Lunette intelligente

Un modèle à assembler soi-même inventé au Québec

Un téléphone Android, du carton et quelques babioles achetées chez Dollarama : voilà tout ce qu’il faut pour construire vos propres lunettes de réalité augmentée. Lancé par des chercheurs québécois, ce projet de type « faites-le vous-mêmes » vise à démocratiser une technologie autrement très chère. La Presse a relevé le défi… pour constater que les bricoleurs malhabiles doivent aussi inclure un peu de patience et d’humilité dans l’exercice. Compte rendu.

Réalité augmentée

Alors que la réalité virtuelle veut vous plonger dans un autre univers, la réalité augmentée vise à bonifier le monde réel. Imaginez que vous regardez une peinture dans un musée et que vous voyez apparaître dans les airs des informations à son sujet. Ou que vous avez des instructions devant les yeux pendant que vous effectuez une tâche.

« On souhaitait avoir accès à une masse critique d’appareils de réalité augmentée pour faire des déploiements à grande échelle dans des environnements industriels et dans des écoles, raconte Charles Gouin-Vallerand, professeur au département de science et technologie à l’Université TÉLUQ. Mais le coût était prohibitif. »

Un casque Microsoft HoloLens de base vaut en effet 4000 $. Les lunettes Moverio BT-300, d’Epson, se détaillent à plus de 1000 $.

Lunettes de carton

Damien Brun, étudiant au doctorat en informatique, s’est alors donné comme mission de concevoir un modèle de lunettes de réalité augmentée à faible coût, à assembler soi-même et fonctionnant avec un téléphone Android. Il s’est inspiré de Google Cardboard, un masque de réalité virtuelle de carton de Google.

« On a pensé aux gens des pays en développement, qui n’ont souvent aucun accès à ces technologies », dit l’étudiant.

Le spécialiste en informatique a troqué le clavier pour les ciseaux et les bâtons de colle.

« C’est vrai que ça fait drôle de démarrer une thèse de doctorat en coupant du carton », dit l’étudiant en rigolant. Dans le Laboratoire en informatique cognitive et environnements fonctionnels de l’Université TÉLUQ, une grande boîte baptisée « le cimetière » et remplie de carcasses de prototypes ratés témoigne des multiples essais qui ont été nécessaires.

Des applications

Fabriquer des lunettes, c’est bien. Les utiliser ensuite, c’est encore mieux. Voilà pourquoi Damien Brun et le professeur Gouin-Vallerand ont aussi conçu des applications qui permettent d’en tirer profit. Parmi celles-ci, on compte une boussole et un assistant qui vous aide à faire des projets d’origami. Une autre application, encore en développement, utilisera la reconnaissance vocale du téléphone pour sous-titrer les conversations au profit des malentendants. Un miroir peut aussi être fixé sur les lunettes. Braqué sur des objets, il en renvoie l’image dans la caméra du téléphone, qui peut ensuite les reconnaître et afficher des informations à leur sujet. Les chercheurs ont conçu une application qui donne des renseignements sur des affiches créées par la NASA.

Tout ouvert

Grands partisans du « code source ouvert » (open source), les chercheurs ont publié des librairies de code et invitent maintenant les programmeurs du monde entier à concevoir de nouvelles applications pouvant être utilisées avec les lunettes. Le plan de fabrication de celles-ci a aussi été lancé dans l’espace public avec la même intention.

« Il faut voir ça comme une première version. Nous ne sommes pas des designers et on espère vraiment que les gens vont contribuer à l’améliorer », dit Damien Brun. Les chercheurs de TÉLUQ travaillent déjà à une version pouvant être fabriquée avec une imprimante 3D.

Notre expérience de bricolage

Avant de vous lancer, tenez-vous-le pour dit : le projet n’est pas facile, et il faut compter au moins une heure et demie pour en venir à bout. Avec nos talents de bricoleur limités, nos lunettes étaient à la limite d’être utilisables à la fin du projet.

Notre première et plus grave erreur a été de rater le bouton « View All Steps », qui conduit à des instructions détaillées – prenez le temps de le repérer. Inutile de préciser qu’il faut se fier aux photos des chercheurs et non aux nôtres pour vous guider, sous peine de courir à la catastrophe.

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