Santé

Pas de consommation d’alcool sans risque

La quantité d’alcool sécuritaire devrait être ramenée à zéro, selon une nouvelle analyse de plus de 600 études sur l’alcool et la santé. Cette nouvelle évaluation établit également un nouveau palmarès des pays où l’on boit le plus.

23 CAUSES DE DÉCÈS ANALYSÉES

L’étude base ses recommandations sur l’analyse de 23 causes de décès pour lesquelles l’alcool est un facteur de risque, du cancer aux accidents de la route, en passant par les maladies cardiovasculaires et les bagarres. « Nous arrivons à la conclusion que boire une unité d’alcool par jour [l’équivalent d’une bière ou de 150 ml de vin] augmente de 0,5 % le risque de mourir de ces 23 causes de décès chaque année », explique l’auteure principale de l’étude publiée hier dans la revue The Lancet, Emmanuela Gakidou, de l’Université de l’État de Washington à Seattle. « Pour ceux qui prennent cinq verres par jour, ce risque augmente de 37 %. » L’épidémiologiste américaine n’a pas voulu préciser quel est le risque pour une personne qui ne boit pas d’alcool. Selon Statistique Canada, la probabilité pour un homme de 20 ans de mourir avant l’âge de 60 ans est de 1,2 %. Cela signifie qu’en supposant que les seules causes de mortalité au Canada sont les 23 liées à l’alcool, les chances de mourir avant l’âge de 60 ans d’un homme de 20 ans qui boit cinq bières par jour seraient plutôt tout au plus de 1,7 %.

AUGMENTATION DU RISQUE DE MOURIR

Cancer du sein, un verre par jour : 25 %

Cancer du sein, cinq verres par jour : 50 %

Cancer du côlon et colorectal, un verre par jour : 10 %

Cancer du côlon et colorectal, cinq verres par jour : 30 %

Diabète, un verre par jour :  - 10 % chez les hommes,  - 25 % chez les femmes

Diabète, cinq verres par jour : 25 % chez les hommes, 10 % chez les femmes

Accident vasculaire cérébral ischémique, un verre par jour : - 25 %

Accident vasculaire cérébral ischémique, cinq verres par jour : 10 %

Violences interpersonnelles (bagarres), un verre par jour : 25 %

Violences interpersonnelles (bagarres), cinq verres par jour : 50 %

Source : The Lancet

Et l’effet du plaisir ?

« Il est certain que si les lignes directrices canadiennes de consommation sécuritaire d’alcool changent à la baisse, nous allons refléter cette évolution. Je ne suis pas scientifique, mais je déplore que les études du Lancet ne tiennent pas compte du plaisir et de la convivialité et de leur effet bénéfique sur le stress. »

— Hubert Sacy, directeur général d’Educ’alcool

des CRITIQUES

Une méta-analyse similaire, mais qui ne s’était penchée que sur les maladies cardiovasculaires, publiée en avril également dans le Lancet, avait suscité bien des critiques en recommandant aussi d’abaisser le seuil de consommation sécuritaire d’alcool. Des chercheurs spécialistes de l’alcool avaient notamment fait valoir que ce seuil sécuritaire était sous-estimé parce que de nombreuses études excluent les gens qui ne boivent pas d’alcool, qui ont souvent un risque cardiovasculaire accru, notamment parce que certaines maladies nécessitent un régime sans alcool. L’utilisation d’auto-évaluations de la consommation, teintées par une certaine gêne, mène aussi à une sous-déclaration de la consommation, d’où un abaissement du seuil recommandé plus marqué que nécessaire.

Contrebande et TOURISME

Les auteurs de l’étude publiée hier ont tenté de pallier les lacunes d’anciennes versions de leur étude. « Nous avons utilisé les données de vente d’alcool pour corriger les chiffres des auto-évaluations de la consommation, qui sous-estiment souvent le nombre de consommations, explique Mme Gakidou. Mais encore là, nous avons encore une sous-estimation à cause de la contrebande et de la fabrication illégale. Nous avons aussi pris en compte le tourisme dans les destinations très touristiques à faible population permanente, par exemple les îles. »

Les non-buveurs inclus

« Nous avons privilégié les études n’excluant pas ceux qui ne boivent pas d’alcool, pour ne pas créer de distorsion en faveur d’une limite de consommation plus basse. Et quand c’était possible, nous avons réanalysé les données d’études ayant exclu les non-buveurs, pour en tenir compte. »

— La chercheuse Emmanuela Gakidou, qui n’a toutefois pas voulu critiquer l’étude d’avril sur ce point

PROCHAINE ÉTAPE

Le prochain objectif de recherche est de tenir compte de l’âge, du sexe et de la région dans les recommandations de consommation d’alcool. L’Organisation mondiale de la santé, à laquelle de nombreux pays se fient pour leurs recommandations nationales, changera-t-elle ses normes ? « Nous sommes en contact avec le groupe responsable de l’alcool à l’OMS, dit Mme Gakidou. Ils vont publier un nouveau rapport d’ici la fin de l’année et je crois que leurs conclusions seront similaires aux nôtres. J’ai assez bon espoir qu’il y aura une révision des recommandations. »

TOP 5 DES BUVEUrS

Nombre moyen de consommations par jour des hommes

Roumanie : 8,2

Portugal : 7,2

Luxembourg : 7,2

Lituanie : 7

Ukraine : 7

… Et le Canada : 3

TOP 5 DES BUVEUSES

Nombre moyen de consommations par jour des femmes

Ukraine : 4,2

Andorre : 3,4

Luxembourg : 3,4

Biélorussie : 3,4

Suède : 3,1

… Et le Canada : 2,7

LES PLUS FORTES PROPORTIONS DE BUVEURS

Pourcentage d’hommes qui consomment de l’alcool

Danemark : 97,1 %

Norvège : 94,3 %

Argentine : 94,3 %

Allemagne : 94,3 %

Pologne : 93,8 %

… Et le Canada : 87 %

LES PLUS FORTES PROPORTIONS DE BUVEUSES

Pourcentage de femmes qui consomment de l’alcool

Danemark : 95,3 %

Norvège : 91,4 %

Allemagne : 90 %

Argentine : 89,9 %

Nouvelle-Zélande : 88,5 %

… Et le Canada : 81 % Source : The Lancet

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