À l’étude

Manger durant l’accouchement réduirait les complications

Les femmes qui accouchent sont nombreuses à se contenter de glaçons durant le travail. Plusieurs voix se sont élevées ces dernières années contre l’interdiction de boire et manger à ce moment. Une nouvelle étude américaine confirme que le taux de césariennes d’urgence et de complications durant le travail est plus bas lorsque les mères peuvent assouvir leur faim.

l’état actuel

L’interdiction de boire et manger durant le travail remonte au temps où les césariennes se faisaient sous anesthésie générale. « Sous anesthésie générale, si la patiente vient de manger, il y a un risque qu’elle vomisse et qu’une partie du vomi soit aspiré vers ses poumons », explique Anne Shea-Lewis, directrice de l’unité mère-enfant à l’hôpital St. Charles à Port Jefferson, dans l’État de New York, qui est l’auteure principale de l’étude parue en février dans l’American Journal of Nursing. « Mais les césariennes d’urgence aujourd’hui se font rarement sous anesthésie générale. Et de toute façon, la patiente peut avoir mangé avant d’arriver à l’hôpital. Plusieurs associations médicales, même d’anesthésiologistes, ont admis depuis 10 ans que boire et manger durant le travail est bénéfique, parce que la femme n’est pas épuisée quand arrive le moment de pousser. Ça peut même diminuer le risque de césarienne. Mais les lignes directrices n’ont pas changé. » Au Québec, un rapport publié en 2014 par l’Institut national de santé publique indiquait qu’« à moins d’avis contraire, les femmes devraient pouvoir manger et boire si elles le souhaitent ».

La genèse

L’infirmière new-yorkaise a discuté de cette question avec une collègue d’un autre hôpital de l’État, il y a deux ans. « Elle essayait de mettre sur pied une étude prospective où on assignerait au hasard des femmes enceintes à un groupe qui aurait le droit de boire et manger durant le travail et un autre qui devrait se contenter de glaçons. Je lui ai dit que dans mon hôpital, on pouvait déjà faire une première comparaison, parce que dans notre région se trouve l’une des rares compagnies d’assurances à accepter que les patientes boivent et mangent durant le travail. Il nous suffisait de comparer ces patientes avec celles des quatre autres compagnies d’assurances principales dans notre hôpital, qui veulent que les patientes s’en tiennent aux glaçons. »

Ce que révèle l’étude

Les infirmières new-yorkaises ont étudié 2800 accouchements survenus entre 2008 et 2011. Dans environ 40 % des cas, les patientes pouvaient boire et manger selon leurs désirs. « Même si la proportion des patientes qui avaient des facteurs de risque à l’accouchement, comme de l’obésité, était moins élevée dans le groupe des glaçons, le taux de césariennes d’urgence et de complications durant le travail était plus élevé, dit Mme Shea-Lewis. Il n’y avait pas, par contre, de différence entre les deux groupes pour ce qui est de la santé du bébé. Le taux de complications post-partum et les scores Apgar étaient similaires. » Aucun des bébés n’est mort durant l’accouchement.

Et maintenant ?

Pour convaincre les assureurs et les associations médicales de changer leur position quant à l’alimentation durant le travail, Mme Shea-Lewis et ses collègues devront mener à bien leur étude prospective. « Nous avons recruté des femmes enceintes dans trois hôpitaux, nous allons mettre sur pied six cohortes avec, dans chaque hôpital, un groupe de femmes qui pourraient boire et manger comme elles le désirent et un autre groupe qui s’en tiendra aux glaçons. Je pense que c’est la seule manière de changer vraiment les choses. Mais je vois qu’il y a beaucoup d’intérêt. Le chef de l’anesthésiologie à mon hôpital m’a demandé de venir présenter l’étude que nous venons de publier. »

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