Commerce électronique

Vers l’amazonisation de l’économie ?

Le géant du commerce électronique Amazon, dont l’ambition ne faiblit pas, envahit peu à peu toutes les sphères de l’activité économique. Mais l’entreprise croît dans le respect des règles fiscales, a assuré son vice-président, de passage à Montréal hier.

Amazon Canada

Les règles fiscales sont respectées, assure l’entreprise

C’était la journée Amazon hier à la septième édition d’eCOM MTL, qui recevait le patron de l’entreprise pour le Canada, le Québécois Alexandre Gagnon.

Le patron d’Amazon Canada, Alexandre Gagnon, soutient que contrairement à ce qu’avancent certains, le grand magasin virtuel perçoit les taxes de vente fédérales et provinciales sur les achats faits en ligne par les Canadiens.

Il répondait à une question de l’animateur de l’événement qui faisait écho aux critiques de l’homme d’affaires Peter Simons sur l’inaction des gouvernements en ce qui concerne la perception des taxes sur les ventes en ligne.

« Tu vas sur Amazon.ca. Tu achètes un produit offert et vendu par Amazon sur Amazon.ca. Au moment de conclure la transaction, tu vas voir les lignes TPS et TVQ. Toutes les taxes sont bien sûr remises aux gouvernements. »

— Alexandre Gagnon, vice-président, Amazon Canada et Amazon Mexico

« La deuxième chose dont j’entends parler, c’est que les Canadiens achètent sur le site Amazon.com plutôt qu’Amazon.ca [pour éviter de payer les taxes]. Si un Canadien achète sur Amazon.com, il va voir des frais supplémentaires qui couvrent le transport et la manutention, de même que des prélèvements pour couvrir les coûts d’importation et de taxation. Ces sommes sont remises par notre entreprise américaine au gouvernement canadien. » M. Gagnon a insisté pour dire que 95 % des achats des Canadiens se font sur Amazon.ca.

Toutefois, Amazon sert aussi de marché pour des vendeurs tiers. La transaction se fait alors entre le consommateur et le vendeur tiers. « On offre les outils qui permettent aux vendeurs tiers d’avoir tout ce qu’il faut pour collecter les taxes de vente et les remettre aux gouvernements », a dit Alexandre Gagnon.

Amazon et le Québec

Les Québécois achètent moins en ligne que les autres Canadiens. Le phénomène touche aussi Amazon, M. Gagnon le reconnaît d’emblée. Chose étonnante, il assume sa part de responsabilité.

« Quand je regarde [les] chiffres de ventes par province, il y a une sous-pénétration au Québec. Ce qui signifie qu’on a beaucoup d’opportunités. »

— Alexandre Gagnon

« Ce n’est pas spécifique à Amazon. Les études le répètent. À la fin, ma conclusion, c’est que, collectivement, et j’inclus Amazon là-dedans, on n’a simplement pas fait un travail suffisant pour satisfaire le consommateur québécois en ligne. Et Amazon a sa part de responsabilité.

« Au départ, en 2002, l’expérience française n’était pas parfaite et ça a pris beaucoup de temps. On travaille avec des systèmes qui offrent 50 millions de produits à traduire en français, il a fallu aller chercher des technologies pour faire de la traduction. » Ce qui est intéressant, c’est qu’une fois la solution technologique trouvée pour le Canada, les autres pays l’ont réclamée pour offrir une interface en espagnol sur Amazon.com, par exemple.

Une autre question de l’animateur a porté sur l’appel d’offres lancé par Amazon pour l’emplacement d’un second siège social en Amérique du Nord. M. Gagnon s’est contenté de répéter ce qu’on savait déjà. Au terme de l’événement, il n’a pas voulu répondre aux questions des journalistes.

Amazon

Alerte à l’envahisseur ?

