Cyclisme

À quand un vélodrome intérieur au Québec ?

Moins sexy (mais beaucoup moins cher) qu’un nouveau stade et le retour du baseball à Montréal, le projet d’un vélodrome intérieur au Québec est bien vivant. Bromont, Montréal et Trois-Rivières sont sur la ligne de départ. État de la situation.

Vingt-sept ans après le démantèlement de la piste olympique de Montréal, l’idée de doter le Québec d’un nouveau vélodrome intérieur semble plus vivante que jamais.

« C’est plus réaliste que ça ne l’a jamais été », affirme le directeur général de la Fédération québécoise des sports cyclistes (FQSC), Louis Barbeau.

Témoin de plusieurs projets avortés au cours des années, le DG sent un vent de changement. « À l’époque, je voyais des gens qui souhaitaient réaliser un projet de vélodrome. Après une ou deux rencontres, ils partaient en courant... »

Le 8 février, Barbeau a rencontré trois hauts fonctionnaires pour faire valoir la nécessité de construire ce qui deviendrait le troisième vélodrome en Amérique du Nord répondant aux normes internationales.

Accompagné de Pierre Lafontaine, nouveau chef de la direction de Cyclisme Canada, le représentant de la FQSC dit ne pas avoir eu à argumenter longtemps pour convaincre le sous-ministre adjoint aux Sports, Robert Bédard, le conseiller en sport Albert Marier et le directeur du Fonds pour le développement du sport et de l’activité physique, Normand Fauchon.

« Je me considère comme quelqu’un de réaliste, mais je suis plus confiant que jamais, a assuré Barbeau dans une entrevue menée la semaine dernière. Beaucoup de conditions favorables sont maintenant réunies. »

Des projets sont actifs dans trois villes : Trois-Rivières, Bromont et Montréal. Leurs promoteurs affichent le même optimisme.

« C’est inévitable, il va y avoir un vélodrome au Québec dans un an ou deux, je n’invente pas l’eau froide quand je dis ça. »

— Michel Jean, promoteur du projet de Trois-Rivières

Après quelques années à suivre le dossier sur les lignes de touche, l’ingénieur a décidé de se lancer au printemps 2016. Bromont venait d’essuyer un refus de sa demande de subvention au programme de soutien aux installations sportives et récréatives, qui était dans sa troisième phase. « On s’est dit : c’est à notre tour, c’est là qu’on essaie », indique M. Jean.

Le vélodrome de 8 à 12 millions serait construit à proximité du complexe sportif Alphonse-Desjardins et de l’Académie des Estacades, dans le secteur Cap-de-la-Madeleine, donnant un caractère multifonctionnel à l’ensemble. M. Jean dit compter sur l’appui de la Ville de Trois-Rivières et de l’Université du Québec à Trois-Rivières, qui souhaiterait y installer un laboratoire de recherche.

Un plan d’affaires et une « étude de préfaisabilité » ont été réalisés l’automne dernier, confirmant la rentabilité et la viabilité du projet sur un horizon de 10 ans. « On a changé un peu notre version, on ne présente plus un vélodrome, mais une PME », précise M. Jean, un bénévole impliqué dans le cyclisme depuis de nombreuses années. « On est capables de générer des emplois et des retombées économiques assez importantes pour une ville comme Trois-Rivières. »

Comme pour les deux autres projets au Québec, la piste de 250 mètres serait d’abord vouée à l’entraînement pour les cyclistes de haut niveau. Des plages horaires seraient cependant réservées au grand public. « Ce n’est pas consacré à l’élite », insiste M. Jean.

Pour générer des revenus supplémentaires, le centre de la piste pourrait servir à des structures de BMX et de skateboard et à du hockey sur terrain synthétique. Le projet comprendrait un programme sport-études. Des gradins de quelques centaines de sièges permettraient de tenir des compétitions d’envergure provinciale et nationale.

La position de tête à Bromont

À la recherche de partenaires privés depuis un mois, M. Jean concède être « un peu en arrière » du projet de Bromont, qui s’apprête à soumettre une deuxième demande de subvention au programme de soutien aux installations sportives.

« On a eu un premier refus, mais quand c’est un nouveau projet comme celui-là, c’est sûr que ça surprend un peu », se défend Nicolas Legault, directeur général du Centre national de cyclisme de Bromont (CNCB). « On a décidé d’attaquer ; on n’a pas nécessairement eu le temps de faire toutes les approches politiques. Aujourd’hui, on est dans une meilleure position parce que toutes ces étapes ont été faites. »

Actif depuis 1997, le CNCB exploite depuis 2001 l’ancienne piste des Jeux olympiques d’Atlanta. Entreposée à Walt Disney World, en Floride, la piste a été achetée et installée grâce à un soutien financier de 1,9 million du gouvernement du Québec. La pluie et l’humidité ne permettent son utilisation qu’environ 70 jours par saison. Recouverte à deux reprises, la surface de la piste atteindra sa fin de vie utile « d’ici un an et demi », soutient Nicolas Legault.

