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Édition du 26 avril 2018,
section AFFAIRES, écran 2
Un certain mystère plane sur trois des plus importants chantiers du centre-ville de Montréal, soit la fusion du Centre Eaton avec le Complexe Les Ailes et la rénovation de l’aire commerciale de la Place Ville Marie. Jusqu’ici, très peu de détails ont filtré sur ces projets totalisant 400 millions de dollars.
Fin janvier, la filiale immobilière de la Caisse de dépôt, Ivanhoé Cambridge, a annoncé la « métamorphose » du Centre Eaton et sa « fusion » avec le Complexe Les Ailes. Les travaux de la Place Ville Marie (PVM) avaient été annoncés deux mois plus tôt.
Ces travaux d’envergure forcent la fermeture de nombreux détaillants, ce qui saute évidemment aux yeux des milliers de personnes qui y circulent quotidiennement. Tandis que le Complexe Les Ailes ne compte plus que trois commerces, on peut en fréquenter une dizaine à la Place Ville Marie. Le Centre Eaton est moins affecté ; presque la moitié des boutiques du rez-de-chaussée sont ouvertes et sur les autres étages, les portes sont plus nombreuses que les barricades.
Ce paysage peu joyeux s’ajoute à celui de la rue Sainte-Catherine, où les travaux majeurs amènent leur lot de passerelles, de grillages et de trottoirs disparus. Coïncidence ? La réponse d’Ivanhoé Cambridge à ce sujet n’est pas limpide.
Propriétaire du Centre Eaton depuis l’an 2000 et du Complexe Les Ailes depuis 1999, Ivanhoé Cambridge affirme procéder à une véritable fusion de ses deux centres… pourtant déjà reliés par un corridor. Julie Lafrenière, vice-présidente au développement des centres commerciaux, en convient, mais insiste sur le fait que cette fois, on créera un « espace et une expérience sans couture ».
Concrètement, les consommateurs ne verront pas grand changement ; le corridor qui relie les deux immeubles sera seulement déplacé vers le nord, soit plus près du boulevard De Maisonneuve. Quant au nouveau corridor permettant depuis peu de passer du Centre Eaton au Sephora, il n’est que temporaire.
Les différences de niveaux des planchers seront aussi adoucies, ajoute Mme Lafrenière. « On libère les obstacles entre les deux propriétés pour avoir un parcours lumineux, large, dégagé, fluide. On veut un environnement commercial parfaitement harmonisé d’un côté comme l’autre. »
Le nombre de magasins diminuera par ailleurs légèrement, car les locataires dits « majeurs » – qui occupent de vastes espaces – seront un peu plus nombreux. Ivanhoé Cambridge ne veut dévoiler aucun nom de futur détaillant, tout en jurant que des baux sont bel et bien signés. Dans le milieu de la vente au détail, seule l’identité de la chaîne espagnole Massimo Dutti circule. Le détaillant de vêtements aurait loué le grand local à droite de la porte du Centre Eaton donnant sur la rue Sainte-Catherine, selon nos sources.
Chose certaine, le « nouveau » Centre Eaton ne changera pas de vocation et demeurera une destination mode, affirme son propriétaire qui n’a pas voulu dire si le recrutement de nouvelles enseignes et de grands noms de la scène internationale allait bon train. Si l’on se fie aux affiches installées sur les murs, le rez-de-chaussée sera encore occupé par Levi’s et des chaînes canadiennes dont Le Château, Aritzia, Aldo, RW & CO et Dynamite.
Un homme d’affaires bien renseigné sur les travaux et qui préfère conserver l’anonymat par crainte de représailles ne s’attend d’ailleurs pas à des nouveautés spectaculaires pour les clients. Les cartes seront brassées, mais ça demeurera le même paquet de cartes, illustre-t-il.
Même si les travaux finiront en 2020, il ne faudra pas attendre deux ans pour découvrir les nouveaux commerces : ils ouvriront progressivement.
Ivanhoé Cambridge souhaite que les travaux apportent une « connectivité très forte avec la rue Sainte-Catherine », ce qui passera par « plus de transparence ». Autrement dit, la façade du Centre Eaton sera davantage vitrée.
Les dessins d’architectes fournis à La Presse montrent que les fenêtres seront beaucoup plus hautes qu’à l’heure actuelle, atteignant le deuxième étage, ce qui n’est pas sans rappeler le look du Complexe Desjardins. Cela permet de faire entrer plus de lumière naturelle. Les escaliers roulants seront déplacés afin de dégager l’espace près des portes.
« L’entrée du Centre Eaton, c’est un point de rencontre sur Sainte-Catherine, c’est une adresse. On lui redonne beaucoup d’envergure. »
— Julie Lafrenière, Vice-présidente, Développement, Centres commerciaux, Ivanhoé Cambridge
Les locataires de chaque côté des portes bénéficieront eux aussi d’une plus grande visibilité depuis la rue, grâce à l’ajout de grandes fenêtres. Ce ne sera pas le cas de Rudsak, cependant, qui quittera son local actuel, donnant sur la rue, pour un autre à proximité.
Quant à l’ex-Complexe Les Ailes, les dessins de la future façade révèlent peu de changements. La configuration du rez-de-chaussée demeure la même avec sa quinzaine de boutiques menant au futur Saks Off Fifth, tout au fond.
