Jean-Guy Desjardins, PDG de Fiera Capital

Une histoire étonnante qui se poursuit toujours

La première réaction de Jean-Guy Desjardins a été d’opposer un refus catégorique lorsqu’il a appris qu’on projetait d’écrire un livre pour relater sa vie et raconter son singulier parcours dans le monde des affaires. « C’est bien la dernière chose que je voulais faire », explique le financier et président fondateur de Fiera Capital, qui a finalement accepté de se livrer et de participer au processus, qu’il a jugé « émotivement très drainant ».

Le projet émanait de la Chaire de leadership Pierre-Péladeau de HEC Montréal et il a été conduit par Jacqueline Cardinal, chercheuse associée et auteure de la biographie Jean-Guy Desjardins, le phénix de la finance, éditée par les Presses de l’Université du Québec.

« J’ai accepté parce que l’École cherchait à meubler son patrimoine et que je suis très reconnaissant envers les HEC. Je ne l’ai pas fait pour moi, mais pour l’endroit qui m’a formé et pour lequel je suis resté très attaché », m’a expliqué Jean-Guy Desjardins, jeudi dernier, quelques minutes avant le lancement officiel de son livre, qui a eu lieu bien évidemment à HEC Montréal.

L’histoire que nous raconte Jacqueline Cardinal est fascinante à plusieurs égards, mais elle est tissée par un seul et même fil conducteur, l’acharnement que n’a jamais cessé de déployer Jean-Guy Desjardins tout au long de son parcours de vie personnel et professionnel.

LE CAUCHEMAR DE L’ÉCOLE

Premier étonnement. Jean-Guy Desjardins a une enfance et une adolescence marquées par la turbulence et une haine tenace de l’école et de l’autorité.

Durant ses années d’études primaires et secondaires, il a été renvoyé de quatre écoles différentes en raison de son indiscipline et de son manque évident d’intérêt pour les études.

Au moment de son dernier renvoi, en plein milieu de l’année scolaire, il décide à 16 ans de quitter définitivement l’école.

« Je haïssais vraiment l’école. J’y pense encore aujourd’hui et je sens un malaise juste à me rappeler dans quel état je me retrouvais dans les classes. »

— Jean-Guy Desjardins

Issu d’une famille modeste du quartier Villeray, hyperactif, Jean-Guy Desjardins préférait s’adonner aux sports plutôt que d’étudier, au grand désespoir de sa mère qui a fait des sacrifices financiers énormes pour que son fils obtienne une bonne éducation et puisse bien entreprendre sa vie adulte.

À 16 ans, il se trouve un emploi de commis à la perception d’une agence de recouvrement qui avait pignon sur la rue Saint-Jacques, à proximité de la Bourse de Montréal. Il est fasciné par la faune de financiers qu’il côtoie quotidiennement.

« J’ai décidé de retourner à l’école pour terminer ma méthode et je suis rentré par la suite aux HEC, où j’ai vraiment pris plaisir à étudier et où j’ai même développé une passion pour apprendre. C’est là que j’ai décidé que j’allais devenir gestionnaire de portefeuille », confie le PDG de Fiera Capital.

DE TAL À FIERA

Si c’est grâce à l’incessante ténacité de sa mère qu’il a repris les études, Jean-Guy Desjardins a par la suite su développer lui-même cette faculté de se fixer un objectif, de le tenir et de l’atteindre.

En 1972, à l’âge de 27 ans, il fonde une firme de gestion de portefeuille en obtenant le mandat de faire fructifier le patrimoine de la famille Timmins, qui avait fait fortune dans l’or. La firme Timmins et associés limitée sera rebaptisée quelques années plus tard TAL.

À la suite de plusieurs transactions, dont une association avec la Banque CIBC, qui lui confie toutes ses activités de gestion de portefeuille, Jean-Guy Desjardins est à la tête d’une des plus importantes firmes de gestion indépendantes au Canada avec des actifs de 65 milliards, en 1999.

C’est à cette époque que la CIBC, qui avait à ce moment une participation majoritaire dans TAL, a décidé qu’elle voulait racheter la totalité des actions de la firme de gestion.

Il était hors de question pour Desjardins de vendre TAL, qu’il avait créée avec l’objectif d’en faire un acteur d’envergure internationale. Mais, en 2002, après deux ans de tractations et un prix fort à l’avenant, il a finalement cédé et vendu à la CIBC.

À 58 ans, à la tête d’une fortune appréciable, il décide de repartir à zéro en créant Fiera Capital en rachetant du Mouvement Desjardins la firme de gestion Elantis et ses 5 milliards d’actifs sous gestion. L’objectif reste le même : créer une firme de gestion de portefeuille d’envergure internationale

L’ACHARNEMENT PAYANT

Il y a cinq ans, presque jour pour jour, je rencontrais Jean-Guy Desjardins, qui venait tout juste de réaliser l’acquisition de Natcan, la firme de gestion de portefeuille de la Banque Nationale, ce qui permettait à Fiera Capital de pratiquement doubler la taille de ses actifs sous gestion, à 54 milliards.

L’homme d’objectifs m’avait alors dit que la prochaine expansion allait se réaliser du côté des États-Unis, où Fiera Capital était absente. Il prévoyait aussi que la taille des actifs de Fiera allait atteindre les 100 milliards d’ici 5 ans et 200 milliards d’ici 10 ans.

Au cours des cinq dernières années, Fiera Capital a effectivement réalisé cinq acquisitions aux États-Unis, où elle cumule maintenant des actifs sous gestion de 28 milliards US.

Jean-Guy Desjardins avait toutefois sous-évalué la croissance du groupe puisque les actifs de Fiera dépassent aujourd’hui largement les 127 milliards.

Avec l’acharnement qu’on lui connaît, Jean-Guy Desjardins a aussi réduit de deux ans son échéancier en vue d’atteindre la marque des 200 milliards d’actifs sous gestion en 2020, d’ici trois ans. Il y aura sûrement là matière pour ajouter de nouveaux chapitres au livre de Jacqueline Cardinal.

Jean-Guy Desjardins, le phénix de la finance

De Jacqueline Cardinal

Presses de l’Université du Québec

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