Opinion : Politique énergétique

Une vision intégrée

De la nouvelle politique énergétique présentée par le gouvernement du Québec la semaine dernière on a beaucoup retenu l’objectif de réduire de 40 % l’utilisation des produits pétroliers d’ici 15 ans, soulignant avec raison que le chemin pour y parvenir n’était pas encore très clair.

Au-delà de ce chiffre qui surprend, la nouvelle politique présente de nombreux éléments prometteurs visant à améliorer la cohérence entre les diverses actions du gouvernement.

Ainsi, celle-ci devient l’élément central pour l’atteinte des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre de 37,5 % d’ici 2030, déplaçant le fardeau de la transformation du Québec du ministère de l’Environnement à un ministère économique, un message clair quant à l’importance de cette transformation pour le gouvernement : une fois que les cibles de réduction des émissions de GES sont définies, la lutte contre les changements climatiques devient un défi économique pour l’ensemble des intervenants économiques et non plus seulement pour l’Environnement.

NOUVEL ORGANISME

De même, la mise en œuvre de la prochaine politique énergétique sera menée par un nouvel organisme responsable de coordonner l’ensemble des programmes gouvernementaux liés à la transition énergétique pour les consommateurs, les industries, mais aussi d’épauler les divers ministères afin d’assurer que les objectifs de la politique soient respectés. Cet organisme, qui aura son propre conseil d’administration formé par un comité indépendant, devra rendre des comptes régulièrement devant une Régie de l’énergie aux pouvoirs revus, facilitant l’évaluation des programmes tant en termes de coûts que de retombées et permettant de réaligner le tir de manière plus régulière.

Avec l’annonce de la création de cet organisme, chargé de piloter la transition énergétique, les autres objectifs annoncés par le gouvernement perdent un peu de leur importance. Ceux-ci devront être intégrés à la cible de réduction de 40 % de l’utilisation de produits pétroliers et, plus important encore, à l’objectif de 37,5 % de réduction des émissions de GES pour le Québec. Si l’organisme annoncé a l’indépendance promise, il aura tout le loisir de réorganiser ces promesses afin de déterminer la voie la plus facile – ou la moins douloureuse, c’est selon – pour atteindre ces buts.

On se rappellera que le Québec a déjà réussi, une fois, à réduire de 40 % son utilisation du pétrole dans les années 80 sur huit ans seulement, une période moitié plus courte que celle annoncée jeudi dernier, grâce à l’électrification massive du chauffage.

Tout n’est pas gagné, toutefois. Et les détails de la structure et du financement de l’organisme et la rapidité avec laquelle il sera créé et en action affecteront considérablement sa capacité à mener à bien le mandat énoncé la semaine dernière. Ainsi, le document n’est pas très clair quant à sa capacité d’agir dans des domaines comme l’aménagement du territoire, l’urbanisme et la planification du transport, qui déterminent grandement les besoins énergétiques. Saura-t-on dépasser la simple efficacité énergétique pour se donner les moyens de penser plus globalement la problématique de l’énergie ?

PAS D'ARGENT FRAIS

Pour le moment, le gouvernement prévoit que cet organisme aura un budget de 4 milliards de dollars  sur 15 ans, ce qui représente, en gros, le simple rapatriement des sommes déjà consacrées à l’efficacité énergétique, environ 250 millions par année, sans financement additionnel. À moins que ce nouvel organisme puisse aussi agir directement sur les autres dépenses gouvernementales, ce budget sera insuffisant pour atteindre ces objectifs ambitieux.

Reste à savoir, aussi, si cette politique énergétique permettra au Québec de développer de nouveaux créneaux économiques. Bien sûr, on continuera d’utiliser les approvisionnements subventionnés pour soutenir les régions. Toutefois, le document présenté jeudi dernier se contente de répéter de vieux arguments qui n’ont pas encore fait leurs preuves : malgré les belles promesses, le caractère renouvelable de notre énergie n’a toujours pas de valeur sonnante significative et on ne voit pas de positionnement particulier qui permettrait de développer de nouveaux secteurs industriels. Pourtant certains créneaux, moins sexy, pourraient être intéressants, comme l’électrification du chauffage commercial et institutionnel, par exemple, ou du secteur des transports légers ou hivernaux.

La politique énergétique présentée jeudi dernier par le gouvernement du Québec a le mérite de déranger et de nous forcer à repenser nos habitudes. Saura-t-elle nous aider à faire le changement tout en favorisant une amélioration de notre qualité de vie ? Cela dépendra grandement de la qualité et de la cohérence des structures de gouvernance annoncées.

* L’auteur a été coprésident de la Commission sur les enjeux énergétiques du Québec.

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