RENTRÉE SCOLAIRE  COUR D’ÉCOLE

Conflit ou intimidation ?

Écosystème en pleine ébullition, la cour d’école ramène inévitablement son lot de conflits à la rentrée. Mais ces pleurs au retour de l’école sont-ils le fruit d’une simple querelle d’enfants, ou une situation plus grave à laquelle il faut réagir ? Érika Amsterdam, psychoéducatrice dans quatre écoles au nord de Montréal, constate que la médiatisation du phénomène de l’intimidation amène les parents à s’inquiéter plus rapidement quand tout ne tourne pas rond avec les camarades de classe. Nous avons abordé la question avec elle.

Les émotions sont souvent vives au retour de l’école lorsqu’un conflit éclate…

Oui, tout à fait ! Dans un premier temps, comme parent, on va écouter notre enfant. On va lui apporter du soutien, mais on va aussi l’amener à trouver des solutions. Il faut faire attention à ne pas surprotéger notre enfant en réglant les choses à sa place, en se présentant à l’école tout de suite pour régler la situation. Aussi, lorsqu’ils écoutent leur enfant raconter la façon dont le conflit a commencé, il est parfois difficile pour les parents de faire confiance à l’école. Il y a quand même des intervenants qui sont capables d’aller chercher les bonnes informations, parce qu’il y a tout un contexte à établir.

Est-ce qu’avec la médiatisation de l’intimidation, les parents s’inquiètent davantage ?

Oui, beaucoup. Ce que l’on voit souvent, c’est que dès qu’il y a une situation de conflit, on la traite comme si c’était une situation d’intimidation. Comme intervenants, on a souvent à démêler tout ça. Il y a des critères très précis pour déterminer que l’enfant est victime d’intimidation.

La différence est-elle facile à faire entre le conflit et l’intimidation ?

D’abord, quand il est question d’intimation, il y a un rapport de force qui s’installe. Il y a un individu qui est plus vulnérable par rapport à l’autre, comme un grand contre un plus petit, ou encore un enfant qui s’affirme peu contre un caïd.

Il y a aussi une différence entre les sentiments ressentis. Dans un conflit, les deux enfants sont tristes, ou fâchés. Les émotions sont semblables. Dans une situation d’intimidation, il y a une différence : l’intimidé a peur et l’intimidateur a une sensation de pouvoir et même de plaisir.

De plus, l’intention est différente. Dans un conflit, il n’y a rien de prémédité : « On jouait au ballon, il a dépassé la ligne et ça m’a mis en colère. » Mais dans un cas d’intimidation, les actions étaient prévues : « Il s’est mis à côté de la porte pour m’attendre… »

Enfin, le dernier critère, c’est la durée. L’intimidation, c’est répétitif.

Dans un cas d’intimidation, vous intervenez alors auprès de l’enfant intimidé et de l’intimidateur ?

Oui, on ne fait pas de résolution de conflit dans ces cas-là. On intervient auprès des personnes directement impliquées, mais aussi auprès des témoins. Car la situation est connue auprès des jeunes autour. On aborde la question des témoins silencieux, car ils ont un rôle à jouer.

Mais devant la peine qu’éprouve notre enfant, on a le réflexe d’intervenir rapidement…

Il faut être vigilant, mais ne pas faire les choses à la place de l’enfant. De plus, les chicanes entre élèves, c’est quelque chose d’inévitable. Même dans nos vies d’adultes, il y a encore des conflits. Il faut voir ça comme une expérience d’apprentissage pour les enfants. Ils apprennent à développer leur empathie, à gérer leur colère, à nommer leur insatisfaction, à s’affirmer devant l’autre… c’est ce qui fait la beauté du conflit.

Malgré tout, si on sait que notre enfant est malheureux quand il va à l’école, c’est important de dénoncer la situation, surtout si l’enfant n’est pas capable de le faire par lui-même. Je prône par contre toujours l’autonomie de l’enfant.

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