ÉDITORIAL ENTREPRISES EN DÉMARRAGE

À quand un Steve Jobs québécois ?

Créer sa propre entreprise. Puis casser la baraque, changer le monde et devenir le prochain Steve Jobs. Ce rêve a longtemps été associé à la Silicon Valley. Mais il vit aussi maintenant au Québec avec une force nouvelle.

On mesure mal l’importance des entreprises en démarrage, ou « start-ups ». Elles sont pourtant essentielles pour stimuler l’innovation, créer des emplois et améliorer la productivité. Aux États-Unis, les quatre plus importantes capitalisations boursières sont maintenant Apple, Alphabet (la société mère de Google), Microsoft et Amazon. C’est dire l’importance de l’entrepreneuriat technologique.

Le Québec n’est évidemment pas la Silicon Valley. Mais depuis 10 ans, une véritable révolution dont on parle trop peu a profondément transformé l’environnement dans lequel évoluent les entreprises en démarrage.

Les Québécois qui rêvent de créer le prochain succès à la Facebook ont maintenant leurs propres héros – des gens comme Louis Têtu, Martin-Luc Archambault ou Éric Boyko, pour ne nommer que ceux-là. Ils ont un quartier général au cœur de la métropole, la Maison Notman. Ils ont leurs événements – en juillet, le Startupfest de Montréal a attiré 4500 participants. Ils peuvent se joindre à ce qu’on appelle des « accélérateurs d’entreprises » – des sortes de camps d’entraînement où on leur fournit des locaux, de l’argent et des conseils afin de propulser leur développement.

Et ils ont de l’argent. On prendrait toujours plus de dollars, mais depuis quatre trimestres, les sommes investies en capital de risque au Québec ont systématiquement dépassé 225 millions. Pour la première moitié de 2016, cet argent misé sur nos meilleures entreprises dans l’espoir de les voir percer nous place au 8e rang de toute l’Amérique du Nord – du jamais vu.

Deux grands absents doivent cependant profiter de ce nouveau dynamisme. Le premier, c’est l’université. Des efforts sont faits – on pense au centre d’innovation District 3, de Concordia, ou au Centech de l’ETS. Mais ces initiatives semblent timides quand on regarde ce qui se passe en Ontario. À Toronto, par exemple, l’Université Ryerson a créé un espace de 40 000 pieds carrés, la Digital Media Zone, qui a fait éclore pas moins de 236 entreprises depuis sa création.

« De façon générale, l’Ontario réussit mieux l’arrimage avec les universités. Cela s’est fait grâce à des équipes très fortes, et avec des mécanismes de financement qui font autant intervenir le privé et le provincial que le fédéral », constate Gilles Duruflé, consultant indépendant en capital de risque.

La province voisine offre au Québec un modèle en or, tout près, dont il doit s’inspirer.

Les universités ont des étudiants, des chercheurs, des capacités de recherche et des laboratoires qui peuvent faire passer l’écosystème en vitesse supérieure.

L’autre grand absent est la grande entreprise. Des géants technologiques comme CGI ou CAE, par exemple, doivent se coller davantage aux entreprises en démarrage. Ces grandes sociétés apportent une connaissance du marché qui est essentielle aux start-ups. En retour, les grandes entreprises se nourrissent des innovations et du dynamisme des petites. Tout le monde a à gagner d’un tel arrimage.

Pour que les choses débloquent, il faudra cependant changer les cultures. On ne peut attendre que cela se fasse naturellement. Les gouvernements et les acteurs du milieu doivent forcer les choses, notamment en créant des espaces où les différents groupes se côtoieront.

Le Québec a fait des progrès considérables au cours de la dernière décennie pour créer une chaîne capable de faire naître et progresser des entreprises. L’heure est venue d’y ajouter les derniers maillons afin de propulser son économie.

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