LE RETOUR D’UZEB

Comme le bon vin

« Quand tu as la chance de jouer dans un power trio comme UZEB, tu ne dis pas non », a dit en substance le batteur Paul Brochu quand est (enfin) venu son tour d’aller faire son petit boniment au micro comme il l’avait exigé de ses amis, le guitariste Michel Cusson et le bassiste Alain Caron.

Oui, UZEB, qui a connu la gloire ici et en France dans les années 80, est sans doute ce qui ressemble le plus à un authentique power trio « made in Québec ». Mais lors de ce premier concert en 25 ans, hier soir à la salle Wilfrid-Pelletier, ce n’est pas tant la pyrotechnie musicale que le public a applaudie que la musique d’UZEB, qui passait parfois au second plan quand on n’en avait que pour ses passes de virtuoses.

Ces trois gars-là ne sont pas seulement de bons musiciens, ils ont l’intelligence de leur art.

Ils ont vite compris que des versions trop fidèles de leurs compositions d’antan ne les serviraient pas du tout. Dès les toutes premières pièces au programme, la guitare de Cusson sonnait comme une guitare et non pas comme les claviers ringards dont on a fait une indigestion dans les années 80. La pièce UZEB Club, tout indiquée pour ouvrir le bal devant ce vibrant fan-club de 3000 membres, était à la fois très rock et funky, et New Hit, qui a suivi, nous a valu des soli de Caron et de Cusson, l’un aussi suave que l’autre était épique.

Pendant New Hit, justement, Cusson a éprouvé quelques problèmes avec ses bébelles, mais c’était plus sympathique qu’autre chose. On ne s’attendait pas à ce que les trois amis retrouvent leur cohésion d’antan en un coup de baguette magique et il a fallu quelques morceaux avant que « la sauce lève », comme l’a dit Cusson après Slinky. C’est avec cette pièce de leur tout premier album, enregistré en concert en Angleterre en 1981, que ça s’est véritablement mis à chauffer, le très solide Brochu nous servant un solo acclamé qui ne s’est pas éternisé.

L’autre très bonne idée qu’a eue UZEB, c’est de s’adjoindre une section de cuivres pétante de santé qui a insufflé à leurs compositions un caractère plus organique, plus jazz quoi.

Les trois gars d’UZEB n’ont peut-être pas joué ensemble depuis un quart de siècle et Cusson s’est peut-être investi davantage dans la composition que dans la performance entre-temps, mais on a vite constaté que tout le bagage qu’ils ont accumulé fait d’eux aujourd’hui un trio plus subtil, plus riche, plus intéressant. Dont la musique a bien vieilli.

Juste avant les trois rappels, UZEB nous a servi coup sur coup avec ses amis Trottier, Couture, Zanella, Bellemare et Côté les énergisantes Mister Bill et Funkaleon, avec entre les deux un grand moment de symbiose musicale entre Caron, plutôt discret jusque-là, et Brochu. Du bonbon.

UZEB a donc brillamment évité le piège de la nostalgie dans lequel seraient tombés tant d’autres musiciens dans les mêmes circonstances. Ce qui faisait le plus 1992 dans ce concert, c’était l’absence quasi totale de téléphones-caméras dans la salle, conformément au souhait qu’avait exprimé le cofondateur du Festival de jazz, André Ménard, pour goûter pleinement ce « moment historique ».

Personne ne s’en est plaint.

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