D’autres réactions
« La bonne nouvelle, c’est qu’on ne sera pas pris à étudier des dossiers qui ne correspondent pas au marché du travail », se réjouit Michel Leblanc, président et chef de la direction de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain (CCMM). Pour lui, la généralisation du régime de déclaration d’intérêt facilitera la tâche pour que les compétences et les désirs des immigrants soient en adéquation avec les besoins du Québec. Il insiste tout de même sur l’importance de traiter rapidement les dossiers. La CCMM s’est prononcée publiquement contre l’abaissement du nombre de personnes immigrantes à 40 000, préconisant l’entrée au Québec de 60 000 individus pour pourvoir des emplois existants.
Une personne arrivant au Québec voit souvent l’eldorado qu’elle s’était imaginé s’effondrer rapidement, croit Jean-Luc Gélinas, directeur général du Service d’orientation et d’intégration des immigrants au travail, dans la ville de Québec. Il se réjouit d’un programme qui permettrait un arrimage adéquat entre offres et demandes d’emplois. « Si on peut placer les gens, ça va leur enlever la pression, le stress quand ils arrivent », affirme-t-il. Il émet par contre certains bémols. Bien que des manques de main-d’œuvre demeurent à combler en région, il faut s’assurer que les immigrants y sont bien préparés. « Ce n’est pas juste un travailleur, c’est une famille aussi », souligne M. Gélinas, qui souhaite que l’accent soit mis sur les étapes précédant le départ.
Le choix de reléguer aux oubliettes quelque 18 000 dossiers de demandes pour immigrants qualifiés est une aberration, selon Guillaume Cliche-Rivard, président de l’Association québécoise des avocats et avocates en droit de l’immigration (AQAADI). « C’est tragique, ça fait mal à la réputation du Québec à l’international », lance Me Cliche-Rivard. Il s’inquiète de la situation d’immigrants déjà sur le marché du travail québécois, parlant français et ayant payé divers frais, qui se retrouvent le bec à l’eau et doivent recommencer les démarches qui leur ouvriraient la porte de la résidence permanente. L’AQAADI étudie actuellement les différentes interventions juridiques possibles. « Si on ne peut pas se faire entendre juridiquement, on va le faire politiquement », promet le président de l’association.
La possibilité qu’on accorde un pouvoir supplémentaire au Québec en matière de sélection de ses immigrants demeure peu probable, selon Me France Houle, professeure à l’Université de Montréal et spécialiste du droit de l’immigration. Elle rappelle que le Québec fait déjà figure d’exception parmi les provinces en matière de sélection de ses immigrants. Pour être appliqué, le projet de loi du ministre Simon Jolin-Barrette doit être reconnu par une entente avec Ottawa. Pour ce qui est des recours possibles, elle n’y voit que bien peu de chances de réussite. « Ça me surprendrait qu’un juge accepte de s’y mettre le nez. L’immigration est encore considérée comme la chasse gardée des gouvernements », dit-elle. — Isabelle Grignon-Francke, La Presse