C’est au deuxième étage que les nouveautés seront les plus marquantes, puisque l’on y trouvera de nouvelles halles gastronomiques (voir onglet suivant).
En ce qui concerne la Place Ville Marie, l’offre à venir est beaucoup moins claire, même si les travaux vont déjà bon train. Pourra-t-on encore s’y procurer des vêtements et des chaussures à l’issue des travaux ? La porte-parole d’Ivanhoé Cambridge Katherine Roux Groleau soutient qu’il y aura « encore une offre commerciale », sans jamais utiliser les mots boutique ou magasin.
Et à quoi cette offre pourrait ressembler ? « On est en train d’élaborer l’offre commerciale, d’y réfléchir, répond-elle. On veut créer une oasis pour nos locataires et les 10 000 personnes qui travaillent à la Place Ville Marie. On repense aux services offerts, à ce qui peut améliorer leur quotidien. […] C’est en évolution. »
On sait cependant que tout le coin nord-est – où se trouvaient Renaud-Bray, RW & CO, Reitmans et Starbucks – accueillera une succursale de la Banque Royale.
Le 2e étage de ce qui fut le Complexe Les Ailes prendra un grand virage bouffe avec l’arrivée de « halles gastronomiques ». Julie Lafrenière n’a pas voulu dire si l’espace sera loué à un seul restaurateur ou plusieurs, s’il s’agira d’un restaurant avec service aux tables ou non. « On emmène sur le site une offre alimentaire augmentée, diversifiée, rehaussée », a-t-elle dit. L’ouverture pour le public est prévue « avant 2020 ». Selon des plans que nous avons obtenus, les halles occuperont 43 000 pi2, soit près de la moitié de l’étage. Ivanhoé Cambridge s’inspirera de ce qui a été fait à Place Sainte-Foy, nous a-t-on dit.
Du côté de l’avenue McGill College, on espère attirer des restaurateurs qui serviront leurs clients l’été sur une terrasse installée sur le trottoir et qui, à l’intérieur, occuperont deux étages. Cette volonté s’inscrit notamment dans une volonté de mieux « animer la rue » au moment où la Ville de Montréal envisage d’y faire des travaux. Les piétons pourront voir les clients au 2e étage grâce à une généreuse fenestration. Quant à la foire alimentaire dans le sous-sol du Centre Eaton, même si la décoration et son aménagement datent de 12 ans, celle-ci ne fait pas partie du projet de modernisation du centre commercial en cours. Les Halles seront « complémentaires » à l’offre qui s’y trouve.
Selon des plans fournis à un homme d’affaires que nous avons pu consulter, l’offre alimentaire prendra beaucoup plus de place. On y voit qu’un vaste restaurant de 15 000 pi2 doit s’installer là où se trouve le magasin de cosmétiques Murale (déplacé au sud du Pharmaprix, dans l’ancien Thyme Maternité, entre autres). Un autre resto « haut de gamme » est attendu là où Terra Nostra et Dynamite vendaient leurs collections. La foire alimentaire sera par ailleurs agrandie vers l’ouest, ce qui a forcé le déplacement de David’s Tea et d’Éduca-jeux, notamment.
Ivanhoé Cambridge a récemment étendu l’offre alimentaire dans l’hôtel Le Reine Elizabeth en y ajoutant une épicerie fine appelée Marché Artisans (inaugurée le 2 novembre). Qualifié de « garde-manger du centre-ville », on y trouve de très nombreux produits importés (confiseries, huiles, condiments) ainsi que du pain, du fromage et des légumes frais. On peut aussi s’y asseoir pour déguster un repas, ce qui n’est pas sans rappeler la chaîne italienne Eataly. Ce concept dans un hôtel serait unique en Amérique du Nord.
Les représentantes d’Ivanhoé Cambridge, tant les vice-présidentes que la responsable des communications, ont beaucoup insisté lors de la rencontre avec La Presse sur l’importance du centre-ville de Montréal pour Ivanhoé Cambridge, qui y investit « 1 milliard sur cinq ans ».
Tous comptes fait, c’est plutôt 1 milliard sur sept ans, comme le montre la liste ci-contre, mais la somme demeure imposante.
« C’est notre engagement envers le centre-ville de Montréal. On y croit énormément. »
— Julie Lafrenière, vice-présidente au développement des centres commerciaux chez Ivanhoé Cambridge
« Pour nous, tout ça est complémentaire. Ce n’est pas en compétition. […] On veut offrir aux Montréalais et à l’ensemble des gens qui visitent nos propriétés des offres gastronomiques rehaussées et repensées pour les garder au centre-ville après les heures de bureau », a renchéri la responsable des communications Katherine Roux Groleau en faisant référence à la bonification de l’offre alimentaire tant à l’hôtel Le Reine Elizabeth qu’à la Place Ville Marie que dans l’ex-Complexe Les Ailes.
« Il y a de la clientèle pour divers types d’offre alimentaire, autant pour une foire que pour des halles gastronomiques », soutient Mme Lafrenière.
400 millions
140 millions
113 millions
300 millions
200 millions
Total : 1,15 milliard
* Montants approximatifs. ** Le projet a totalisé 225 millions. Manuvie, partenaire d’Invanhoé Cambridge, a investi 50 % de la somme.