Allégation d’agression sexuelle

Les vérifications au sein du caucus libéral ont soulevé des « questionnements »

Le premier ministre Philippe Couillard dit avoir « rapidement agi » en excluant Gerry Sklavounos de son caucus, mais ses vérifications pour débusquer le député visé par une allégation d’agression sexuelle ont soulevé des « préoccupations » dans les rangs libéraux. Alors qu’Alice Paquet trouve « aberrant » que son présumé agresseur puisse continuer de siéger à l’Assemblée nationale, la CAQ a appelé hier le député de Laurier-Dorion à quitter ses fonctions.

Allégation d’agression sexuelle

Des « préoccupations » par rapport aux rencontres

Les vérifications commandées par le premier ministre Philippe Couillard pour débusquer le possible agresseur dans son caucus ont suscité des « préoccupations » et des « questionnements » dans les rangs libéraux. Lors de la réunion du caucus en matinée, jeudi, des députés, dont Robert Poëti, ont plaidé que le gouvernement « se plaçait un peu à risque sur le plan légal » en faisant passer chaque élu au confessionnal. « Si tu rencontres la personne soupçonnée et qu’elle te dit quelque chose, tu vas faire partie de la preuve automatiquement » dans le cadre de l’enquête policière, a prévenu un député. Le gouvernement a alors décidé de consulter un avocat avant de procéder aux rencontres afin que les vérifications soient faites « dans les règles de l’art ».

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Des rencontres non concluantes

Le whip Stéphane Billette, la présidente du caucus Nicole Ménard et un conseiller de M. Couillard, Claude Lemieux, ont questionné les députés tour à tour jeudi. « La très grande majorité [des députés] trouvaient l’exercice particulier, mais en même temps nécessaire », selon un élu. Or, au terme des entretiens, M. Billette n’était pas en mesure d’identifier le député mis en cause, a-t-on appris. Ce n’est qu’une fois que des médias ont dévoilé le nom de M. Sklavounos que le gouvernement a décidé de lui montrer la porte. Nicole Ménard a passé un coup de fil au député de Laurier-Dorion. Les élus libéraux ont été conviés à une conférence téléphonique pour revenir sur les vérifications et leur expliquer les motifs de la décision.

Allégation d’agression sexuelle

Couillard expéditif

Philippe Couillard soutient n’avoir jamais été mis au courant de gestes déplacés de la part de Gerry Sklavounos avant la sortie d’Alice Paquet, qui dit avoir été sexuellement agressée par le député en 2014. M. Sklavounos a été expulsé du caucus libéral jeudi en lien avec ces allégations. M. Couillard, qui avait annoncé la décision par voie de communiqué, s’est fait avare de commentaires, hier. « On a rapidement agi, de façon très décisive, tout le monde l’a constaté », a-t-il dit lors d’une conférence de presse à Toronto. Quand on lui a demandé si M. Sklavounos devrait démissionner, il a balayé la question. « Nous nous sommes gouvernés, et c’est maintenant à M. Sklavounos, qui siège maintenant à l’extérieur de notre caucus, de se gouverner. »

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Un « comportement déplacé »

Une attachée de presse du Parti québécois s’est plainte en 2012-2013 du « comportement déplacé » du député Gerry Sklavounos. Les événements se sont produits alors que le gouvernement Marois était au pouvoir. Le chef de cabinet du whip en chef du gouvernement, Harold Lebel, aujourd’hui député, avait fait part de la situation à son vis-à-vis du PLQ. M. Sklavounos a changé de conduite à l’égard de la plaignante par la suite. Hier, la députée caquiste Nathalie Roy a demandé au gouvernement de faire la lumière sur cette affaire. Philippe Couillard a dit qu’il n’avait pas été informé de cette plainte. Il n’était pas chef du parti à l’époque. Mme Roy a demandé aux employées ou stagiaires de l’Assemblée nationale actuelles ou anciennes de porter plainte si elles avaient été victimes de harcèlement de la part de M. Sklavounos. Certaines ont témoigné avoir été la cible de gestes déplacés dans le passé.