« On parle d’un investissement de 400 000 à 500 000 $, estime le DG. On s’est dit : aussi bien faire un projet durable. »

Avec le soutien de la Ville de Bromont, qui s’est engagée à hauteur de 1 million, le CNCB veut donc recouvrir la piste actuelle et y aménager ses bureaux et des vestiaires. « On veut rester modeste », précise M. Legault. Coût estimé de l’opération : de 6 à 8 millions.

Son plan d’affaires terminé, le Centre national déposera une demande de subvention de quelque 2 millions à la prochaine phase du programme de soutien aux installations sportives. Le dernier budget Leitão a fait passer son enveloppe de 50 à 100 millions.

« Depuis les 20 dernières années, on a prouvé que le Centre national est important dans le développement du sport au Québec », plaide Nicolas Legault, qui espère obtenir une rencontre avec le ministre du Loisir et du Sport, Sébastien Proulx, dans les prochaines semaines.

Un terrain pour Montréal ?

« Très élaboré », au dire de Louis Barbeau, le projet de Montréal « n’a pas avancé depuis un an, un an et demi parce que rien ne se passait du côté de la Ville ». Il y a quelques semaines, il a néanmoins eu un entretien préliminaire avec le maire Denis Coderre pour discuter d’un emplacement éventuel. « Il ne s’est pas commis du tout, mais il a accepté de nous rencontrer », souligne le DG de la FQSC.

L’acquisition d’un terrain représenterait le quart des coûts de quelque 20 millions, indique son promoteur, un ingénieur qui préfère rester discret pour l’instant.

« L’espoir est revenu, affirme cet amateur de vélo. On a un plan d’affaires de près de 200 pages et on est toujours à la recherche d’un terrain viable pour le projet. »

L’accès à un large bassin de population est la seule façon de rentabiliser un tel équipement, insiste-t-il. En plus de la FQSC, le promoteur dit avoir développé un partenariat avec les fédérations québécoises d’athlétisme, de badminton et de triathlon, qui souhaiteraient utiliser le centre de la piste. Une première demande de subvention à la deuxième phase du programme de soutien aux infrastructures sportives, en 2012, n’avait pas été retenue.

À l’heure actuelle, les meilleurs cyclistes sur piste québécois, comme l’athlète olympique Hugo Barrette, s’entraînent au vélodrome intérieur de Milton, bâti au coût de 56 millions pour les Jeux panaméricains de Toronto.

Sans viser un édifice d’une telle envergure, la FQSC veut que ses athlètes puissent exercer leur art dans la province à longueur d’année. La priorisation de la discipline de la piste par Cyclisme Canada depuis 2012 est un autre élément militant en faveur de la construction d’un deuxième vélodrome au pays.

Selon Louis Barbeau, le projet de Bromont est celui « qui semble recevoir l’aval du gouvernement pour l’instant ».

« Mais tant qu’on n’aura pas d’indication claire du gouvernement, on soutiendra toutes les organisations, précise-t-il. Ça fait 27 ans que le vélodrome a été détruit. Je ne veux pas attendre un autre 15 ans parce que le projet idéal, ce serait d’avoir un vélodrome à tel ou tel endroit. »

Bromont

Forces Avancement du dossier, structure et programmation du Centre national déjà en place, liens avec Cyclisme Canada, autres disciplines connexes comme le BMX et le vélo de montagne, engagement de la Ville de Bromont.

Défi Éloignement relatif des grands centres.

Coût estimé De 6 à 8 millions

Montréal

Forces Bassin de population, plan d’affaires de près de 200 pages, partenariats avec d’autres fédérations sportives, 15 % des investisseurs privés trouvés, selon le promoteur, établissements scolaires à proximité.

Défis Coût, difficulté de trouver un terrain, la Ville ne s’est pas commise.

Coût estimé 20 millions

Trois-Rivières

Forces Emplacement central, arrimage avec le sport-études, appui de la Ville, soutien de l’Université du Québec à Trois-Rivières, services déjà offerts par le complexe sportif Alphonse-Desjardins, originalité du projet de construction (bâtiment à énergie zéro).

Défis Faire connaître le projet, nombre de partenaires à synchroniser.

Coût estimé De 8 à 12 millions

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