garderies

Québec ajoute 2500 places subventionnées

QUÉBEC — Le gouvernement Legault tente de se raccommoder avec les centres de la petite enfance (CPE) échaudés par le déploiement de la maternelle 4 ans. Il ajoute 2500 places subventionnées, en plus de relancer des projets équivalant à 11 000 places de plus qui sont au point mort depuis des années.

« C’est certain qu’il y a des mécontents » dans le réseau en raison de la maternelle 4 ans, « mais mon objectif, c’est de lancer un appel au calme », affirme le ministre de la Famille, Mathieu Lacombe, en entrevue avec La Presse. « On n’abandonne pas les services de garde éducatifs à l’enfance, pas du tout. »

Il en veut pour preuve le plan de développement qu’il présentera aujourd’hui. Il annoncera l’ajout de 2500 places subventionnées – 85 % en CPE et 15 % en garderie privée. Un appel de projets sera lancé bientôt.

Ces 2500 places avaient déjà été autorisées par le Trésor dans le passé, mais elles « dormaient sur les tablettes » de la Famille, selon M. Lacombe. Elles verront le jour d’ici la fin du mandat, a-t-il indiqué. Une fois les places attribuées, les promoteurs devront en effet les concrétiser dans un délai maximal de deux ans. « On s’entend que dans le passé, ça a été pas mal plus long comme délai. »

Tellement long que 11 000 places promises depuis 2011 et 2013 ne se sont jamais concrétisées. « La majorité de ces projets sont à l’étape 0. C’est un problème, c’est inacceptable », soutient le ministre. 

« Je vais signer plus de 300 lettres adressées à chacun des projets pour leur dire que ça doit aller de l’avant et leur demander ce qu’on peut faire pour les aider. »

— Mathieu Lacombe, ministre de la Famille

Dans certains cas, les règles de financement seront assouplies. Québec n’exigera plus que le CPE finance 50 % des coûts d’infrastructures. Pour d’autres projets, des « exigences administratives ou de construction » seront allégées. « On va faire preuve de gros bon sens », résume M. Lacombe.

Il imposera cependant un délai maximal de deux ans pour que les places voient le jour. En cas de défaut, Québec reprendra les places et les réattribuera. « Je n’aurai pas beaucoup de patience pour des projets qui ne se réalisent pas. Quand je parle de patience, je parle de patience envers le Ministère et envers les projets. Si on est exigeant avec les gens qui font une demande de permis, il faut aussi être exigeant envers nous et être capable de livrer la marchandise », affirme le ministre.

« ménage »

Il convient qu’un « ménage » doit être fait parmi tous ces projets de 11 000 places. Certains d’entre eux « ne sont plus d’actualité parce qu’il n’y a plus de volonté du milieu lui-même de les mettre de l’avant. Dans ces cas-là, d’un commun accord, on va reprendre les places et on va les réattribuer par la suite », explique-t-il. Québec lancera alors des appels de projets ciblés.

Environ 40 fonctionnaires seront affectés à la réalisation du plan de développement de places, précise-t-il.

Mathieu Lacombe demande également à son ministère de revoir le portrait concernant l’offre et la demande de places. « On s’est rendu compte qu’il y avait des données qui n’avaient pas d’affaire là, qui faussaient les résultats et qui nous démontraient qu’il n’y avait pas de besoin de places alors qu’il y en a, des besoins », lance-t-il. Un exemple : 8000 places subventionnées dans les garderies en milieu familial sont comptabilisées en trop. Elles n’existent pas dans les faits. Le ministre demande aux bureaux coordonnateurs de la garde en milieu familial de les donner à des éducatrices intéressées, ce qui s’annonce difficile en raison de la perte de clientèle causée par la maternelle 4 ans (voir onglet suivant).

Environ 42 000 enfants attendent une place et sont inscrits au guichet unique Place 0-5 en ce moment.

L’annonce de Mathieu Lacombe ne comprend pas les 1600 places qui ont été attribuées par son prédécesseur Luc Fortin l’an dernier et qui vont de l’avant comme prévu.

