Allégation d’agression sexuelle

La notion de consentement au cœur d’un éventuel procès

Celle qui accuse le député Gerry Sklavounos, Alice Paquet, peut espérer voir sa cause portée devant les tribunaux si l’enquête policière s’avère concluante. Le cas échéant, la notion de consentement en matière sexuelle sera au cœur de cette affaire.

« Les critères pour la judiciarisation d’un dossier sont toujours les mêmes, c’est-à-dire qu’il faut qu’on soit moralement convaincu qu’il y a eu un crime à la lecture du dossier. On a des directives assez claires en matière d’agression sexuelle, il y a des obligations corrélatives de pousser plus loin, de parler à la victime, etc. C’est vraiment du cas par cas. Habituellement, les procureurs qui traitent ces dossiers sont des procureurs aguerris, des spécialistes », explique Me Jean Campeau, président de l’Association des procureurs aux poursuites criminelles et pénales.

« Dans le cas présent, il peut assurément y avoir matière à poursuite, mais la victime présumée devra convaincre le juge hors de tout doute raisonnable qu’elle ne voulait pas, qu’elle a manifesté son refus et que lui a sciemment refusé d’entendre ce qu’elle disait. Les accusés sont rarement condamnés pour agression sexuelle », indique Me Louise Langevin, professeure à la faculté de droit de l’Université Laval et spécialiste du droit des femmes.

Consentement renouvelé

« En matière de consentement sexuel, le consentement doit être renouvelé à toutes les étapes de la rencontre, insiste Me Langevin. Ici, la jeune femme a dit clairement avoir suivi monsieur dans sa chambre, qu’elle a échangé un baiser avec lui. Certains diront qu’elle a couru après. Mais ensuite, elle a dit qu’elle ne voulait pas aller plus loin. Une personne peut changer d’avis à tout moment sans avoir à se justifier. »

« À partir du moment où une personne dit non, c’est non. Le consentement peut être retiré à n’importe quel moment. »

— Me Jean Campeau, président de l’Association des procureurs aux poursuites criminelles et pénales

« Si la personne a consenti, mais que, soudainement, elle n’est plus en état de consentir, par exemple si elle est inconsciente après avoir trop bu, elle ne consent plus », explique Me Campeau. Selon Me Langevin, l’absence de consentement vaut aussi « si la femme est paralysée par la peur, qu’elle est terrorisée », si elle craint des représailles « parce que monsieur est en situation d’autorité, parce qu’il est député, l’ami du patron ».

Importance du témoignage

« La notion de consentement est bien balisée, mais c’est l’application des faits au droit qui est souvent problématique. C’est éminemment factuel, précise Me Campeau. Dans la plupart des cas, la majeure partie de la preuve va venir du témoignage de la victime. » Plus que de la trousse médico-légale. « Il peut y avoir reconnaissance d’agression sexuelle sans résultats probants des tests. Et même si les tests prouvent qu’il y a eu relation sexuelle, ça ne prouve pas qu’il y a eu agression sexuelle. » Une personne accusée d’agression sexuelle peut invoquer la défense de « croyance sincère, mais erronée au consentement », souligne Me Campeau. L’accusé doit néanmoins prouver qu’il pensait que la personne qui l’accuse était consentante et qu’il a pris des moyens raisonnables pour s’assurer de ce consentement.

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.