Opinion Violence envers les enfants

La publication d'une étude de l'Observatoire de tout-petits, cette semaine, a fait prendre conscience de la violence dont sont victimes les jeunes enfants au Québec.

Opinion Violence envers les enfants

La publication d'une étude de l'Observatoire de tout-petits, cette semaine, a fait prendre conscience de la violence dont sont victimes les jeunes enfants au Québec.

Opinion : Violence envers les enfants

Il y a encore du chemin à faire

Un premier portrait de nos 0-5 ans a été publié cette semaine. Il est le produit de l’Observatoire des tout-petits, un service assuré par la Fondation Lucie et André Chagnon. En soi, la publication de ce portrait est une bonne nouvelle.

Le Commissaire à la santé et au bien-être déplorait, dans un rapport très fouillé paru en 2012, l’absence de données cohérentes qui nous permettraient de savoir comment vont nos tout-petits et dans quels environnements ils grandissent. Chose corrigée désormais ; nous ne pourrons plus plaider l’ignorance, le manque de données ou d’information.

La donnée qui fait la une des médias est sans doute la moins réjouissante de ce rapport.

Selon les déclarations mêmes d’un très large échantillon de mères et de pères, 48 % des tout-petits font l’objet de violence physique mineure par un adulte dans leur environnement familial au moins une fois durant l’année.

Il s’agit ici de comportements comme secouer ou brasser un enfant (de plus de 2 ans), lui taper les fesses à mains nues, lui donner une tape sur la main, le bras ou la jambe, ou le pincer pour le punir. Note importante ici : ce taux reflète l’utilisation de tels comportements ne serait-ce qu’une seule fois durant l’année. Sans doute une fois de trop pour de nombreux parents qui sont en désaccord avec de tels modes disciplinaires et qui s’en veulent d’avoir dérapé.

Selon les données portant sur l’ensemble des enfants et des jeunes, ce taux diminue des deux tiers si l’on ne tient compte que des familles où cela se produit plus de trois fois durant l’année. Mais cela ne devrait pas nous faire oublier que la punition physique est depuis longtemps associée, dans la très grande majorité des études disponibles, à des impacts négatifs chez les enfants et s’avère particulièrement inefficace à modifier les comportements que l’on juge inappropriés.

Les agressions diminuent avec l'âge

Un examen attentif de l’étude à la source de ces données (La violence familiale dans la vie des enfants du Québec) révèle un autre fait troublant. Plus ils vieillissent, moins les enfants sont agressés physiquement dans leur famille. Le taux de violence physique mineure passe de 48 % chez les 0-5 ans à 13 % chez les ados.

Quatre éléments peuvent expliquer cet écart : ou bien les jeunes sont plus en mesure d’expliquer leur comportement auprès des adultes, ou bien ils sont moins présents à la maison ce qui les met hors de portée, ou bien les parents ont abandonné des comportements qui finalement ne règlent rien ou alors la taille et le poids du jeune deviennent des éléments qui dissuadent les adultes de passer à l’acte.

Je soupçonne que ce dernier élément pèse lourd dans la balance, ce qui voudrait signifier que les plus jeunes enfants sont victimes de discrimination pondérale, que leurs droits à la sécurité et à la protection de leur intégrité physique sont plus facilement menacés parce qu’ils sont moins susceptibles de se défendre, plus faibles, plus vulnérables.

Il y a là matière à s’interroger sur notre capacité, en tant qu’adulte, à respecter les droits des enfants quand ils ne font pas le poids !

Bonne nouvelle toutefois : le taux des tout-petits qui sont la cible de châtiment physique est en diminution ; il était de 56 % en 2008. Cela pourrait traduire un changement dans l’adhésion à certaines normes concernant la façon de discipliner les tout-petits ; comparé à 2008, presque la moitié moins de parents pensent qu’il est acceptable de taper un enfant lorsqu’il est provocant, désobéissant ou violent.

Cependant, le taux encore trop élevé d’enfants qui font l’objet de violence physique mineure nous confronte à des normes qui demeurent trop complaisantes quant à l’utilisation de la violence comme mode disciplinaire envers nos tout-petits. Il y a encore, selon le portrait publié cette semaine, une majorité de parents québécois qui ont une attitude favorable vis-à-vis de la punition corporelle envers les enfants.

Ce taux de violence même mineure dont font les frais encore trop de nos tout-petits devrait aussi nous amener à nous interroger sur les conditions sociales, économiques et culturelles qui sont associées à ce type de dérapage dans nos comportements parentaux. Selon ce premier portrait, il y a environ le tiers des mères et le quart des pères qui révèlent un niveau de stress élevé dans leurs efforts à conjuguer leur vie de parents et leur vie de travailleurs. Sans compter la proportion croissante de familles de jeunes enfants (autour de 20 %) qui ont du mal à trouver un logement abordable. Il y a certainement là des pistes importantes de réflexion à explorer.

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