Lutte aux agressions sexuelles

Québec investit 44 millions, les intervenants restent sur leur faim

Sur cinq ans, le gouvernement Couillard consacrera 44 millions – dont 26 millions d’argent frais – à la lutte contre les violences sexuelles. Les groupes qui aident les victimes ou qui s’intéressent à la prévention des agressions sexuelles jugent qu’a priori, c’est trop peu.

La nouvelle stratégie de lutte contre les violences sexuelles a été annoncée hier. Parmi les 55 nouvelles mesures prévues se trouve notamment la création d’une escouade policière interrégionale (un engagement de 6 millions) et la promesse de déployer très largement la vidéoconférence dans les tribunaux en dehors des grands centres pour que les femmes n’aient pas à témoigner devant leur agresseur.

Seront aussi mis sur pied des campagnes de sensibilisation, de même qu’un programme prévoyant la rencontre systématique de la victime avec le procureur aux poursuites criminelles et pénales. Trop souvent, a souligné Stéphanie Vallée, ministre de la Justice, le procureur ne rencontre la victime que le matin du début des procédures.

Environ 13 millions sur cinq ans seraient dirigés vers les groupes communautaires qui œuvrent sur le terrain.

« Il faut dénoncer, il faut parler, il faut changer les choses, Assez, c’est assez. Nous avons tous et toutes droit au respect. Les jeunes filles et les femmes doivent se sentir en sécurité. »

— Lise Thériault, vice-première ministre et ministre responsable de la Condition féminine.

Hélène David, ministre de l’Éducation supérieure, a assuré qu’elle ferait tout en son possible pour que la sécurité dans les universités soit améliorée.

Trop peu, mais mieux que rien

Si les cinq ministres présents ont assuré que des sommes supplémentaires seraient annoncées sous peu – par exemple, pour la réalité très spécifique des communautés autochtones – les personnes aux premières loges de la lutte contre les violences sexuelles s’inquiétaient que la stratégie annoncée soit si mince.

« On annonce aujourd’hui que les procureurs devront rencontrer chaque victime d’emblée, mais on n’annonce pas que des procureurs supplémentaires seront embauchés, a noté Louise Riendeau, coordonnatrice au Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale. Or, je viens de savoir qu’une victime vient d’apprendre que le procès de son ex a été annulé parce que les délais étaient dépassés [conformément aux plafonds dictés par la Cour suprême à l’été]. »

« Le tiers des CALACS [Centres d’aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel] a des listes d’attente et on ne sait pas du tout si on aura plus de fonds », a souligné Nathalie Duhamel, coordonnatrice de ce mouvement.

Louise Chabot, présidente de la Centrale des syndicats du Québec, se désolait, elle, que la grande majorité des fonds soient destinés à la réparation – escouade policière, amélioration de prise en charge des victimes par le système de justice, etc. – et que si peu aille à la prévention.

« Il faut pourtant commencer très tôt à faire de la prévention, dès que les enfants sont petits », laisse-t-elle entendre.

« Les sommes annoncées, c’est mieux que rien, mais il en faudrait tellement plus pour aider les femmes qui veulent cesser de se prostituer. »

— Diane Matte, porte-parole de la Concertation des luttes contre l’exploitation sexuelle

Elle poursuit : « Ces femmes n’ont plus de revenus, elles sont souvent endettées, elles n’ont souvent pas leur cinquième secondaire et elles ont perdu tout contact avec le marché de l’emploi… »

Rose Dufour, fondatrice de La Maison de Marthe qui aide les femmes à sortir de la prostitution, note elle aussi que les sommes annoncées ne sont pas énormes, mais elle garde bon espoir. « Depuis deux semaines, on sent un mouvement, on sent que des choses se passent. Si les bonnes personnes font les bonnes choses, ça peut faire avancer les choses. »

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