LE RÉSEAU ACTUEL EN CHIFFRES

CPE : 95 881 places (dans 1570 établissements)

Garderies privées subventionnées : 47 108 places (dans 713 garderies)

Services de garde en milieu familial : 91 604 places (dont 8000 qui ne sont pas attribuées) et 12 779 éducatrices

Total de places subventionnées : 234 593

Garderies privées non subventionnées : 69 796 places dans 1275 établissements

déploiement de la maternelle 4 ans

Les garderies privées et en milieu familial perdraient des centaines de millions

QUÉBEC — Le déploiement de la maternelle 4 ans causerait des pertes de 187 à 385 millions de dollars par année aux éducatrices en milieu familial et aux garderies privées non subventionnées en raison d’une baisse de la clientèle, calcule Québec. Mais les CPE s’en tireraient sans conséquence. C’est ce que révèle une analyse d’impact que le ministère de l’Éducation a diffusée sur son site web.

de 12 000 à 24 000 enfants en moins en milieu familial

Deux scénarios sont analysés : une fréquentation de la maternelle par 50 % ou par 80 % des enfants de 4 ans à compter de 2023-2024. « Les services de garde en milieu familial pourraient avoir à composer avec un manque à gagner de 98,4 millions de dollars (scénario à 50 %) ou de 202,7 millions de dollars (scénario à 80 %) » par année, avance-t-on. Comme il existe un peu plus de 12 700 éducatrices en milieu familial, la perte moyenne oscillerait entre plus de 7700 $ et près de 16 000 $. Ces services de garde perdraient entre 12 000 et 24 700 enfants, selon l’analyse d’impact. Ils accueillent environ 90 000 enfants à l’heure actuelle.

Vers des fermetures

Cette perte de clientèle entraînerait la fermeture de 196 à 2317 services de garde, selon l’un ou l’autre des scénarios analysés. « Le nombre de responsables qui pourraient cesser leurs activités est difficile à estimer, la perte de clientèle étant distribuée parmi la plupart d’entre eux : c’est plutôt la baisse de leurs revenus qui pourrait en inciter certains à se tourner vers une autre activité économique », peut-on lire dans l’analyse d’impact.

Les garderies non subventionnées écoperont aussi

Les 1275 garderies privées non subventionnées « pourraient avoir à composer avec un manque à gagner de 88,3 millions de dollars (scénario à 50 %) ou de 182 millions de dollars (scénario à 80 %) » par année. La moyenne se chiffre à 69 000 $ ou à 143 000 $ selon l’un ou l’autre des scénarios. Ces garderies perdraient 9000 ou près de 19 000 enfants – on calcule que le tarif payé par un parent est de 37 $ par jour. Si la maternelle 4 ans est fréquentée par 80 % des enfants, 910 postes d’éducatrices seraient supprimés ; il y a 6825 employés à l’heure actuelle dans les garderies privées non subventionnées.

Ajout de postes dans les écoles

L’analyse d’impact relève que le déploiement de la maternelle 4 ans « nécessitera la création d’un nombre important de postes » dans les écoles. Toujours en fonction des deux scénarios retenus, il y aurait l’embauche de 3000 à 5000 enseignants, de 1500 à 2500 « ressources spécialisées dans le développement des enfants d’âge préscolaire », et de 620 à 1060 éducatrices en service de garde en milieu scolaire. « Les éducatrices et éducateurs à l’enfance présenteraient un profil plus qu’intéressant pour occuper de tels postes, principalement ceux des deuxième et troisième catégories ci-dessus », fait-on valoir. « Ainsi, le gouvernement pourra accompagner [les personnes] qui souhaiteraient obtenir un nouvel emploi et leur proposer des solutions gagnantes. Il en va de même pour les responsables de services de garde en milieu familial qui répondent aux exigences de qualification. »

Pas d’impact pour les CPE, selon Québec

« De façon générale, ce qu’on anticipe, c’est qu’il n’y aura pas d’impact pour les CPE et les garderies privées subventionnées », plaide le ministre de la Famille, Mathieu Lacombe. Selon l’analyse, « les places libérées dans les CPE et les garderies subventionnées » en raison de la maternelle 4 ans « seraient comblées par des enfants de 18 à 47 mois provenant des responsables de service de garde en milieu familial et des garderies non subventionnées ».

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