Reste-t-il des activités commerciales à l’abri des ambitions d’Amazon ? Après qu’il a acquis le distributeur alimentaire Whole Foods aux États-Unis, pour 13,7 milliards US, cette question intrigue beaucoup les milieux d’affaires. Pour tenter d’y répondre, les analystes de Marchés des capitaux BMO ont préparé un rapport destiné à leurs clients-investisseurs. La Presse y a eu accès. En voici des extraits.

Amazon

Les détaillants alimentaires

« À risque élevé d’être un jour “amazonés” », constatent d’emblée les analystes de BMO au sujet des grands épiciers américains. Mais au Canada, « Amazon n’a pas encore d’offre sérieuse en épicerie. Le site fournit des aliments secs et emballés, mais il n’offre pas d’aliments frais ». « L’acquisition récente de Whole Foods par Amazon n’ajoute pas beaucoup de capacité sur le marché canadien », notent les analystes. « Pour devenir un acteur sérieux en épicerie au Canada, Amazon doit développer une capacité en matière de centres de distribution réfrigérés. Entre-temps, les trois principaux détaillants d’épicerie (Loblaw/Provigo/Maxi, Metro/Super C et Empire/IGA) sont à différents stades de développement pour le commerce électronique. »

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Les détaillants généraux

Les analystes de BMO parlent de quelques détaillants canadiens importants dans leur rapport sur le risque d’« amazonisation » de l’économie. Dans le cas d’Alimentation Couche-Tard, qui « exploite des dépanneurs et des postes d’essence », et de Dollarama, chaîne de « magasins à petits prix (4 $ et moins) dominants au Canada », les analystes de BMO « ne considèrent pas le commerce électronique d’Amazon comme une menace ». En revanche, « Canadian Tire semble à terme plus exposé à la menace d’Amazon ». Les analystes lui reconnaissent néanmoins des atouts qui pourraient lui permettre de bien résister à la concurrence : « Canadian Tire a les meilleurs magasins au Canada parmi les détaillants généraux et une présence de longue date. Canadian Tire offre de bonnes marques privées que les consommateurs apprécient. » Dans le marché des pharmacies, les analystes de BMO estiment qu’Amazon menace peu des détaillants comme Jean Coutu et Pharmaprix/Shoppers Drug Mart (filiale de Loblaws). La raison ? « Nous croyons que les Canadiens préfèrent acheter leurs médicaments et leurs produits personnels en magasin, plutôt qu’en ligne. »

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Les détaillants de vêtements

D’emblée, les analystes de BMO affirment que « dans le marché de l’habillement, les détaillants traditionnels n’étaient pas prêts pour le commerce électronique et les détaillants médiocres sont morts ». Toutefois, ils récusent la « croyance populaire voulant qu’Amazon ait été très perturbateur dans le marché de l’habillement ». Aux États-Unis, notent les analystes, « les détaillants de vêtements pour dames en boutiques conservent 80 % des parts du marché et leurs ventes augmentent plus rapidement que l’ensemble du marché ». Cela dit, « le commerce électronique continuera à perturber le commerce de détail traditionnel, mais les détaillants en boutique sont loin d’être morts », selon les analystes de BMO.

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Paiement électronique

Sans surprise, les analystes de BMO constatent qu’Amazon « contribue à la croissance du commerce électronique dans le monde et que, par conséquent, plus de transactions de paiement sont effectuées par voie électronique comme Visa et MasterCard ». Toutefois, notent-ils, « l’un des risques pour Visa et MasterCard est la tentative d’Amazon, avec sa division de portefeuille électronique Amazon Pay, de contourner les réseaux existants de paiements électroniques et d’encourager ses clients à utiliser les cartes de débit plutôt que les cartes de crédit ». En outre, notent les analystes de BMO, « Amazon fait partie de la coalition Financial Innovation Now avec Apple, Google, Intuit et PayPal, qui veut remplacer les délais de trois à cinq jours pour les transferts de fonds inter-bancaires par des transferts en temps réel sur leur propre système ».