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« Impossible de continuer » à siéger, selon la CAQ

Comme Québec solidaire, la Coalition avenir Québec estime que Gerry Sklavounos doit quitter son siège de député. « Je crois qu’il devrait réfléchir très sérieusement à la possibilité de démissionner de son poste. Et je lui laisse ça en son âme et conscience parce que ce sera impossible pour lui de continuer à travailler dans les circonstances », a affirmé la députée Nathalie Roy. Selon elle, de telles enquêtes policières sur un élu « concernant des crimes contre la personne », « ça jette un discrédit » sur tous les parlementaires.

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Sklavounos doit quitter son siège, dit Alice Paquet

Que Gerry Sklavounos puisse continuer de siéger comme député indépendant est « aberrant », soutient Alice Paquet. « Il continue de prendre des décisions. Déjà ça, c’est horrible. Qu’on accepte, qu’on prenne la décision à l’Assemblée nationale qu’il reste là, le message qu’ils lancent en ce moment, c’est que c’est correct, que ce n’est pas grave que quelqu’un prenne des décisions. Il a violé, il m’a violée », a-t-elle affirmé en marge d’une conférence de presse sur les violences à caractère sexuel à Longueuil. Selon elle, le gouvernement aurait dû lui demander de démissionner. « Ça aurait été la moindre des choses » que M. Sklavounos annonce lui-même son départ de la politique, selon elle. « Qu’il reste, je ne comprends pas », a-t-elle affirmé avec émotion. « C’est non à la culture du viol. On ne veut pas de ce genre d’hommes là dans notre Assemblée nationale. » Il est inconcevable à ses yeux que M. Sklavounos soit resté député après la plainte déposée par une employée politique du PQ.

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Rencontre avec la police lundi

Alice Paquet ne répondra plus aux questions pour « se concentrer maintenant sur l’enquête ». Elle rencontrera le SPVQ lundi. « J’ai décidé que j’allais en dire moins, parce que même si cette affaire est publique maintenant, ça ne regarde que moi de vous dire ou non les détails de ces nuits-là. Le tout se fera en cour, et la loi décidera du sort de cet homme », écrit-elle dans un message publié sur Facebook en début de soirée hier. Elle reconnaît avoir donné des versions contradictoires sur les soins médicaux qui auraient été nécessaires à la suite de son agression. Elle avait dit à La Presse ne pas avoir eu de points de suture, puis soutenu le contraire au Journal de Montréal, pour finalement revenir à sa réponse initiale hier. « Pour ce qui est des points de suture, je suis revenue sur mes paroles, oui. C’est dans mon droit de nier ou acquiescer (on parle de mon vagin ici, hello ? ?). Si je n’ai plus envie d’en parler, c’est mon choix. »

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Me Julius Grey conseille Alice Paquet

Me Julius Grey conseille Alice Paquet, mais il précise qu’« il n’y a pas de cause civile, pas de cause criminelle, pas de cause administrative » pour le moment. « Alice Paquet est plaignante, c’est tout. Donc, oui, je la conseille. Dans ce sens, je suis peut-être son procureur, mais il n’y a pas de cause. Elle m’appelle, je parle avec elle. Je suis dans le tableau, je vais l’aider si nécessaire, mais je suis bien conscient que ces causes-là, d’agressions sexuelles, sont devenues importantes », a-t-il affirmé à La Presse. Alice Paquet lui « semble très convaincante ». « Je dis toujours qu’il faut faire en sorte que la plaignante n’ait pas peur de porter plainte et en même temps que les droits fondamentaux de l’accusé soient respectés. Il faut trouver l’équilibre entre ces deux principes », a-t-il ajouté.

— Avec la collaboration de Suzanne Colpron, Denis Lessard et Louis-Samuel Perron, La Presse

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