les choses, la masse de déchets de plastique contenus dans les océans pèsera plus lourd que les poissons qui y habitent, signalait un rapport publié au forum de Davos en 2016.

Ce n’est pas en faisant une fixation sur les pailles qu’on nettoiera les océans, nous en sommes tous conscients. D’où l’intérêt de la directive européenne, qui ratisse beaucoup plus large. En plus de s’attaquer à plusieurs articles de plastique et de styromousse pour lesquels des substituts sont déjà disponibles, elle inclut des mesures visant d’autres catégories de produits, dont les satanées bouteilles d’eau, et les engins de pêche. La liste complète représente 70 % des déchets marins en Europe, estime la Commission européenne.

On peut regretter que l’UE n’ait pas annoncé la mort des bouteilles de plastique, mais le contraire aurait été étonnant. Leur popularité est telle qu’un interdit total est difficilement envisageable dans l’immédiat, d’autant que les matériaux de remplacement les plus évidents (verre et carton multicouches) ne sont guère plus souhaitables.

Les bouteilles mises en marché devront cependant contenir un minimum de plastique recyclé (25 % d’ici 2025 et 30 % d’ici 2030), et 90 % devront être captées par la collecte sélective d’ici 2029. Voilà tout de même deux contraintes susceptibles de réduire les quantités dispersées dans la nature. C’est déjà beaucoup plus que ce qui se fait ici.

L’échéancier européen est ambitieux puisque l’accord, qui reste à être adopté, laissera un peu moins de deux ans aux pays membres pour le mettre en vigueur. Mais certains sont déjà rendus plus loin. La France, par exemple, avait déjà décidé d’interdire plusieurs de ces articles en 2020, soit un an plus tôt. De plus, les contenants pour cuire, réchauffer et servir les aliments devront avoir disparu de ses cafétérias scolaires et universitaires d’ici 2025.

Les ustensiles, couverts, couvercles et autres contenants de plastique à usage unique étant souvent utilisés à l’extérieur du foyer, il y en aura toujours une partie qui finira à la poubelle et dans la nature. C’est simple : plus on en met en circulation, plus on augmente les quantités de plastique qui s’échappe dans l’environnement. Il faut donc arrêter de penser que la collecte sélective va tout régler, et se demander comment on peut réduire la production à la source. C’est ce qu’a fait l’Union européenne. Ceux qui diront que ce n’est pas suffisant sont priés d’en faire davantage.

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