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Messageries et services postaux

À l’égard des entreprises de messageries et les services postaux, les analystes de BMO constatent que « la croissance du commerce électronique suscitée par Amazon et l’augmentation du volume des livraisons individuelles favorisent la croissance des messageries comme FedEx et UPS ». En contrepartie, notent-ils, « cette croissance impose des pressions de coûts sur les capacités de leurs réseaux et de leurs infrastructures ». Et pendant ce temps, « Amazon continue de développer ses propres capacités logistiques et d’utiliser davantage les services postaux publics et subventionnés pour ses livraisons résidentielles ». Par conséquent, « il s’agit clairement d’un inconvénient pour UPS et FedEx », notent les analystes, d’autant que « l’écart des prix grandit entre les livraisons en entreprises (B2B) et les livraisons aux consommateurs (B2C) ».

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Logiciels commerciaux

Selon les analystes de BMO, « l’industrie du logiciel a vu et continuera de voir des changements marqués dus à la croissance d’Amazon, plus précisément à sa division logicielle Amazon Web Services, ou AWS ». Créée en 2006, rappellent les analystes, AWS et « son portefeuille croissant de solutions logicielles et de stockage par infonuagique » est devenue un « chef de file du marché », avec des revenus annuels de 12 milliards US en 2016 et qui, prévoit-on, pourraient atteindre 30 milliards d’ici 2019. N’empêche, les analystes estiment que « plusieurs grandes entreprises de logiciels commerciaux ont les éléments pour repousser Amazon, en particulier Adobe, Microsoft, ServiceNow et WorkDay ». Dans le cas d’Adobe, les analystes de BMO apprécient particulièrement « ses avantages concurrentiels durables » avec des services comme « Marketing Cloud et sa gamme robuste d’applications logicielles ».

Livres audio

Amazon adapte son service au Québec

La déferlante de livres audio, un marché florissant évalué à 4,3 milliards dans le monde, atteint le Québec. Le plus important vendeur de ce type de livres, Amazon, annoncera ce matin le lancement d’une version canadienne, en anglais et en français, de sa plateforme Audible, sur laquelle on trouve quelque 300 000 titres.

On promet d’ici peu une centaine de nouveaux titres d’auteurs québécois et canadiens, du contenu « spécialement sélectionné par des Québécois, pour des Québécois ». Pour le lancement, un premier titre, Le mur mitoyen de l’auteure Catherine Leroux, lu par Julie Le Breton, sera offert gratuitement sur le site Audible.ca pendant un mois.

Du côté canadien, une œuvre de Margaret Atwood, The Handmaid’s Tale, aura droit au même traitement de faveur. Les livres sur cette plateforme sont habituellement offerts moyennant un abonnement de 14,95 $ par mois.

« Il est très gratifiant qu’Audible offre aux auteurs et aux comédiens québécois un outil aussi puissant pour présenter leur travail », a déclaré par communiqué l’auteure Catherine Leroux.

« Je crois que le public québécois sera heureux d’entendre les œuvres de leurs auteurs québécois préférés incarnées par des comédiens de grand talent. »

— Catherine Leroux, auteure du roman Le mur mitoyen

Outre les deux titres en vedette offerts gratuitement, on promet notamment d’ici peu Terrain d’entente, du premier ministre Justin Trudeau, Six degrés de liberté, de Nicolas Dickner, et Bain de sang, de Jean-Jacques Pelletier.

Même s’ils existent depuis plusieurs décennies – Thomas Edison lui-même en parlait –, les livres audio ont connu un envol surprenant depuis une dizaine d'années. Selon le site spécialisé GoodEReader, le marché a encore grimpé de 31 % en 2016 par rapport à l’année précédente. On estime que 36 000 titres ont été édités aux États-Unis l’an dernier, et que 3,88 millions de livres audio ont été téléchargés, contre 2,47 millions de livres numériques. Les genres les plus populaires sont le suspense, la romance et la fantasy–science-fiction.

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